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Intervention de Serge Blisko

Réunion du 29 juin 2011 à 11h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

Permettez-moi de le déplorer.

Nous ne nous opposons pas à la lutte contre l'usurpation d'identité, qui est à l'origine de drames à la fois humains, économiques et professionnels. Le traumatisme psychologique est souvent profond. Or, cette délinquance semble en plein essor, même si les statistiques sont imprécises – le nombre de 200 000, cité par le rapporteur, a été avancé par des industriels dont l'intérêt est d'amplifier la perception du phénomène. De ce point de vue, une aggravation des sanctions – reprenant une disposition de la LOPPSI – nous paraît bienvenue.

Le problème, c'est que le dispositif retenu n'est pas anodin. Il s'agit de créer une base de données gigantesque, qui concernera 45 à 50 millions de personnes, voire, à terme, l'ensemble de la population résidant sur notre territoire, outre-mer compris. À notre sens, une telle mesure, qui touche directement aux libertés publiques, ne peut pas être prise dans le cadre d'une proposition de loi : nous ne disposons pas d'étude d'impact, l'avis du Conseil d'État n'a pas été demandé et la CNIL n'a pas été consultée – ses responsables ont été auditionnés la semaine dernière, mais cela ne remplace pas un avis circonstancié. De surcroît, il s'agit du recyclage d'un ancien projet, et le nombre de contentieux toujours pendants au Conseil d'État depuis la mise en place du passeport biométrique en 2005 montre combien ces matières sont délicates.

Sur le fond, nous ne sommes pas opposés à la création d'une puce électronique « régalienne » pour les données biométriques ; cela est d'ailleurs expérimenté, sans grand problème, depuis 2005. En revanche, nous ne comprenons pas la création d'une seconde puce, « commerciale », qui permettrait, sous réserve de volontariat, de réaliser des transactions avec des opérateurs économiques dont la liste serait définie en Conseil d'État. Tout cela manque de précision et n'a rien à faire dans une carte d'identité ! Il existe aujourd'hui suffisamment de solutions de paiement sécurisé, comme l'envoi d'un SMS de confirmation pour les achats électroniques, pour ne pas avoir besoin de faire appel à la carte d'identité. On nous promet que le commerçant n'aura pas accès aux données biométriques et aux empreintes digitales, mais on sait bien ce que valent les promesses en matière de technologie informatique ! Cette proposition de loi nous fait entrer dans un monde orwellien.

Par ailleurs, la protection de l'identité ne doit pas glisser vers la recherche criminelle. Nous savons les difficultés rencontrées par les services de police, mais la construction d'une base de données centralisée ne peut être décidée dans le cadre d'une proposition de loi. Si la CNIL a plutôt donné sa préférence à un système technologiquement plus complexe, c'est que la technique du lien sécurisé, ou « lien fort », permettrait de ficher toute la population, avec un accès direct aux données personnelles, ce qui est redoutable. Il suffirait qu'un assureur, ou un commerçant chez qui vous désirez faire un achat de valeur, ait besoin de vérifier votre identité, pour qu'il ait accès à vos caractéristiques génétiques ! C'est pourquoi nous sommes opposés à la création d'une base biométrique à « lien fort », sauf à repousser la décision à une date ultérieure, dans l'attente d'une étude plus approfondie.

Je reconnais que les enjeux économiques et industriels sont très importants, puisque les entreprises françaises sont les leaders mondiaux du secteur, mais ce n'est pas une raison pour se précipiter. En matière policière, le fichier des empreintes digitales permet déjà de belles réussites. Et puisque vous êtes si attachés à assurer la protection de l'identité des personnes qui iront voter aux primaires du parti socialiste, vous devriez appliquer le même principe de précaution avant de ficher 50 millions de personnes !

Enfin, nombreuses sont les victimes de systèmes de contrôle-sanction automatisés qui, bien que reconnues de bonne foi par les tribunaux et par les autorités policières, n'arrivent pas à rétablir leurs droits. Il conviendrait de remédier aussi à cette situation.

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