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Intervention de Didier Migaud

Réunion du 22 juin 2011 à 9h00
Commission des affaires sociales

Didier Migaud, premier président de la Cour des comptes :

Parce que je suis attendu au Sénat dans quelques minutes, le temps me manquera pour répondre à vos interrogations de manière circonstanciée. Je transmettrai donc aux présidents de vos commissions des réponses écrites, les plus précises possible, aux questions que vous m'avez posées – à celle de M. Louis Giscard d'Estaing par exemple, à propos de l'apposition d'une photo d'identité sur chaque carte Vitale, une mesure dont je puis déjà lui dire que la Cour considère qu'elle entraîne une dépense coûteuse pour une utilité contestée.

Sur un plan général, la Cour des comptes n'est ni pessimiste ni optimiste, car il ne lui appartient pas de l'être : elle est réaliste, et elle s'efforce d'être exacte en faisant des constats et des projections à partir des chiffres de l'exécution du budget.

Nous avons noté, monsieur le rapporteur général, une augmentation du déficit structurel de l'ordre de 6 milliards d'euros en 2010.

Nous préciserons autant que nous le pourrons les données relatives à la suppression de la taxe professionnelle, mais M. Christian Babusiaux, président de la formation interchambres de la Cour des comptes, a eu l'occasion d'expliquer à votre commission des finances que les défaillances des systèmes d'information de la direction générale des finances publiques ne permettent pas de vérifier avec exactitude la charge nette induite par la réforme.

Pour ce qui est du montant de la dette publique, nous approchons de la zone dangereuse, la zone de tous les risques, que l'on considère nos prêteurs ou les conséquences que notre endettement peut avoir sur les acteurs économiques et sur les consommateurs. C'est pourquoi nous appelons à ne pas dépasser cette zone limite, que beaucoup fixent à 90 % du PIB, et dont nous nous approchons. Si nous voulons stabiliser la dette et commencer de la faire décroître, il faut décider des mesures plus fortes que celles qui sont annoncées, et en tout cas plus précises, car tout décalage entre ce qui est annoncé et ce qui est réalisé est dangereux en ce qu'il mine la confiance en faisant douter de notre capacité à faire ce que nous disons. Voilà pourquoi, si les résultats sont meilleurs que prévu en 2011, la Cour insiste pour que cette amélioration serve exclusivement à accélérer la réduction du déficit dès 2011, et en aucun cas à alimenter des dépenses supplémentaires.

S'agissant du déficit structurel, nous pourrions être parvenus à un palier : certaines décisions peuvent nous permettre d'infléchir l'évolution tendancielle décrite. Déjà, des niches ont été réduites et certaines mesures ont eu pour effet positif un ralentissement de la dépense. Mais, tant pour les dépenses que pour les recettes, des mesures plus fortes sont indispensables. Il faut faire jouer tous les leviers en supprimant certaines niches fiscales et sociales et en augmentant temporairement certains prélèvements, notamment pour contribuer à l'équilibre des comptes sociaux. Reporter cet équilibre à 2020 ou à 2027 nous apparaît totalement déraisonnable.

Pour ce qui est des dépenses de santé, il faudrait vraisemblablement contenir la croissance de l'ONDAM à 2 points en valeur pendant au moins cinq ans.

Nous estimons qu'en dépit de la réforme, le déficit de l'assurance vieillesse pourrait encore être de quelque 12 milliards d'euros en 2020 ; mais si la réforme n'avait pas eu lieu, le déficit aurait été de 32 milliards. Des réformes structurelles ont donc été conduites qui, si elles sont encore insuffisantes, contribuent à la réduction des déficits.

M. Michel Bouvard trouvera des réponses à ses questions portant sur le périmètre de la dépense dans le rapport consacré par la Cour aux résultats et à la gestion budgétaire de l'État : pour permettre une appréciation exacte, nous proposons que les dépenses du programme d'investissements d'avenir effectivement réalisées soient réintroduites dans la norme d'évolution de la dépense. Nous disons aussi notre scepticisme sur l'objectif d'évolution de la dépense publique, considérant que l'on fait l'impasse tant sur les investissements d'avenir que sur les dépenses prévues dans le cadre de l'Agence française de financement des infrastructures de transport (AFIT). Le chiffre paraît peu crédible au regard de la rigidité de certaines dépenses de fonctionnement et de la nécessité d'investir pour préparer l'avenir. Il faudra donc trouver d'autres baisses possibles de dépenses.

Le chapitre VI du rapport qui vous a été présenté contient des propositions, mais c'est à vous, élus, qu'il revient de trancher. En chiffrant à la fois des réductions de dépenses et des ajustements de recettes, nous vous donnons une boîte à outils ; c'est notre contribution au débat d'orientation des finances publiques à venir.

Notre message est clair : nous avons constaté quelques inflexions bienvenues, mais elles ne sont pas à la hauteur des difficultés que connaît le pays. Il faut donc aller plus vite et plus fort sur le chemin du redressement.

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