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Intervention de Michel Diefenbacher

Réunion du 25 juin 2008 à 21h30
Contrats de partenariat — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaMichel Diefenbacher :

Il y a une quarantaine d'années, l'État disposait d'un monopole ou d'un quasi-monopole pour la conception des grands équipements publics. C'était l'apanage du corps des Ponts et Chaussées. Personne ne pouvait rivaliser avec lui sur le terrain de la compétence. La maîtrise d'ouvrage publique était incontestable.

Il y a quelques années encore, le sentiment dominant était qu'en matière d'équipements la maintenance devait suivre la domanialité, c'est-à-dire que les biens publics devaient nécessairement être gérés et entretenus par des agents publics. La plupart des administrations s'étaient dotées de leurs propres ateliers et parfois de leurs propres corps techniques. Cette solution était si évidente que personne ne se demandait si elle était la plus efficace.

Aujourd'hui, les choses ont changé en matière de conception, de financement, mais aussi de maintenance. En matière de conception et de réalisation des équipements publics, l'État n'a plus le monopole du savoir-faire. Les entreprises ont acquis une remarquable compétence dans le domaine de l'ingénierie, non seulement technique mais également financière, et cette compétence permet à nos entreprises de proposer des offres particulièrement compétitives. Bien des exemples l'attestent : l'autoroute Langon-Pau, la ligne à grande vitesse Perpignan-Figueras ou encore les projets immobiliers dans l'administration pénitentiaire.

En matière de financement, les collectivités et les entreprises ou organismes publics sont désormais beaucoup plus regardants sur la qualité de leur gestion et donc sur la pertinence de leurs choix, notamment de leurs choix d'investissement. Parallèlement, le régime domanial des équipements est moins important que par le passé. Pour dire les choses autrement, pour une collectivité, ce qui compte désormais, c'est moins la propriété d'un équipement que la rapidité de sa construction et la qualité de sa gestion.

En matière de maintenance, la gestion publique des équipements et des bâtiments a trop souvent montré ses limites. Je pense notamment à l'état général de nos universités, de nos hôpitaux ou de nos prisons, qui, il faut le reconnaître, laisse trop souvent à désirer. En disant cela, je ne jette la pierre à personne. Le coeur de métier de l'administration pénitentiaire est de surveiller et de réinsérer les détenus, pas d'entretenir des bâtiments.

Encore faut-il traduire cette constatation dans notre organisation et dans nos procédures administratives. C'est précisément tout l'enjeu des partenariats public-privé. De quoi s'agit-il ? En simplifiant, disons qu'il s'agit de rendre à chacun son rôle : à la collectivité, le soin de fixer le cadre général d'une opération, ses caractéristiques techniques et financières, les conditions dans lesquelles elle est mise à la disposition du public ; à l'entreprise, le soin de construire et de gérer, de financer et d'en répercuter la charge.

L'ordonnance du 17 juin 2004, dont il a été plusieurs fois question, a fait entrer le contrat de partenariat dans notre droit public, traditionnellement régalien. C'est une petite révolution, mais ce n'est qu'un premier pas.

Les quatre premières années de fonctionnement de ce dispositif ont permis d'en mesurer à la fois les avantages et les insuffisances. Les avantages en sont la simplicité, l'économie et la rapidité. La simplicité pour la collectivité, car le contrat passé avec l'entreprise est un contrat « clés en main », portant à la fois sur le financement, la réalisation et la gestion ; l'économie, car l'étude préalable porte non seulement sur l'investissement mais aussi sur le fonctionnement, ce qui comporte une bien meilleure sécurité juridique pour la collectivité : finis les investissements bon marché, dont les coûts de fonctionnement se révélaient in fine prohibitifs ; la rapidité enfin, car, une fois l'évaluation du projet faite, l'entreprise qui investit n'est pas soumise au formalisme du code des marchés publics ; elle est en outre directement intéressée à ce que ça aille vite, puisqu'elle n'est rémunérée que lorsque l'équipement est mis en service.

