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Intervention de Valérie Pecresse

Réunion du 31 août 2011 à 11h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Valérie Pecresse, ministre du budget, des comptes publics et de la réforme de l'état :

Permettez-moi de dire à tous les membres de la commission des Finances, devant laquelle il ne m'avait pas encore été donné de m'exprimer depuis ma prise de fonctions, à quel point je suis heureuse de pouvoir désormais travailler avec eux.

Le Gouvernement est conscient des contraintes que des délais d'examen particulièrement resserrés font peser sur votre Commission. En vous mobilisant ainsi, vous adressez un signe très fort de la détermination de la France à répondre rapidement et efficacement à la crise.

C'est également pour cette raison que le Gouvernement a fait le choix de traduire immédiatement dans le projet de loi de finances rectificative les conséquences budgétaires qu'emporte la révision des hypothèses économiques, et notamment l'hypothèse de croissance pour 2011. Nous faisons ainsi preuve de lucidité et de responsabilité : de lucidité, parce qu'il aurait été facile, à quelques mois d'une échéance cruciale pour notre pays, de se voiler la face et de ne pas prendre en compte le ralentissement de la croissance mondiale ; de responsabilité, parce que nous vous proposons aujourd'hui de prendre toutes les mesures nécessaires pour tenir nos objectifs de réduction du déficit en 2011.

Cette première série de mesures sera complétée à l'occasion du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012. Au total, l'effort supplémentaire annoncé par le Premier ministre représentera 1 milliard d'euros pour 2011 et 11 milliards pour 2012.

Ces efforts sont bien dosés. Car si la conjoncture a évolué, nos objectifs, eux – le président Cahuzac l'a rappelé – sont intangibles. Le premier est le respect de notre trajectoire de finances publiques : nos déficits seront ramenés à 5,7 % du PIB en 2011, à 4,5 % en 2012, à 3 % en 2013 et à 2 % en 2014. Le deuxième est que cette réduction des déficits ne casse pas la croissance.

Les déficits publics concernent l'État, mais aussi les collectivités locales, les administrations de sécurité sociale et les organismes divers d'administration centrale. Pour déterminer l'ampleur de l'effort à accomplir, nous avons donc pris en compte l'effet de la révision des hypothèses économiques sur l'ensemble des administrations publiques. Il s'agit d'une démarche logique, qui garantit la sincérité de la prévision de déficit retenue par le Gouvernement et nous permet de prendre des décisions proportionnées.

Car la révision de nos prévisions économiques a des effets contrastés sur les finances publiques. D'un côté, elle pèse sur l'État, dont les recettes et les dépenses sont plus sensibles aux variations de la conjoncture : l'inflation étant supérieure aux prévisions, la charge de la dette liée aux obligations indexées est ainsi accrue de 1,4 milliard d'euros. De même, le ralentissement de l'activité et les premiers encaissements de l'impôt sur les sociétés nous amènent à réviser son produit à la baisse de 3 milliards d'euros. C'est pourquoi nous proposons, dès ce collectif, une mesure qui réduit de 500 millions d'euros cette dégradation.

Ces deux facteurs, liés à la conjoncture, pèsent donc sur le solde budgétaire de l'État à hauteur de 4,4 milliards d'euros. Mais nous anticipons dans le même temps des effets positifs susceptibles d'améliorer la situation des autres administrations publiques. Nous aurons l'occasion de les détailler lors de la présentation du projet de loi de finances et du projet de loi de financement de la sécurité sociale pour 2012, mais nous estimons d'ores et déjà que les recettes des administrations de sécurité sociale seront supérieures de 2 à 2,5 milliards d'euros à ce que nous attendions. De même, la situation des collectivités locales et des organismes divers d'administration centrale devrait s'améliorer, avec une augmentation des recettes d'au moins 1,5 milliard d'euros. Grâce à des mesures supplémentaires de redressement à hauteur de 1 milliard d'euros, qui auront un impact sur les comptes publics dès 2011, nous sommes donc en mesure de sécuriser notre objectif de réduction du déficit de l'ensemble des administrations publiques. Dès lors, notre prévision demeure inchangée, à 5,7 % du PIB.

