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Intervention de Daniel Paul

Réunion du 17 juin 2008 à 15h00
Réforme portuaire — Question préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDaniel Paul :

Et quand l'urgence d'un rattrapage devient cruciale, vous vendez les autoroutes, privant l'agence de financement des infrastructures de transport de sa principale ressource : qui, demain, monsieur le secrétaire d'État, paiera ces investissements ?

À l'évidence, il existe une relation de cause à effet entre ces investissements et la productivité des ports qui en bénéficient. En 2007, Anvers a traité 181,5 millions de tonnes, soit autant que Le Havre et Marseille. Or, sur la période 1997-2005, les crédits d'intervention directe et de concours financiers aux ports belges ont été trois fois supérieurs à ceux des ports français.

Le manque de « fiabilité » sociale serait-il responsable du manque de productivité des ports français ? Sauf cas particulier, liés aux spécificités locales, dans l'ensemble des ports, les mouvements sociaux ne peuvent être tenus pour responsable des problèmes de fiabilité. Sur cette même période, il y eut également des mouvements sociaux de grande ampleur dans plusieurs grands ports européens, en Allemagne, en Belgique et en Hollande. Mais les gouvernements concernés se sont efforcés de remonter à la source du conflit pour y remédier plutôt que de le monter en épingle. Cela n'a rien à voir avec la politique d'un État qui se met systématiquement en recul, voire se désolidarise des ports, alors qu'il en est l'actionnaire principal ; un État qui, durant toutes ces années, a, à chaque conflit impliquant des personnels portuaires et dockers, stigmatisé les grévistes et leurs organisations syndicales, tout en répétant que la solution résidait dans la libéralisation portuaire, pour mieux se défausser de ses propres responsabilités.

Le rapport Gressier pointe d'ailleurs l'absence de l'État. Il souligne l'absence d'une réelle « politique portuaire établie par le Gouvernement. L'État ne donne aucun cadrage, ou aucune orientation. [...] Chaque port continue ainsi à définir ses propres orientations sans que celles-ci soient validées. La politique portuaire se limite à la gestion de l'interface mer-terre. Or la desserte terrestre des ports devrait constituer l'un des principaux éléments de la politique portuaire, la compétitivité des ports passe aussi par leur capacité à améliorer les liaisons avec leur hinterland ».

Ce manque de vision globale de développement des ports français et de leur desserte ne leur a pas permis d'être à la hauteur des enjeux posés par la mondialisation des échanges. On le sait, le choix du port d'importation est déterminé par la situation géographique et par la qualité des installations portuaires et de la desserte terrestre. La croissance du trafic des conteneurs exige un développement ferroviaire et fluvial important, lequel engendre des trafics massifiés sur les quais.

Alors que le développement de la fonction logistique est devenu le pendant de la mondialisation de l'économie et des délocalisations des entreprises de l'Europe vers le Sud-Est asiatique, la France n'accueille aujourd'hui que 5 % du total des entrepôts de distribution de produits asiatiques en Europe, contre 56 % aux Pays-Bas, 22 % en Allemagne et 12 % en Belgique.

L'argument de la fiabilité sociale ne saurait donc expliquer la baisse de la productivité des ports autonomes.

De plus, contrairement à une idée très répandue, nos coûts portuaires ne sont pas supérieurs à ceux de nos concurrents européens. Hélas, avec moins de moyens matériels et de logistique, la qualité de l'offre est forcément plus faible.

Pourtant, on le sait, si des investissements lourds sont réalisés, si l'on s'en donne les moyens, les résultats sont positifs, comme en témoigne le cas de Port 2000, leader en matière de croissance du trafic des conteneurs en Europe, puisqu'il a enregistré une augmentation de 26 % dans ce domaine en 2007.

Nous sommes tous d'accord, monsieur le secrétaire d'État, pour reconnaître qu'une réforme est nécessaire. Il faut cependant être objectif dans l'identification des causes réelles de notre retard, pour ensuite les traiter correctement. Or le présent projet ne répond pas à cette problématique. Il constitue simplement une nouvelle étape dans l'adaptation de nos ports aux exigences du capitalisme mondialisé, qui prend toute sa place dans les processus d'externalisation en cours dans les établissements publics, de réduction des moyens de l'État, et dans la révision générale des politiques publiques.

L'effort d'investissement et la réforme de l'organisation portuaire sont, selon le Président de la République, les deux piliers du plan de relance devant permettre à nos ports de reconquérir d'importantes parts de marché. Permettez-moi de douter de l'efficacité des mesures proposées.

Sur le plan financier, cette réforme est censée être accompagnée d'un important plan d'investissement. En complément des contrats de projet 2007-2013, l'État devrait doubler sa participation pour cette période. Au total, les investissements devraient, selon les annonces gouvernementales, atteindre 2,69 milliards d'euros, dont 445 millions à la charge de l'État.

Chacun sait bien que l'État ne s'est pas donné les moyens de tenir ses engagements dans le passé et que sa politique actuelle ne permet pas le moindre optimisme de ce point de vue. Vous auriez pu, monsieur le secrétaire d'État, annoncer le double ou le triple de cette somme, cela n'aurait sans doute pas changé grand-chose pour l'avenir de nos ports. Vous ne pouvez pas donner ce que vous n'avez pas. Ce n'est pas en consentant des exonérations ou des réductions d'impôts que vous pouvez être en mesure de mener dans le même temps des politiques publiques ambitieuses.

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