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Intervention de Didier Bollecker

Réunion du 14 septembre 2011 à 14h00
Mission d'information relative à l'analyse des causes des accidents de la circulation et à la prévention routière

Didier Bollecker, président de l'Association française des automobilistes, Automobile Club :

L'Association Automobile Club est issue du regroupement de l'Automobile Club d'Alsace et d'une vingtaine d'autres Automobile-Clubs avec la Fédération française des Automobile-Clubs, à l'époque présidée par Christian Gérondeau, toujours membre de notre comité de direction.

Avec un peu plus de 700 000 membres cotisants, l'Automobile Club est probablement la première organisation représentative des automobilistes. À ce titre, elle est membre de la Fédération internationale de l'automobile (FIA), au sein de laquelle j'exerce des fonctions de juge auprès du tribunal international et de membre de l'Euroboard. Je suis également membre du conseil d'administration du fonds de garantie automobile, ce qui me permet d'aborder les questions de sécurité routière dans les circonstances particulières que constitue le défaut d'assurance.

L'Automobile Club se préoccupe de sécurité routière depuis maintenant 110 ans. Nous avons donc une certaine expérience et nous avons eu l'occasion d'observer de près le comportement de cet « homo mobilis » spécial qu'est le conducteur.

Un accident fait toujours intervenir trois facteurs : le conducteur, la voiture et les infrastructures. Les réflexions dont je souhaite vous faire part relèvent de ces trois domaines.

Je commencerai par la route, lieu où survient le drame. Les infrastructures ne sont pas toutes égales. En effet, sur le nombre total des accidents mortels, 6 % surviennent sur l'autoroute, 9 % sur les routes nationales, 66 % sur les routes départementales et 19 % sur les voieries communales et urbaines. Si nous pondérons ces chiffres par le kilométrage et le trafic, cela signifie qu'il est huit fois plus dangereux – avec le même véhicule et le même conducteur – de rouler sur une route départementale que sur une autoroute. L'infrastructure a donc une importance considérable.

C'est pour cette raison que la Fédération internationale de l'automobile a développé le programme EuroRAP, qui procède à une analyse des routes au moyen d'un système perfectionné d'enregistrement portant sur la qualité des revêtements et la signalisation, analyse mise en corrélation avec des données d'accidentologie. Ce programme n'a pas d'effets directs sur la sécurité, mais il constitue un outil clair et indiscutable pour déterminer les zones à risques. Malheureusement, la France est l'un des rares pays européens à ne pas y participer. Nous demandons instamment que notre pays rejoigne le programme EuroRAP. J'ai d'ailleurs quelque honte à vous avouer que les seuls axes qui ont pu être examinés en France l'ont été par nos homologues étrangers, à leurs frais, sur la route des vacances de leurs ressortissants. Cette situation est inadmissible. Le Président Chirac avait indiqué que la France rejoindrait le programme, mais, depuis, on invoque des problèmes techniques ou le fait que les routes dépendent désormais des départements. Ces arguments ne résistent pas à l'examen. Les moyens techniques et les données existent. Il faut que la France s'engage dans ce programme, d'autant qu'elle n'a pas à rougir de son réseau routier. Encore faut-il pouvoir détecter les points noirs.

J'en viens à un autre aspect des infrastructures, à savoir la notion de « route qui pardonne ». Des études suédoises ont montré que chaque conducteur commet, en conduisant, à peu près un geste erroné tous les 500 gestes – tourner le volant, changer de vitesse, actionner les phares, les essuie-glaces, etc… Cette donnée est statistique et, semble-t-il, irréductible. Un accident est donc la conjonction, dans un certain espace temps, de plusieurs gestes erronés, de la part du conducteur lui-même ou de celui qui vient en face. Il faut donc que la route pardonne : nous avons pour cela les rails de sécurité ou encore les pylônes protégés. Dans les pays scandinaves, il existe des glissières de sécurité sur des routes à deux voies. Dans la mesure où le conducteur est imparfait et le demeurera, la notion de route qui pardonne doit être prise en considération.

