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Intervention de André-Claude Lacoste

Réunion du 31 mai 2011
Office parlementaire d’évaluation des choix scientifiques et technologiques

André-Claude Lacoste, président de l'Autorité de sûreté nucléaire, ASN :

J'invite chacun à la plus grande modestie quant aux suites de l'accident de Fukushima et aux retours d'expérience. En effet, il a fallu une dizaine d'années pour établir le retour d'expérience de l'accident de Three Mile Island et six ans pour évaluer l'étendue de la fusion du coeur. Le retour d'expérience de Fukushima ne fait que débuter car l'accident se poursuit et les installations ne sont pas encore refroidies. Limitons-nous à évaluer le retour d'expérience de faits tout à fait avérés. Nous disposons pour cela de deux procédures complémentaires, l'une française et l'autre européenne.

Le Premier ministre a demandé à l'ASN, dans un courrier du 23 mars, d'évaluer la sûreté des installations nucléaires, en commençant par les centrales nucléaires. Il souhaite que nous envisagions toutes sortes de situations : inondations, séismes et autres phénomènes naturels extrêmes, perte totale des ressources électriques et des sources de refroidissement. Depuis le 5 mai dernier, l'exploitant examine les améliorations et modifications nécessaires pour chacune des installations. Voilà pour la filière française.

Dans le même temps s'est développée la filière européenne des stress tests, à la suite d'une suggestion du ministre autrichien de l'environnement d'appliquer aux centrales nucléaires européennes le test appliqué aux banques européennes face à la défaillance d'un certain nombre de leurs débiteurs. Cette décision de réaliser des stress tests a été prise au cours du Conseil européen qui s'est tenu à Bruxelles les 24 et 25 mars derniers. Le Conseil a demandé à l'ENSREG de définir le contenu de ces tests à partir de la proposition de la WENRA et d'en publier les conclusions. Les rapports nationaux seront établis fin 2011.

L'ASN a participé à la réflexion sur les stress tests au cours d'une réunion au sein de la WENRA qui s'est tenue à Helsinki les 22 et 23 mars, avant même la décision officielle du Conseil européen, et une première version de ces tests a été établie vers le 15 avril. Ils ont ensuite été soumis à la consultation et, dès le début du mois de mai, nous avons fait des propositions à l'ENSREG portant sur la mise en place d'évaluations complémentaires de la sûreté française à la lumière des événements de Fukushima.

Il existe toutefois deux différences entre les stress tests européens et les évaluations complémentaires de la sûreté française. Les premiers ne concernent que les centrales nucléaires électriques, tandis que les secondes portent sur les 150 installations nucléaires françaises. Nous avons divisé ces installations en trois catégories : la première, qui sera traitée en 2011, comprend 80 installations dont les 58 réacteurs EDF en fonctionnement, le réacteur EPR en cours de construction, les installations de La Hague et celles du CEA. Les autres seront traitées en deux temps, en 2012 et 2013.

L'autre différence concerne la sous-traitance, qui a une grande importance pour l'ensemble des exploitants nucléaires français, en particulier pour EDF qui emploie 20 000 personnes dans le secteur nucléaire et 20 000 autres au titre de la sous-traitance, qui peut aller de l'entreprise Areva au peintre en bâtiment. Le Haut comité pour la transparence et l'information sur la sécurité nucléaire (HCTISN), que nous avons consulté, s'est dit favorable à ce que les évaluations complémentaires de sûreté incluent les sous-traitants. Périodiquement, les syndicats dénoncent la façon dont les employés des sous-traitants sont traités. Nous tentons de vérifier ce qu'il en est, mais il nous est extrêmement difficile de trouver des cas particuliers. Les évaluations complémentaires de la sûreté française se poursuivront jusqu'à la fin de l'année, et cela dans la plus grande transparence.

Nous avons manqué toutefois une belle occasion de faire progresser l'Europe. Sur les 27 pays membres de l'ENSREG, 25 ont approuvé les propositions de WENRA. Deux pays s'y sont opposés, l'Autriche et l'Allemagne, ainsi que la Commission européenne, car ils souhaitaient que le processus contienne des éléments relatifs à la sécurité et au terrorisme. Nous leur avons fait d'abord observer que le terrorisme était traité par les stress tests et par l'évaluation complémentaire car les conséquences d'une perte totale de refroidissement ou de l'alimentation électrique sont proches de celles d'un acte de terrorisme, ensuite qu'il est difficile de traiter le terrorisme avec la même transparence que les autres domaines de la sûreté, et enfin que leur proposition ne figurait pas dans les conclusions du Conseil européen. Mais ces arguments n'ont pas convaincu l'Allemagne, l'Autriche et la Commission européenne, et le combat a duré presque trois semaines, avant que les stress tests ne soient approuvés tels qu'ils avaient été présentés. Cette perte de temps et les polémiques nourries par l'une des deux parties ont donné une image déplorable de la construction européenne.

Nos collègues russes, ukrainiens et arméniens, souhaitant s'arrimer au « vaisseau » européen, vont mener des stress tests suivant la même méthodologie, ce qui montre l'influence de WENRA, de l'ENSREG et de l'Europe. C'est une bonne nouvelle.

La catastrophe de Fukushima nous a enseigné une chose : tous les pays du monde doivent mener des tests analogues, et ceux qui s'y refusent doivent faire l'objet de graves suspicions. J'espère que la conférence ministérielle prévue à la fin du mois de juin à Vienne prendra une décision en ce sens.

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