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Intervention de Pierre-Alain Muet

Réunion du 22 juin 2011 à 9h00
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre-Alain Muet :

Je remercie à mon tour le premier président de la Cour des comptes de la richesse et de la pertinence de ses analyses. Le rapport montre que le déficit très élevé de 2010 est largement structurel. Son montant inédit de 100 milliards correspond précisément au déficit qu'aurait connu notre pays si la crise n'avait pas eu lieu, c'est-à-dire si la croissance avait correspondu à la croissance potentielle. Ces 100 milliards, exception faite de la faible part qui correspond à la fin du plan de relance, résultent de politiques économiques et d'allègements fiscaux qui ont laissé très largement dériver les déficits. La comparaison avec le reste de l'Europe est éclairante : notre déficit atteint 7,1 % du PIB en 2010, quand celui de l'Allemagne ne s'élève qu'à 3,3 % du PIB. En 2008, à la veille de la crise, l'Allemagne avait réduit à zéro son déficit, alors qu'il dépassait le nôtre en 2005. Notre déficit structurel vient de ce que nous n'avons pas fait la même chose au cours de la période de croissance qui a précédé la crise.

Hier, le rapporteur général a comptabilisé 10 milliards de recettes nouvelles cumulées en 2010, pour 17 milliards de dépenses nouvelles. À l'entendre aujourd'hui, il semble que l'écart se soit réduit de 7 à 5 milliards. Quoi qu'il en soit, son analyse est pertinente : le creusement du déficit structurel, y compris en 2010, tient à ce que les mesures exceptionnelles, qui auraient dû le réduire, ont servi à financer des dépenses nouvelles. Peut-être la Cour des comptes a-t-elle analysé ces chiffres.

Je la remercie d'avoir, pour la première fois, distingué la situation des trois catégories d'administrations publiques. Puisque le déficit structurel des administrations de sécurité sociale n'est que de 0,1 %, et que les collectivités locales connaissent un excédent structurel de 0,1 %, le déficit structurel de 5 points est celui de l'État. Dès lors, c'est à lui qu'il incombe de le résorber. Toute la politique des dernières années a visé à désindexer les dotations aux collectivités locales, qui remplaçaient pourtant des impôts qui augmentaient comme le PIB, c'est-à-dire comme la croissance et l'inflation, alors qu'elles étaient autrefois indexées sur l'inflation et sur la moitié de la croissance. L'État se défausse ainsi sur les collectivités locales de déficits dont elles ne sont en rien responsables.

Sur le moyen terme, la Cour des comptes souligne que les prévisions de réduction des déficits reposent sur des hypothèses de croissance très éloignées de la croissance potentielle, par exemple 2,5 %, quand le taux réel est de 1,6 %. Certes, ce n'est pas interdit, pourvu qu'on explique pourquoi : il y a une dizaine d'années, la croissance réelle était très supérieure à la croissance potentielle, puisqu'elle dépassait 3 %. Depuis que ce n'est plus le cas, le Gouvernement affiche chaque année des prévisions de réduction des déficits à moyen terme reposant sur une hypothèse de croissance de 2,5 % qu'il ne réalise jamais.

Selon la Cour des comptes, si l'on conserve une élasticité des recettes à la croissance égale à 1, le déficit en 2013 sera réduit non à 3 % mais à 3,5 % du PIB. C'est dire que le Gouvernement n'a aucune chance d'être dans les clous – à moins que certains changements n'interviennent avant cette date.

Sur un autre plan, le rapporteur général a observé que la charge d'intérêts s'était établie à 38 milliards d'euros en 2002 et à 39 milliards en 2009. Pourtant, le montant de la dette était de 900 milliards en 2002 et de 1 500 milliards en 2009. Cela montre que la charge d'intérêts risque d'être beaucoup plus importante à l'avenir, les taux d'intérêt actuels étant faibles ; comme l'a souligné le premier président, il y a tout lieu de s'inquiéter de leur possible accroissement, la charge pouvant alors représenter, il l'a indiqué, l'équivalent de la somme des missions « Défense » et « Travail et emploi ». On notera en outre que si, selon les prévisions, la dette s'établit à 1 800 millions en 2012, elle aura doublé en dix ans.

Évoquant par ailleurs le coût de la baisse de la TVA sur la restauration, la Cour nous dit qu'il équivaut, budgétairement, « aux économies permises par le non-remplacement d'un départ à la retraite sur deux dans la fonction publique d'État pendant huit ans ». Cette indication, qui donne à réfléchir, incite à rappeler l'opinion exprimée par votre prédécesseur, monsieur le premier président : aussitôt connue la priorité donnée par le Gouvernement, dans la révision générale des politiques publiques, au non-remplacement d'un fonctionnaire sur deux partant à la retraite, Philippe Seguin avait jugé la mesure inefficace et dangereuse car de nature à peser très fortement sur les secteurs en tension et qui avaient fait des efforts de productivité. Outre cela, la Cour a toujours souligné que les résultats obtenus par cette mesure sont très éloignés de l'objectif affiché par le Gouvernement : l'économie réalisée n'a jamais été d'un milliard d'euros ; elle s'établit plutôt entre 200 et 300 millions d'euros.

Ensuite, quelle analyse la Cour fait-elle de la manière particulière dont la comptabilité budgétaire est présentée ? En inscrivant dans leur intégralité les investissements d'avenir au budget 2010, alors que la dépense effective a été de moins d'1 milliard, le Gouvernement a gonflé fictivement le déficit de plus de 30 milliards. Cela permettra d'afficher un déficit pour 2011 très inférieur à celui de l'année précédente ; la réduction sera pourtant très largement ponctuelle, et le problème des déficits continuera de se poser avec acuité en 2012.

Le premier président l'a souligné avec justesse, le redressement des comptes publics demande des mesures fortes. La réduction des déficits publics relève de la volonté politique et non de l'inscription dans des textes de contraintes qui demeurent inappliquées.

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