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Intervention de Jean-Pierre Gorges

Réunion du 30 juin 2011 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Gorges, rapporteur :

La mesure concernée, qui constitue l'article 1er de la loi TEPA, avait été annoncée pendant la campagne présidentielle. Elle vit le jour à l'été 2007, soit dix ans après la mise en place des 35 heures ; or, aujourd'hui, la gauche et la droite commencent à s'accorder à dire que son efficacité n'est pas complète.

Son objectif était de réconcilier les Français avec le travail et de gommer les effets négatifs des 35 heures, dont, pour ma part, je souhaitais la suppression pure et simple.

Il s'agissait de favoriser les heures supplémentaires, au bénéfice des salariés comme des entreprises : pour les premiers avec les bonus induits par l'exonération de charges sociales et, le cas échéant, par la défiscalisation ; pour les seconds avec l'exonération de charges sociales et les avantages liés au nouveau mode de calcul du dispositif Fillon.

Puisque la mesure avait été programmée peu avant l'élection présidentielle, aucune étude d'impact précise n'avait été réalisée. Nous souhaitons d'ailleurs que ce type d'étude devienne plus systématique. Quoi qu'il en soit, la mesure plaît aux Français : elle donnait une traduction à la formule « Travailler plus pour gagner plus ». De surcroît, sa mise en oeuvre s'inscrivait dans un contexte de dynamisme économique puisque, à l'été 2007, la croissance était supérieure à 2 % et le taux de chômage s'établissait à 7,5 %.

L'interprétation des résultats peut évidemment faire débat. Il est néanmoins intéressant de constater, au terme de nos six mois d'auditions, que le diagnostic est pour ainsi dire unanime.

Les résultats sont cependant différents pour les salariés, selon qu'ils appartiennent au secteur privé ou au secteur public. Dans le privé, en période de ralentissement de l'activité économique, le dispositif a donné lieu à un fort effet d'aubaine, puisque plus de 9 millions de salariés travaillaient encore 39 heures ; reste que, globalement, peu d'heures supplémentaires furent créées au-delà de ces quatre heures entre 2008 et 2010.

Dans le secteur public, la mesure est en revanche particulièrement efficiente car elle ne dépend pas de l'évolution du marché. C'est tout particulièrement vrai dans la fonction publique d'État, où le non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite a entraîné une réorganisation du travail, et bien entendu dans la fonction publique hospitalière, où les heures supplémentaires ont permis de pallier, en termes d'organisation du travail et d'utilisation des compétences, les effets néfastes des 35 heures. J'ajoute que l'absence d'exonération de charges sociales pour ces employeurs rend le dispositif plus avantageux pour les finances publiques.

Le coût total de la mesure serait d'environ 4,5 milliards d'euros, dont 3,2 milliards au bénéfice des salariés et 1,3 milliard au bénéfice de l'entreprise. Dans la fonction publique, l'exonération coûte environ 300 millions d'euros ; dans le privé, la dépense fiscale s'élève à 1,2 milliard d'euros et les exonérations de charges sociales patronales atteignent également 1,3 milliard d'euros.

La mesure, qui n'a pas eu l'efficacité qu'on en attendait en matière de création d'heures supplémentaires, a en revanche augmenté le pouvoir d'achat dans un contexte économique difficile.

Pour le monde de l'entreprise, qui se plaint habituellement du coût du travail, les exonérations de charges – 1,3 milliard, dont 700 millions d'exonérations de charges sociales et 600 millions au titre du nouveau calcul de l'allégement Fillon – ont constitué un bénéfice immédiat. On peut se dire que le contexte n'était pas approprié, mais la mesure a apporté un nouveau souffle aux entreprises. Il est patent, néanmoins, qu'elle n'a pas aboli les 35 heures : c'est la loi d'août 2008 qui l'a fait, puisqu'elle dispose que le temps de travail est désormais négociable au niveau de l'entreprise, même si les 35 heures restent le seuil à partir duquel sont comptabilisées les heures supplémentaires. En bonne logique, il aurait été préférable de voter le dispositif Tepa après la loi de 2008.

Si l'outil est très efficace dans la fonction publique, il constitue surtout un gain de pouvoir d'achat pour les salariés du privé. Pour eux, je ne vois pas comment on pourrait le remettre en cause, dans la mesure où ils ne bénéficient pas de la disposition permettant de travailler 35 heures payées 39 – disposition qui coûte 12 milliards d'euros au budget de l'État. Le but serait d'obtenir des heures supplémentaires au-delà de ces 39 heures ; mais c'est l'activité économique qui en décidera.

L'allégement du coût du travail est nécessaire pour encourager l'embauche, mais pas de cette façon : puisque c'est le marché qui commande la création d'heures supplémentaires par les entreprises, la mesure, loin d'inciter à l'embauche, risque d'empêcher le recours à l'intérim, au CDD et surtout au CDI. Afin d'inciter les entreprises à embaucher, les exonérations, qui représentent 1,3 milliard d'euros, devraient plutôt porter sur les premières heures travaillées.

De ces conclusions, M. Mallot tirera sans doute des orientations différentes. Cela dit, il me semble impossible de revenir sur les avantages octroyés aux salariés. Au niveau de l'entreprise, il faut trouver d'autres moyens de diminuer le coût du travail, notamment sur les premières heures travaillées. D'une façon générale, le dispositif est contradictoire avec la loi de 2008 : la durée à partir de laquelle les heures supplémentaires doivent être comptabilisées relève plutôt d'accords de branche. C'est ainsi que l'on tirerait un trait définitif sur les 35 heures !

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