Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de René Dosière

Réunion du 12 juillet 2011 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaRené Dosière :

Je voudrais dire que l'attitude adoptée par l'ensemble des sénateurs membres de la CMP sur ce texte n'est pas admissible. Ils ont considéré que n'ayant pas examiné et discuté les dispositions nouvelles adoptées en séance par les députés, ces ajouts ne pouvaient être retenus. Pareille attitude ne me semble pas acceptable car, dès lors que le Gouvernement déclare la procédure accélérée – un peu trop fréquemment, certes, mais c'est un autre sujet –, la procédure conduit inéluctablement la première assemblée saisie à ne pas examiner certaines dispositions adoptées par la seconde chambre, si ce n'est par l'intermédiaire d'une commission mixte paritaire. Nier cette évidence, qui joue dans les deux sens, conduit à bloquer le fonctionnement du Parlement.

J'ajoute que le mode d'élection et la légitimité des deux assemblées ne sont pas équivalents. Notre Assemblée est élue au suffrage universel direct, ce qui lui confère une légitimité supérieure à celle du Sénat, comme la Constitution le reconnaît elle-même d'ailleurs en nous conférant, en cas de désaccord persistant, le dernier mot. Sans doute, d'ailleurs, cette éventualité pourrait-elle se présenter à l'occasion du présent projet de loi.

Certes, plusieurs dispositions adoptées la semaine dernière ne sont pas mineures. Le texte, à cet égard, a substantiellement été enrichi et l'on pourrait sans doute modifier son intitulé afin de le rebaptiser en projet de loi portant diverses dispositions d'ordre juridique. Il reste que, par principe, nous ne pouvons suivre la position des sénateurs de la CMP.

Pour ma part, je regrette également les positions prises par le Gouvernement, qui s'est opposé en séance publique à l'adoption de dispositions votées par notre Commission, à l'initiative de notre Président sur un autre projet de loi déposé sur le Bureau de notre Assemblée, s'agissant de la mise en cause financière des ministres. La majorité a finalement suivi le Gouvernement sur ce point.

Or, à la lumière d'un événement précis, cela me semble des plus contestables. Pour mémoire, le 13 juillet 2008, s'est tenu un sommet de l'Union pour la Méditerranée, au Grand Palais. Les deux à trois heures de cette réunion ont coûté 16 millions d'euros à l'État. Comme l'a souligné le rapport spécial de la Cour des comptes sur cet événement, la dépense a été engagée sans appel d'offres, c'est-à-dire en dehors des procédures légales. De ce fait, le ministre des affaires étrangères, maître d'ouvrage officiel et visible en cette affaire, a réquisitionné son comptable pour que les factures soient réglées en fin d'année.

Pour l'engagement d'une dépense de ce type, qui représente à mes yeux l'un des plus grands scandales financiers de ces dernières années, le ministre des affaires étrangères, qui a dégagé le comptable de toute responsabilité, ne risquait lui-même rien puisqu'il n'est pas ressortissant de la Cour de discipline budgétaire. Les élus locaux, pris à partie pour le moindre petit appel d'offres, apprécieront cette différence de traitement. En tout cas, cela montre bien que la démarche de notre Commission sur la mise en cause financière des ministres était nécessaire.

Le Gouvernement a d'ailleurs récidivé dans son opposition à ce type d'initiatives de responsabilisation et de moralisation, à l'occasion de l'examen d'autres textes relatifs à l'outre-mer. Lors de la réunion des CMP sur ces textes, l'ensemble des députés et sénateurs, à l'exception de notre collègue Perben, avait conforté des dispositions que j'avais fait approuver par notre Assemblée, moyennant quelques aménagements rédactionnels suggérés par les deux rapporteurs.

Le Gouvernement est revenu sur ces dispositions lors de l'examen, hier, des conclusions de ces CMP au Sénat, en laissant libre cours à une initiative commune en ce sens des présidents des groupes UMP et de l'Union centriste, et il s'apprête à faire de même dans notre assemblée ce matin même. Quelles étaient ces dispositions ?

La première consistait à soumettre tout octroi à un élu local d'un avantage en nature à une délibération du conseil de la collectivité. Il s'agit là d'une exigence élémentaire de transparence car aujourd'hui cela relève de la discrétion de l'exécutif local. De ce point de vue, je dois l'avouer, le budget de l'Élysée est plus transparent que celui de nombre de collectivités locales.

La seconde disposition supprimait l'écrêtement, c'est-à-dire la possibilité pour les élus dont les indemnités dépassent le plafond autorisé – 8 300 euros de rémunération mensuelle pour un élu local et 9 700 euros pour un parlementaire – d'attribuer le supplément qu'ils ne peuvent toucher à l'élu de leur choix. Cette pratique, consistant à distribuer de l'argent public qui n'appartient pas aux intéressés, se fonde sur une circulaire de 1992 dont la validité juridique est pour le moins contestable.

C'est la première fois, depuis 2007, que le Gouvernement revient ainsi sur un compromis de CMP aussi consensuel. Aussi, je vous le dis sans ambages : le refus du Gouvernement d'instaurer une mise en cause financière de ses membres et de mettre un terme à la possibilité pour les élus de reverser des sommes d'argent public ne leur appartenant pas conduit à des dérives qui font le jeu du populisme. C'est justement parce que l'on est incapable à mettre un terme à ces mesures qui soulèvent des difficultés que l'on favorise la suspicion et le discrédit à l'égard des élus.

Pour ma part, je le regrette et me permets de vous rappeler à cet égard cette citation, pour le moins symbolique, de Charles Péguy, qui déclarait en 1910 : « La mystique républicaine, c'était quand on mourrait pour la République. La politique républicaine, c'est à présent qu'on en vit. »

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion