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Intervention de Catherine Lemorton

Réunion du 22 juin 2011 à 11h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaCatherine Lemorton :

Le rapport d'information de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur la prescription, la consommation et la fiscalité des médicaments, que j'avais présenté le 30 avril 2008 – je remercie d'ailleurs le rapporteur de l'avoir cité – contenait déjà les deux tiers des propositions qui nous sont aujourd'hui présentées : trois ans ont donc été perdus…

Je remercie le président Gérard Bapt d'avoir rapidement réagi en août dernier à la communication du docteur Irène Frachon et d'avoir pris le problème à bras le corps.

Je m'étonne de reconnaître dans la préconisation 1, qui prévoit d'assurer à l'agence du médicament un financement public, une proposition que nous vous avions faite il y a trois ans et que vous aviez alors qualifiée d'inconcevable et d'irréalisable. Ce serait aujourd'hui non seulement envisageable, mais même impératif…

La préconisation 7, qui propose une fusion entre l'Institut de veille sanitaire et l'Institut national de prévention et d'éducation pour la santé me paraît saugrenue, car les deux agences n'ont pas les mêmes missions ni les mêmes objectifs.

La préconisation 9 sur les conflits d'intérêt prévoit des sanctions mais ne va pas assez loin. En effet, tous les amendements déposés par le groupe SRC sur la proposition de loi modifiant certaines dispositions de la loi n° 2009-879 du 21 juillet 2009 portant réforme de l'hôpital et relative aux patients, à la santé et aux territoires, déposée au Sénat par M. Jean-Pierre Fourcade, pour modifier la partie du code de la santé publique consacrée aux conflits d'intérêt, ont été rejetés. Il semble que les Assises du médicament soient, pour vous, l'alpha et l'oméga de la réforme du système.

La préconisation 11 prévoit d'assurer la transparence totale, notamment par le biais d'une mise en ligne, des financements par l'industrie pharmaceutique des colloques, des congrès et des sociétés savantes. Il faudrait compléter la liste par les associations de patients.

Je ne comprends par l'objectif de la préconisation 16 suggérant de ne pas rembourser un médicament qui présente un service médical rendu insuffisant, sauf avis contraire motivé du ministre. S'agit-il d'une reprise en main par le politique ? Au moment de la pandémie de grippe A(H1N1), la Direction générale de la santé, sous le contrôle de Mme Roselyne Bachelot-Narquin, avait voulu prescrire du Tamiflu à toute la France en décembre 2009, alors que les médecins savaient que le service médical rendu était insuffisant. Je crains que le climat de défiance et d'incompréhension qui avait alors été constaté ne se reproduise.

La préconisation 17 est, quant à elle, un véritable poncif qu'un élève de sixième aurait pu rédiger : privilégier l'admission au remboursement des médicaments qui apportent une forte amélioration du service médical rendu me semble relever de l'évidence.

La préconisation 18 prévoit de fonder l'appréciation de l'amélioration du service médical rendu sur des essais cliniques contre comparateurs. Pourtant, chaque fois que les groupes de l'opposition déposent un amendement en ce sens depuis deux ans et demi, il est refusé au motif que cela déséquilibrerait tout le système, selon nos collègues de la majorité. Ce ne serait donc plus le cas ? Je suis amère de constater qu'il aura fallu autant de morts pour que vous vous en rendiez compte.

La préconisation 21 concerne les situations d'absence d'alternative thérapeutique : la comparaison ne doit pas concerner que les thérapeutiques médicamenteuses. La Haute Autorité de santé vient de publier un rapport qui reprend tout ce qu'il est possible d'écrire sur une ordonnance et qui n'est pas du ressort du médicament.

Dans les préconisations 24 et 25, je préfère effectivement l'expression balance bénéficesrisques, une balance étant susceptible de s'inverser et de peser dans l'aide à la décision.

La préconisation 26 me semble inacceptable au plus haut point. Elle grave dans le marbre précisément ce qu'ont fait les Laboratoires Servier concernant le Mediator ! Elle prévoit en effet, « dans le cadre de la réévaluation du rapport – que je préfère nommer « balance » – bénéficesrisques d'un médicament, et en cas de doute sur sa nocivité », de « faire obligation au laboratoire de démontrer que ce rapport est toujours positif ». C'est parfaitement incompréhensible !

Selon la préconisation 30, il serait utile d'« encourager l'industrie à demander des extensions d'indication » pour éviter les prescriptions hors autorisation de mise sur le marché : il me semble plutôt qu'il faudrait les y obliger !

La préconisation 42 propose la création d'un fonds pour la formation médicale continue des médecins, abondé par l'industrie pharmaceutique – ce qu'on appelle aujourd'hui le « développement personnel continu ». Au vu de la difficulté à faire financer l'éducation thérapeutique par un fonds public, abondé par l'industrie pharmaceutique, alors que les pouvoirs publics en décident les orientations, comment allez-vous le leur imposer sans qu'ils n'exigent de donner leur point de vue ? Qui est le « tiers » qui assurerait la formation ? Les agences régionales de santé auraient-elles toute latitude pour décider de ses orientations, sans influence de la part des industries pharmaceutiques ?

La préconisation 44 soutient le développement des logiciels d'aide à la prescription, comme je l'avais écrit dans mon rapport en 2008, mentionnant les dénominations communes internationales (DCI). Cependant, il me semble que vous n'appréciez pas bien l'offensive que les médias mènent depuis un an contre les médicaments génériques, sans que l'on sache vraiment qui en est à l'origine. Il faudra aborder la question au cours de l'examen du prochain projet de loi de financement de la sécurité sociale.

Comme l'a déjà remarqué M. Jean Mallot, il convient de ne pas confondre, monsieur le rapporteur, l'« éducation thérapeutique », qui repose sur les trois piliers définis par l'Organisation mondiale de la santé, avec une information sur les antibiotiques, ce que semble faire la préconisation 48.

La préconisation 54 propose de « mettre en place une présomption de causalité lorsqu'un risque grave est mentionné sur la notice d'un médicament et qu'il se réalise » ; j'aimerais que cette présomption de causalité s'applique également en présence d'un lien statistique, et pas seulement d'un lien scientifique.

Pour conclure, je rappelle que le mot « benfluorex » partage sa racine avec le mot « anorexigène » : c'en était donc bien un.

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