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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 21 septembre 2011 à 9h30
Commission des affaires sociales

Didier Migaud, Premier président de la Cour des comptes :

La Cour, monsieur Bur, ne pose pas le problème en termes de « sous-financement » de la sécurité sociale. Elle constate un déficit qu'elle considère comme une anomalie : il ne lui paraît pas normal que les comptes sociaux soient présentés en déséquilibre puisqu'il s'agit de dépenses courantes et que les dépenses courantes doivent être assurées par les générations actuelles et non par les générations futures. Un déficit des comptes sociaux, tout comme une dette sociale, est injustifiable, et il faut tout faire pour restaurer les équilibres nécessaires.

Poser la question du sous-financement revient à ne s'intéresser qu'aux recettes. On passe alors à côté du problème principal, celui de la dépense et de son efficacité. Je le répète, nous pensons qu'efficacité et solidarité ne s'opposent pas. Bien au contraire, elles sont complémentaires. Dès lors, la solidarité et la justice peuvent se trouver remises en cause si nous sommes insuffisamment attentifs à l'efficacité de notre système de soins.

La France dépense beaucoup pour ce système. Est-il pour autant supérieur à ceux des autres pays ? L'état de santé de la population française est-il meilleur qu'ailleurs ? Non. Il faut donc se poser de la question de l'efficacité. La Cour des comptes est dans son rôle en affirmant qu'on ne peut voir le système de santé et de protection sociale à travers le seul prisme du financement et de la recette, et que des adaptations et des réformes de structures sont nécessaires.

Du reste, c'est le mouvement du monde qui le veut ainsi. Certains progrès modifient la nature du travail. Comment ne pas tenir compte, par exemple, de la dématérialisation, qui dégage d'ailleurs des marges pour faire autre chose tout en restant dans le cadre d'une dépense maîtrisée ?

Concernant le médicament, des réformes sont bien entendu nécessaires. Nous n'avons pas chiffré les économies possibles, mais je rappelle que ce secteur représente 36 milliards d'euros de dépenses.

L'hôpital peut également faire l'objet d'adaptations et de réformes de structures, sans remettre en cause l'accès aux soins et la qualité de la prise en charge.

Ne pas aborder le problème globalement, c'est cela qui compromet la pérennité de notre système de santé et de protection sociale.

La Cour n'a pas à dire s'il est juste ou injuste de dérembourser des médicaments. Elle ne raisonne pas ainsi. La question est de savoir s'il y a ou non un service médical rendu. Si ce n'est pas le cas, il n'y a pas lieu de rembourser. C'est pourquoi nous suggérons de renforcer les analyses médico-économiques et de revoir tout le dispositif d'autorisation de mise sur le marché.

Nous sommes par ailleurs favorables au tarif forfaitaire de responsabilité, qu'il faudrait étendre. En Allemagne, où il est beaucoup plus répandu que chez nous, les résultats sont bien meilleurs dans ce domaine.

Quant à la convergence tarifaire entre les hôpitaux publics et les hôpitaux privés, ce n'est pas la Cour qui la demande, c'est la loi. C'est pourquoi nous ne nous exprimons pas sur le fond. Mais nous reconnaissons les spécificités des hôpitaux publics. À l'évidence, ceux-ci assument des charges particulières et leur vocation n'est pas tout à fait la même que celle des établissements privés. Il convient donc d'identifier et d'analyser objectivement les différences entre les deux catégories. Des progrès restent manifestement à faire sur ce point.

En matière de régulation des prescriptions, notre pays fait preuve d'une véritable timidité tant en médecine de ville qu'en médecine hospitalière. Je le répète, des évaluations médico-économiques sont très nécessaires. Cette mission échoit normalement à la Haute Autorité de santé. Or celle-ci ne s'est pas totalement saisie de cette compétence, en raison d'une interprétation excessivement restrictive de la disposition législative qui la lui attribue. Une de nos principales recommandations est de rendre ces études systématiques pour tous les médicaments innovants, comme c'est le cas dans de nombreux pays voisins. Si des propositions étaient formulées à ce sujet dans le prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale, cela nous paraîtrait aller dans le bon sens.

J'ai déjà évoqué la question des médicaments génériques, les pratiques en matière de prescription et les stratégies de contournement adoptées par les laboratoires. Là aussi, on pourrait prendre utilement des mesures pour améliorer les résultats.

S'agissant du numerus clausus, la Cour demande que l'on tienne le plus grand compte des dernières estimations de tendance publiées par la Direction de la recherche, des études, de l'évaluation et des statistiques (DREES) sans pour autant négliger l'évolution de l'exercice médical, rappelée par M. Préel. En 2009, on dénombrait 61 300 généralistes – 53 600 dits « actifs » et 7 700 ayant un mode d'exercice particulier – ainsi que 54 600 spécialistes, soit un total de près de 116 000. La DREES estime que la baisse attendue de la démographie médicale sera moins prononcée et durera moins longtemps que ce qui était généralement admis jusqu'à présent. Il est également démontré que ce léger creux devrait être suivi d'une vigoureuse reprise de croissance. Selon la Cour, il faut aborder dès aujourd'hui la question d'un ajustement à la baisse du numerus clausus afin d'éviter un déséquilibre démographique futur. Le sentiment de pénurie qui peut exister aujourd'hui ne doit pas aboutir à un gonflement excessif dans les prochaines décennies.

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