Ces mesures auront par ailleurs un impact immédiat sur le solde budgétaire de l'État, en redressant ses recettes – en particulier l'impôt sur les sociétés. Quant aux dépenses, elles respecteront strictement la norme « zéro valeur » grâce à l'annulation de 460 millions d'euros de crédits. Nous limitons ainsi, dans ce collectif, la dégradation du solde budgétaire à 3,4 milliards d'euros.

Enfin, les mesures mises en place cette année représentent près de 6,2 milliards d'euros en 2012, soit plus de la moitié de l'effort supplémentaire total de 11 milliards d'euros annoncé par le Premier ministre pour l'année à venir.

J'en viens aux cinq mesures de recettes contenues dans ce collectif, qui s'organisent autour de deux grandes priorités.

La première est l'équité : chacun sera appelé à prendre sa part du redressement des comptes de la nation mais, par souci de justice, il sera demandé plus à ceux qui ont davantage. C'est pourquoi les grandes entreprises et les ménages les plus aisés contribueront à hauteur de 82 % à cet effort supplémentaire – les entreprises à hauteur de 45 % et les détenteurs de patrimoine, de 37 %.

De même, l'effort est réparti équitablement entre les entreprises elles-mêmes, car la première mesure proposée par le Gouvernement – la limitation de la possibilité offerte aux entreprises bénéficiaires de reporter leur déficit – s'appliquera essentiellement aux grands groupes. Cette évolution constitue la première étape de la convergence fiscale entre la France et l'Allemagne voulue par le Président de la République et la chancelière Angela Merkel. Elle permettra en outre de renforcer l'équité fiscale, un rapport de Gilles Carrez ayant montré que la fiscalité pesant sur les grands groupes, en France, était beaucoup moins élevée que celle qui s'applique aux PME. Désormais, une entreprise ne pourra donc plus imputer de déficit au-delà de 60 % de son bénéfice ; quel que soit le montant des déficits passés, les entreprises bénéficiaires devront payer un impôt calculé sur au moins 40 % de leurs résultats. Cette mesure s'assimile donc à la création d'un impôt minimal pour les grandes entreprises, et constitue à ce titre un changement majeur. Elle ne s'appliquera qu'à la fraction des bénéfices supérieure à 1 million d'euros, générant ainsi une recette supplémentaire de 500 millions d'euros dès 2011 et de 1,5 milliard d'euros en 2012.

Nous avons également réparti équitablement l'effort de redressement des comptes entre les ménages, en demandant plus aux Français les plus aisés. La deuxième mesure proposée par le Gouvernement consiste en effet à augmenter de 1,2 % le taux de prélèvements sociaux applicable aux revenus du patrimoine, contribuant ainsi à rapprocher l'imposition des revenus du capital de celle des revenus du travail. Elle se traduira par 190 millions d'euros de recettes supplémentaires dès 2011, soit 1,3 milliard d'euros en année pleine. Nos évaluations montrent que les 5 % de ménages les plus aisés acquitteront à eux seuls 700 millions d'euros de prélèvements sociaux supplémentaires, soit plus de la moitié du total.

La troisième mesure s'inscrit également dans une logique de répartition équitable des efforts : il s'agit de la suppression de l'abattement sur les plus-values immobilières dont bénéficient les propriétaires en raison de la durée de détention. Pour l'heure, ce dispositif extrêmement favorable prévoit qu'à partir de la cinquième année, les détenteurs d'un bien immobilier bénéficient chaque année d'un abattement de 10 % supplémentaires sur leur plus-value en cas de cession. Cela conduit de très nombreux propriétaires à attendre avant de vendre, ce qui entretient la pénurie de logements et la hausse des prix de l'immobilier dont souffre notre pays.

Ce régime d'abattement est inefficace, puisqu'il n'augmente pas le nombre de logements disponibles, alors même qu'il coûte en année pleine 2,2 milliards d'euros aux finances publiques. Nous vous proposons donc de le supprimer, sauf, naturellement, pour ce qui concerne les résidences principales et certaines situations spécifiques. Cela permettra non seulement de disposer de 200 millions d'euros de recettes supplémentaires en 2011, mais aussi de faire revenir sur le marché des logements que leurs propriétaires n'auraient, sans cela, pas mis en vente avant trois, quatre ou cinq années. La durée de détention ne sera plus prise en compte pour la taxation des plus-values immobilières, lesquelles seront toutefois imposées sur leur valeur réelle, c'est-à-dire en déduisant le montant de l'inflation.