Ces avantages sont majeurs. Et pourtant, les contrats de partenariat passés depuis 2004 ont été relativement limités en nombre. Vingt-neuf contrats, dont vingt-deux passés par les collectivités territoriales – essentiellement des opérations d'éclairage public – et sept passés par l'État, l'opération la plus remarquable étant la rénovation de l'Institut national des sports dans le bois de Vincennes.

Pourquoi ce nombre relativement faible de contrats ? Essentiellement pour deux raisons D'abord à cause de conditions légales trop restrictives. En l'absence de dispositions législatives précises, le Conseil constitutionnel avait fixé en 2003 les conditions d'un recours aux contrats de partenariat : urgence de l'opération ou complexité du projet. Mais, faute d'une définition précise de ces notions, la crainte d'un contentieux a souvent été dissuasive.

Ensuite, il faut incriminer le régime fiscal. Il est à l'évidence moins favorable pour les contrats de partenariat que pour la maîtrise d'ouvrage publique. J'observe au passage que, s'il n'y a pas d'égalité devant les commandes publiques – ce que certains ont ici souligné –, cette inégalité ne joue pas en faveur de l'entreprise privée, bien au contraire.

Ce sont ces lacunes que le projet dont nous sommes saisis s'attache à corriger. Il le fait d'une manière prudente et équilibrée. Peut-être faudra-t-il aller plus loin concernant notamment le régime fiscal des contrats de partenariat, car il faut bien reconnaître que la neutralité fiscale par rapport à la maîtrise d'ouvrage publique n'est pas encore atteinte. C'est un point, monsieur le secrétaire d'État, dont il faudra débattre.

Pour le reste, je voudrais répondre par avance à deux objections souvent formulées.

Une objection économique, d'abord, évoquée tout à l'heure, notamment par Charles de Courson. Les contrats de partenariat bénéficieraient notamment aux grandes entreprises, et nos PME ne pourraient plus désormais intervenir que dans le cadre d'une sous-traitance. Sincèrement, je n'y crois pas, pour au moins quatre raisons.

Première raison : ce n'est pas parce que les conditions d'accès aux contrats de partenariat seront, demain, plus souples que toutes les collectivités y auront systématiquement recours. Même dans un pays libéral comme la Grande-Bretagne, les contrats de partenariat restent exceptionnels et ne représentent pas 15 % de la totalité des marchés de la commande publique.

Deuxième raison : le texte qui nous est proposé ouvre la possibilité d'une procédure négociée, attendue par les PME, ce qui est une avancée importante.

Troisième raison : les PME ont la possibilité de présenter des offres groupées.

Quatrième raison : la maintenance des bâtiments publics ouvre au secteur privé un marché considérable qui devrait logiquement bénéficier, d'abord, aux entreprises de proximité, c'est-à-dire aux PME.

Je comprends les interrogations des PME, nous devons tous y être particulièrement attentifs, mais, sincèrement, je ne partage pas toutes leurs craintes.

Une objection juridique, ensuite, sur laquelle je reviens rapidement, bien qu'elle ait été longuement évoquée lors de l'exception d'irrecevabilité. Je ne reviendrai pas sur le débat que nous avons eu concernant notamment l'interprétation de la décision du Conseil constitutionnel. Par contre, je crois important de contester l'affirmation que j'ai entendue à plusieurs reprises selon laquelle le texte dont nous débattons ce soir ferait du contrat de partenariat le mode de droit commun de réalisation des équipements publics. C'est faux. Quand une collectivité publique a recours à la maîtrise d'ouvrage public, elle n'a pas à se justifier. Par contre, si elle souhaite avoir recours aux contrats de partenariat, elle doit démontrer que cette formule est bien conforme à l'intérêt général.

Dès lors, il est important que la loi fixe plus précisément les conditions dans lesquelles le contrat de partenariat concourt effectivement à la satisfaction de l'intérêt général. C'est pour cette raison que ce projet de loi est nécessaire et urgent. En ce qui me concerne, je le voterai. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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