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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 14 septembre 2011 à 11h30
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Lorsque j'ai interpellé le Gouvernement sur cette affaire, le 14 septembre 2010, son porte-parole, Luc Chatel, m'a répondu qu'aucune atteinte n'avait jamais été portée au principe de protection des sources des journalistes, et qu'il était « normal que les journalistes enquêtent et travaillent avec des informateurs ».

Or, les faits viennent aujourd'hui contredire ces affirmations. Aux termes de la loi de 2010, « il ne peut être porté atteinte directement ou indirectement au secret des sources », c'est-à-dire par l'interception des communications comme par la consultation des fadettes, « que si un impératif prépondérant d'intérêt public le justifie et si les mesures envisagées sont nécessaires et proportionnées au but légitime poursuivi ». Quel est donc, dans cette affaire, l'impératif prépondérant d'intérêt public ? Il ne s'agissait pas de protéger la sécurité nationale, ni de défendre les intérêts de la nation, mais d'empêcher la divulgation d'informations concernant une affaire en cours. Vous avez ainsi porté une atteinte très grave à la liberté de la presse, dont la protection des sources constitue une des « pierres angulaires » selon la jurisprudence européenne. Au lieu de chercher à identifier, dans le cadre d'une enquête pénale, l'auteur d'une violation du secret de l'instruction, vous avez demandé la communication de la liste des appels d'un journaliste : c'est lui qui a été visé dans l'exercice de ses fonctions, qui consistent à donner au public des informations qui peuvent ne pas faire plaisir au pouvoir en place, ou à l'opposition, mais qui sont nécessaires à la constitution d'une opinion publique éclairée. Vous n'aviez naturellement pas besoin de connaître le détail des conversations, car leur contenu figurait dans la presse : il s'agissait des auditions concernées ; vous souhaitiez seulement savoir à qui ce journaliste pouvait bien parler.

Vous nous dites, monsieur le ministre, que la justice doit se prononcer dans cette affaire. Selon un arrêt rendu, le 5 mai 2011, par la chambre de l'instruction de la cour d'appel de Bordeaux, la violation du secret professionnel dans le cas d'une enquête pénale est effectivement une « infraction d'un notable degré de gravité » […] « à ce titre, la recherche de l'auteur d'une telle violation pourrait constituer un but légitime de nature à justifier une atteinte, dans certains cas exceptionnels, au droit éminent d'un journaliste à la protection de ses sources ». En l'espèce, l'enquête policière portait toutefois « sur la dénonciation pour le moins hypothétique, par un particulier, de la probabilité, voire simple possibilité, de la commission d'un délit de violation du secret professionnel ». La première condition, à savoir l'existence d'un impératif prépondérant d'intérêt public, n'était donc pas remplie.

Depuis 2010 – Brice Hortefeux était alors ministre de l'intérieur, tandis que vous occupiez la fonction de secrétaire général de l'Élysée –, le Gouvernement a donc menti et organisé une communication variable au fil du temps, à mesure que de nouvelles révélations venaient infirmer les justifications précédemment apportées. Une violation manifeste de la loi relative à la protection du secret des sources a bien eu lieu, et une atteinte très grave a été portée à l'exercice de la liberté de la presse dans notre pays – selon Reporters sans Frontières, la France a d'ailleurs régressé au 44e rang mondial en ce qui concerne la liberté de la presse. C'est pourtant un principe fondamental, reconnu tant au plan constitutionnel qu'au plan européen.

Que comptez-vous faire, monsieur le ministre, pour rétablir l'État de droit dans notre pays ?

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