Les autres mesures répondent à la deuxième priorité du Gouvernement, la suppression des niches fiscales et sociales ayant perdu leur justification première. Nous poursuivons ainsi l'effort entrepris l'année dernière par mon prédécesseur François Baroin afin de réduire le nombre de dispositifs dérogatoires qui minent les bases de nos prélèvements obligatoires et affaiblissent l'égalité devant l'impôt. Mais, à un moment où la croissance est encore convalescente, nous avons fait le choix de ne remettre en cause ni les niches qui soutiennent l'emploi et la croissance, ni celles qui ont pour légitimité de renforcer la cohésion sociale. Nous avons donc concentré nos efforts sur les moins efficaces, celles dont l'existence se justifie le moins.

La quatrième mesure proposée par le Gouvernement est ainsi la suppression de l'exonération partielle de taxe spéciale sur les conventions d'assurance – TSCA – dont bénéficiaient les contrats dits « solidaires et responsables ». L'objectif de cette exonération était de favoriser l'émergence de contrats d'assurance complémentaire santé contribuant à la maîtrise des dépenses d'assurance maladie, des contrats dits « solidaires » parce qu'ils ne tiennent pas compte de l'état de santé du contractant, et « responsables » parce qu'ils ne remboursent pas l'euro de franchise. L'objectif est désormais atteint, puisque ces contrats représentent plus de 90 % des complémentaires santé : d'exception, ils sont devenus la règle. Le Gouvernement propose donc de supprimer l'exonération partielle dont ils bénéficiaient et d'instaurer sur les autres contrats un malus prenant la forme d'un taux majoré de 9 %. Ainsi, plutôt que de favoriser les contrats responsables et solidaires, nous pénalisons les contrats qui ne respectent pas ces critères. À la clé de cette démarche cohérente, une recette estimée à 100 millions d'euros en 2011 et à 1,1 milliard d'euros en année pleine.

Enfin – c'est la cinquième mesure figurant dans ce texte –, le Gouvernement vous propose de rétablir le taux normal de TVA sur les entrées des parcs à thème. La décision de leur appliquer le taux réduit remonte à 1986, un moment où le secteur était embryonnaire en France et où son modèle économique était encore incertain. Il en va bien différemment aujourd'hui, puisque les parcs à thèmes ont trouvé leur place dans le paysage. Ils ont su développer d'autres recettes que les droits d'entrée – l'hôtellerie, la restauration ou les produits dérivés. Il n'y a donc plus de réelle justification à ce qu'ils bénéficient d'un taux de TVA réduit, alors que l'entrée dans un parc aquatique – comme d'ailleurs l'accès à toutes les activités de loisirs – est taxée à 19,6 %. La suppression de cette niche permettra de retrouver 12 millions d'euros de recettes en 2011 et 90 millions en 2012.

Vous l'aurez compris, ce collectif marque une nouvelle étape dans le chemin qui conduit notre pays vers le désendettement. Il s'appuie, pour l'essentiel, sur des efforts en recettes qui viennent s'ajouter aux effets de notre politique déterminée de maîtrise des dépenses depuis quatre ans. Grâce à l'application des normes de dépenses, au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite ou au respect de l'ONDAM, nous sommes parvenus, en l'espace de quatre années à peine, à porter un coup d'arrêt à la progression continue des dépenses publiques depuis trente ans : ce sont 16 milliards d'euros que nous avons économisés chaque année par rapport au rythme qui était le nôtre auparavant. Comme l'a annoncé le Premier ministre, nous renforcerons encore nos efforts en 2012, avec 1 milliard d'euros de dépenses en moins dont nous aurons à déterminer ensemble la répartition. Je veux le souligner : la maîtrise de la dépense publique est évidemment la condition sine qua non de la réduction des déficits publics. La seule hausse des recettes ne saurait en aucun cas suffire à ce Gouvernement, et je sais que je peux compter sur la commission des Finances pour le soutenir dans cette voie.

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