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Intervention de Alain Juppé

Réunion du 5 juillet 2011 à 17h30
Commission des affaires étrangères

Alain Juppé, ministre d'état, ministre des affaires étrangères et européennes :

Certes, mais il ne justifie peut-être pas un dispositif de cette importance. S'agissant de la disparition d'Ibni Oumar Mahamat Saleh, la commission d'enquête tchadienne, d'après les indications que nous donne le gouvernement tchadien, poursuit son travail. Nous intervenons régulièrement et avons transmis au Parlement toute la correspondance de notre poste à N'Djaména sur cette affaire fin mai.

En ce qui concerne la Guinée équatoriale, je ne suis pas sûr qu'elle constitue un modèle de démocratie. Des efforts doivent encore être faits. Nous sommes prêts à aider ce pays au fur et à mesure qu'il progressera sur le chemin de la démocratie.

Cela étant, il faut aussi aider les pays qui se réforment pacifiquement. Je rappelle que nous avons invité au sommet de Deauville les présidents de Côte d'Ivoire, du Niger et de la République de Guinée pour manifester notre soutien à des régimes qui ont réussi leur transition démocratique dans de bonnes conditions.

Monsieur Boucheron, la Grande-Bretagne a estimé qu'elle n'avait pas à livrer de matériels aux populations du djebel Nefoussa et ne l'a pas fait, contrairement à nous – cette opération est d'ailleurs terminée.

Je n'ai aucune information permettant de dire que des cadres d'Al-Qaida se transfèrent vers AQMI, mais, au début de la crise, on ne peut exclure qu'il y ait eu des transferts d'armements entre la Libye et le Sahel.

Cela a eu peut-être un effet bénéfique, en provoquant une prise de conscience de tous les pays riverains du Sahel, notamment l'Algérie. Celle-ci s'est engagée dans un processus de coopération régionale avec la Mauritanie et le Niger – qui sont déterminés – ainsi que le Mali pour mener ensemble des opérations militaires contre la pénétration du terrorisme d'AQMI. La France apporte son soutien au travers de son système de renseignement et de formation. Mais il revient aux puissances sahéliennes de s'engager en première ligne, ce qu'elles font de façon plus volontariste depuis quelques mois.

S'agissant du G20, je rappelle qu'il s'agit d'une initiative de la France, prise sous l'impulsion du président Sarkozy face à la crise financière. Elle part du principe que l'on ne peut laisser en dehors de la gouvernance mondiale des pays tels que le Brésil, l'Inde, l'ensemble des pays émergents ou des représentants du monde arabe ou du continent africain. Cette instance, qui n'a naturellement pas vocation à se substituer aux Nations Unies ou au Conseil de sécurité, a son rôle à jouer dans tous les domaines économiques.

On progresse favorablement vers le sommet de Cannes. Bruno Le Maire a excellemment piloté les réunions sur les dossiers agricoles. L'idée de maîtriser les prix des matières premières, notamment agricoles, qui choquait au départ tous les libéraux de la planète – qui nous expliquaient que les marchés devaient décider – et celle d'une plus grande transparence sur les stocks – de façon à éviter les opérations de spéculation ou à maîtriser à cette fin les produits dérivés – ont été adoptées. Cet accord devrait nourrir les débats à Cannes.

Sur la politique européenne de voisinage, nous avons clairement dit et obtenu que les instruments financiers restent destinés pour les deux tiers au Sud de la Méditerranée et pour le tiers restant au Partenariat oriental.

Il est évident que la présidence polonaise attachera de l'importance à ce dernier – un sommet du Partenariat oriental est prévu fin septembre –, mais cela ne veut pas dire que la priorité accordée au Sud de la Méditerranée sera mise en cause.

Quant au Sénégal, c'est un pays ami, qui nous aide, notamment en Libye – le président Wade a clairement pris position pour le départ de Kadhafi . Le fait de se faire élire avec 25 % des voix et de ne pas engager certaines réformes fondamentales tenant compte des aspirations de la population aboutit toujours au même résultat. Nous avons dit, sans nous ingérer dans les affaires intérieures de ce pays, que cette réforme électorale n'avait pas été précédée d'une concertation suffisante parmi les forces politiques. D'ailleurs, le président Wade l'a retirée. Nous essayons là aussi de faire comprendre qu'au bout de nombreuses années de pouvoir – la question se pose dans d'autres pays africains –, une alternance politique est absolument nécessaire.

Monsieur Myard, l'évaluation des pertes civiles en Syrie est de l'ordre de 1 300 à 1 500 morts et, en Libye, d'au minimum 10 000, vraisemblablement beaucoup plus.

