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Intervention de Jacques Myard

Réunion du 6 septembre 2011 à 15h00
Projet de loi de finances rectificative pour 2011 — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJacques Myard :

Monsieur le président, madame la ministre, mes chers collègues, nous allons examiner, dans ce projet de loi de finances rectificative, une question essentielle, qui est celle de la stabilité de la zone euro.

Il s'agit donc d'augmenter les capacités et les modalités d'intervention du Fonds européen de stabilité financière et de rendre ses interventions plus flexibles. Mais, en raison de la structure même du FESF, il ne peut bénéficier du triple A qu'à la condition que ses emprunts sur le marché soient garantis par les seuls États triple A. La France, qui ne devait garantir à l'origine que 20,35 des 444 milliards d'euros, va porter sa garantie à 159 milliards ; autant d'engagements qui vont s'ajouter à la dette nationale française.

Il faut surtout préciser aussi qu'en dépit de cette montée impressionnante des garanties françaises, nos créances ne seront plus prioritaires. Si un État fait défaut – et qui peut dire qu'il n'y en aura pas ? –, les créances françaises viendront au même rang que les détenteurs ordinaires des obligations de cet État. Je vous le dis comme je le pense : je trouve que c'est un peu fort de café !

Mais ce n'est pas tout. En ce qui concerne la nature juridique du FESF, vous dites que ce n'est qu'un contrat international. Excusez du peu : un accord international qui crée un organisme de droit luxembourgeois ! Je regrette à cet égard que l'on n'ait pas suivi devant le Parlement le processus qui s'impose pour les accords internationaux. Une simple loi de finances ne suffit pas : il aurait dû y avoir un vote d'approbation d'un traité, ou de l'accord.

Mais revenons-en aux questions de fond. Pourquoi en sommes-nous là ? Pourquoi la Grèce, le Portugal, l'Irlande et l'Espagne sont-ils arrivés dans cette situation ? Comme on le sait, la crise est double. Il s'agit d'abord de la crise des dettes publiques et des dettes privées, qui résulte directement des événements de 2008, lorsque les États ont dû intervenir. Mais il y a aussi une crise structurelle de l'euro, qui est une crise de compétitivité économique en l'absence de zone économique optimale. La Grèce subit de plein fouet ces crises, et avec elle l'Irlande, le Portugal, l'Espagne et maintenant l'Italie.

Il faut savoir que les dettes grecques atteignent, tout confondu, 780 milliards d'euros, dont 340 milliards pour la dette publique, soit environ 143 %, et bientôt 150 % du PIB grec, 120 milliards pour les entreprises, 169 milliards pour les entreprises non financières et 123 milliards pour les ménages, soit trois fois le total du PIB grec.

Les fameux CDS sur la Grèce ont atteint 20,5 % en juin. Il y a quelques mois, les experts estimaient que, pour stabiliser sa dette, la Grèce devait dégager un excédent primaire de 4 % du PIB. Or, aujourd'hui, on constate qu'elle est à 8,8 % de déficit du PIB. En mai 2010, la Grèce a bénéficié d'un prêt de 110 milliards. À l'époque, on visait le retour de la Grèce sur les marchés en 2012. Aujourd'hui, on nous demande de lui reprêter 109 milliards en nous disant qu'elle pourra revenir sur les marchés en 2014 ou 2015… Est-ce crédible ?

Selon des calculs précis effectués par les économistes, la Grèce devrait bénéficier, d'ici à 2019, pour rester dans le système de la zone, de 350 milliards à 390 milliards d'euros. Cela signifie que, chaque année, nous devrions lui transférer 35, 40 ou 60 milliards de crédits nouveaux selon la dette qui tombe. Dans ces conditions, toutes choses étant égales par ailleurs, comme disent les économistes, la Grèce ne pourra pas revenir sur les marchés avant 2019.

Mais la Grèce n'est pas le seul pays à subir ces dysfonctionnements de la zone euro. On estime que les besoins pour la même période se situent entre 150 et 180 milliards d'euros pour le Portugal, entre 130 et 150 pour l'Irlande et à 750 milliards pour l'Espagne – le total des dettes espagnoles représente cinq fois le PIB espagnol.

Dans ces conditions, nous devons nous demander si ce nouvel effort de solidarité est crédible. Je suis pour la solidarité et le problème ne se poserait pas s'il n'y avait que le cas grec, mais ce n'est pas le cas. La France a déjà accordé à la Grèce et aux autres États en difficulté la bagatelle de 40 milliards d'euros, soit directement soit par des crédits garantis, 40 milliards que nous ne reverrons pas.

Les choses sont simples : aucune solution à la crise n'est possible dans le cadre de la politique monétaire actuelle. Il nous faut impérativement changer de politique monétaire. L'économie, vous le savez, c'est la combinaison permanente de tous les facteurs, le capital, le travail, les taux internes et externes. En l'occurrence, plus encore que la question de la dette des États, qui n'est qu'une conséquence cumulative – et non la cause comme je l'ai entendu dire par tout à l'heure dans des grandes envolées de professeurs –, c'est le problème de la compétitivité qui est en jeu. Je vous rappelle que l'Espagne était en surplus budgétaire, comme l'Irlande. C'est la compétitivité de ces États qui est en cause. Ces pays sont étranglés par la monnaie. L'euro a fait passer les exportations françaises de 5,5 % des exportations mondiales à 3,4 % alors que, dans le même temps, la part de l'Allemagne ne diminuait pas du tout.

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