Le deuxième facteur d'accidents, ce sont les véhicules. Ceux-ci ont fait l'objet de progrès considérables – je pense à la ceinture de sécurité, introduite par Christian Gérondeau, aux cellules déformables en cas de choc, mises en évidence par le programme des crash tests, au fameux programme Euro NCAP, lui aussi initié par la FIA, à l'ESP, rendu obligatoire après une importante campagne de la FIA, et à bien d'autres aides électroniques. Les voitures d'aujourd'hui sont donc infiniment plus sûres que celles d'autrefois, même si cela peut avoir quelques effets pervers dans la mesure où plus confortables, plus silencieuses, elles peuvent entraîner la perte de la notion de risque pour le conducteur.

Ce tableau idyllique est quelque peu assombri par l'âge du parc automobile français. La France est, en effet, l'une des lanternes rouges de l'Europe dans ce domaine, puisque, depuis l'an dernier, l'âge moyen des véhicules a dépassé huit ans. Or, en huit ans, ont été accomplis d'importants progrès en matière de sécurité routière. C'est d'autant plus préoccupant que ce sont souvent les jeunes qui roulent dans de vieilles voitures et qui paient le plus lourd tribut à la sécurité routière. Il n'est pas admissible qu'un conducteur âgé soit simplement un jeune qui ait survécu.

Le facteur voiture me paraît donc globalement très en avance par rapport au dernier facteur, le conducteur. Le fossé se creuse entre le progrès technique et la formation du conducteur. Le viatique rose que l'on obtient lorsque l'on atteint sa dix-huitième année est en principe un permis à vie, alors que tout le monde s'accorde à dire qu'au lendemain de son permis de conduire, un conducteur ne sait pas conduire. Certes, il sait faire un créneau et respecter un certain nombre de règles, après avoir réussi à remplir son QCM sans faire plus de cinq ou six erreurs, mais il est clair qu'il ne sait pas conduire. Or, il va se retrouver dans le flux de la circulation. Que les jeunes paient un plus lourd tribut en matière de sécurité routière est malheureusement tout à fait normal parce qu'ils n'ont pas d'expérience, parce qu'ils roulent probablement dans un véhicule plus ancien et, enfin, parce que lorsqu'on est jeune, on n'a pas la même perception du risque que plus tard, lorsqu'on s'est un peu assagi.

Compte tenu de tous ces facteurs, il existe aujourd'hui un divorce complet entre la formation du conducteur et les nécessités réelles de la conduite. Le meilleur exemple à suivre en la matière est celui de l'Autriche, qui, en 2003, a mis en place un cursus obligatoire de formation des jeunes conducteurs dans les douze mois qui suivent l'obtention du permis de conduire. Il n'est pas question de modifier la formation initiale du permis de conduire mais de reprendre les acquis, après un an de circulation effective, lorsqu'on commence à croire qu'on sait conduire. Cette formation, obligatoire pour la validation définitive du permis, consiste à passer un certain nombre d'heures sur des pistes de sécurité routière, destinées à montrer au conducteur ses limites et à quel point il est facile de sortir de la route.

L'Automobile Club exploite sur l'ensemble du territoire français sept pistes de sécurité routière qui permettent de former annuellement environ 20 000 stagiaires.

En Autriche, l'expérience conduite a entraîné une diminution permanente de l'accidentologie des jeunes conducteurs de 30 %. C'est un résultat tangible, scientifiquement constaté, non équivoque, qui constitue une piste extrêmement sérieuse pour diminuer l'accidentologie en France, particulièrement celle des jeunes conducteurs. Nous préconisons donc d'instaurer en France, le plus rapidement possible, un stage obligatoire post-permis, qui pourrait être effectué avant même l'attribution des douze points.

Comme vous le savez, une directive européenne dispose que le permis de conduire n'est plus décerné à vie mais doit faire l'objet d'une validation tous les quinze ans. Mais la transposition nationale de cette directive permet aux États de procéder à un renouvellement purement administratif. Le moment est peut-être venu de réfléchir aux modalités de renouvellement du permis de conduire. Nous pourrions peut-être envisager un stage de remise à niveau, qui pourrait avoir lieu sur des pistes de sécurité routière, ou encore un examen de la vue – 44 % des accidents interviennent de nuit, ce qui laisse penser que de nombreux conducteurs ont des problèmes de vision. Voilà des pistes que nous pourrions suivre.

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