Je me réjouis par ailleurs de votre conversion soudaine à l'Europe de la défense ! Vous semblez en effet regretter que nous n'ayons pas de quartier général pour conduire les opérations européennes ni une politique de sécurité et de défense communes plus efficace…

Il est vrai que nous sommes en retard à cet égard. Dans la lettre des membres du Triangle de Weimar que nous avons adressée au Haut représentant de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, nous avons notamment demandé qu'il y ait en Europe un système de planification et de commandement. Lorsque nous sommes intervenus en Libye, il a fallu faire appel aux États-Unis puis à l'OTAN. Je cherche, pour ma part, à combler cette carence européenne.

La situation en Syrie a bien sûr des conséquences préoccupantes sur Israël. Il y a eu des incidents sur le plateau du Golan, sans doute manipulés par Damas. Nous faisons valoir cet argument auprès des autorités israéliennes et leur rappelons qu'elles sont dans un univers mobile et imprévisible, qui appelle à prendre des initiatives pour sortir du blocage actuel des négociations.

Monsieur Guibal, la Turquie veut jouer un rôle en Libye et nous en sommes d'accord. Elle peut avoir beaucoup d'influence dans la région ; elle a reconnu le CNT et elle organise à Istanbul le 15 juillet la prochaine réunion du Groupe de contact. Nous comptons beaucoup sur son soutien. Il est vrai que l'AKP, qui est le parti majoritaire, sert parfois de référence à nombre de pays, qui y voient un parti d'essence islamiste mais démocratique – en tout cas aujourd'hui.

Le projet d'Erasmus méditerranéen est toujours à l'ordre du jour. Nous essayons de le mettre au point dans le cadre de la politique de voisinage de l'Union européenne. On voit la différence d'approche avec l'office méditerranéen de la jeunesse : Erasmus est un système européen proposé aux pays du Sud, alors que cet office est un projet partagé, le principe même de l'UPM étant l'égalité de responsabilité, avec un secrétaire général venant du Sud et un siège situé au Nord. Au sein des instances dirigeantes de cette organisation, siègent de fait côte à côte un Israélien et un Palestinien.

Le dialogue « 5+5 » est certainement utile, sauf que dans les « 5 » du Sud figure la Libye ; le dialogue est donc un peu en sommeil pour l'instant.

Monsieur Bascou, nous n'avons pas cherché à écarter l'Union africaine. Nous l'avons même invitée dès le départ dans les réunions du Groupe de contact. Le problème est qu'elle est divisée. En son sein, certains chefs d'État et de gouvernement souhaitent et ont dit que Kadhafi devait partir, alors que d'autres ont eu à cet égard, au moins au départ, une attitude différente.

Aujourd'hui, les choses ont évolué. Dans l'Union africaine, on ne se demande plus si Kadhafi doit partir, mais quand et comment. On recherche le moyen de lui permettre de le faire dans la dignité. Nous sommes ouverts à toute suggestion, mais nous disons clairement que Kadhafi doit s'écarter du processus politique de construction de la nouvelle Libye.

Je rappelle que dès le départ, trois pays africains ont voté en faveur de la résolution 1973 : l'Afrique du Sud, le Nigeria et le Gabon.

Quant à l'Assemblée parlementaire euro-méditerranéenne, elle a certainement un rôle à jouer. Elle se réunit régulièrement et peut prendre des initiatives décisives pour mobiliser les opinions publiques et les peuples.

Monsieur Guillet, notre souhait est que l'Iran ne joue plus un rôle négatif dans l'ensemble du Proche-Orient et du Moyen-Orient.

D'abord, l'Iran continue à exercer une répression très sévère contre tous les partis d'opposition – les principaux opposants sont en résidence surveillée ou en prison – et tous ceux qui veulent exprimer leur aspiration à la liberté.

De plus, son rôle apparaît néfaste au Liban dans son soutien au Hezbollah et en Palestine dans celui apporté au Hamas. On met aussi en cause son intervention à Bahreïn, selon les autorités de ce pays. Cet interventionnisme est très préoccupant.

Je n'ai en revanche pas d'information sur une éventuelle présence iranienne à Tripoli.

L'Iran est incertain face au printemps arabe. Sa ligne de conduite est avant tout de savoir quelles sont les communautés en cause. Certains de mes amis des pays de la région me disent que nous sous-estimons en Europe la guerre de religions existant sur place entre chiites et sunnites, laquelle explique souvent l'intervention de cet État, autant que les considérations géopolitiques.

Enfin, la France reste extrêmement ferme et souhaite une attitude dure de la communauté internationale vis-à-vis de l'accès de l'Iran à l'arme nucléaire. Cet accès constituerait un véritable séisme politique pour l'ensemble de la région. Nous sommes déterminés à tout faire, par le dialogue, voire par des sanctions accrues – celles-ci commencent à produire des effets sur la situation en Iran –, pour dissuader ce pays de continuer à vouloir accéder à cette arme.

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