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Intervention de Jean-Pierre Door

Réunion du 22 juin 2011 à 11h15
Commission des affaires sociales

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Pierre Door, rapporteur :

Mes chers collègues, la mission d'information sur le Mediator et la pharmacovigilance que vous avez créée le 12 janvier dernier a donc achevé ses travaux, après plus de cinq mois de travail. Ce rapport est intitulé « Mediator : comprendre pour réagir ». Il a été adopté lors de la réunion de la mission du 15 juin dernier, à l'unanimité, moins une abstention.

Le rapport s'est efforcé d'éviter deux écueils.

Le premier aurait consisté à refaire l'analyse historique effectuée par l'Inspection générale des affaires sociales en janvier dernier. Plutôt que de risquer la redite, nous avons préféré faire référence aux faits qui ont marqué l'histoire du benfluorex, lorsqu'ils illustraient la nécessité de réformer le système de santé sur un point particulier. Mais nous avons annexé une chronologie relatant les trente-trois années de vie du Mediator, tant en France qu'à l'étranger, pour rassembler tous les éléments dans un document synthétique.

Le deuxième écueil aurait été de prendre parti dans les débats qui ne regardent qu'indirectement la réforme du système du médicament. Tout en rappelant les discussions contradictoires portant sur le nombre de victimes – sachant que toute victime est évidemment une victime de trop – ou celles relatives à la nature exacte de la molécule, la mission s'est donc gardée d'adopter une position tranchée sur ces points. De la même manière, il ne lui appartenait pas de se substituer à la justice pour déterminer l'étendue des responsabilités des Laboratoires Servier ou l'implication exacte de tel ou tel individu. La justice a été saisie et des experts scientifiques, particulièrement en toxicologie, ont été nommés.

Au total, on n'attendait de la mission ni un rapport bis de l'Inspection générale des affaires sociales ni une étude de chimie ni un réquisitoire. On pouvait en revanche exiger de sa part une juste compréhension des causes du drame du Mediator dans le but de définir ensemble les réformes indispensables. Ce rapport se veut donc un rapport, non de condamnation, mais de proposition.

Il n'invite en aucune manière, comme d'aucuns s'y sont essayés avec des formules à l'emporte-pièce, à un bouleversement du système issu des lois de 1993 et 1998, ayant créé l'Agence du médicament, puis l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé. Ce serait en effet une erreur que d'imputer au dispositif actuel l'ensemble des défaillances dont a profité le benfluorex, commercialisé en 1976, pour se maintenir sur le marché pendant trente-trois ans. Une analyse juste du drame du Mediator doit se garder de tout anachronisme. Il ne s'agit pas de passer par pertes et profits tous les progrès qui ont marqué la décennie des années 90 lorsqu'on est passé du système exsangue de la Direction de la pharmacie et du médicament au système des agences. En 1998, le Mediator se trouvait déjà sur le marché, dans les pharmacies françaises, depuis vingt-deux ans !

Quelques ajustements institutionnels paraissent certes nécessaires. La mission propose de mettre en place, au sein de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, une commission plénière, composée pour moitié d'experts issus de la commission d'autorisation de mise sur le marché et pour l'autre de la commission de pharmacovigilance, qui serait chargée d'évaluer la balance bénéficesrisques des principaux médicaments.

Le rapport suggère de confier au collège de la Haute Autorité de santé, dans le cadre de sa mission médico-économique, les tâches actuellement dévolues à la commission de la transparence en matière de service médical rendu ou d'amélioration du service médical rendu, la commission de la transparence étant appelée à émettre seulement des avis circonstanciés.

Surtout, le rapport souhaite montrer qu'il est impératif de changer les façons de travailler des autorités sanitaires, en y introduisant plus de transparence par le biais de déclarations bilatérales et détaillées, mais aussi plus de collégialité et plus de coordination. À ce sujet, la mission propose de mettre en place, à la manière anglo-saxonne ou américaine, une véritable « task force », une réunion régulière rassemblant le directeur général de la santé, le directeur général de l'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé, celui de l'Institut national de veille sanitaire, un représentant des caisses d'assurance maladie, un membre du cabinet du ministre et les présidents des commissions d'autorisation de mise sur le marché, de pharmacovigilance et de la transparence. Cette réunion aurait pour objet de veiller aux échanges d'information sur la sécurité des médicaments et d'apprécier l'opportunité de saisir le ministre d'une question. Il n'est en effet pas normal que le politique soit tenu dans l'ignorance des sujets les plus sensibles concernant le médicament, et ne soit appelé que lorsque la crise a éclaté.

Il convient aussi de développer les moyens d'action des autorités de santé qui ne doivent pas hésiter, par exemple, à se servir de l'outil du remboursement pour influer sur la prescription de certains produits surtout lorsqu'ils ont été autorisés par l'échelon européen. Le développement des moyens d'action passe aussi par un renforcement de la représentation française à cet échelon, donc à l'Agence européenne du médicament. Tout ceci fait l'objet de la première partie du rapport.

La deuxième partie traite de la mise sur le marché des médicaments, en trois points : la pré-autorisation de mise sur le marché, la post-autorisation de mise sur le marché et le hors-autorisation de mise sur le marché. Elle insiste sur la nécessité d'une réévaluation, réactive et régulière, de la balance bénéficesrisques de l'ensemble de la pharmacopée.

Dans un troisième temps, le rapport aborde la pharmacovigilance. Il souligne la pertinence du dispositif des centres régionaux actuels, mais aussi la nécessité de développer de nouveaux outils tels que les études de cohorte ou les études épidémiologiques.

La quatrième partie enfin s'intéresse aux moyens de redonner confiance en notre système de santé. Le rapport souligne l'urgence de renforcer la formation des professionnels en matière de pharmacologie, de pharmacoépidémiologie et de pharmacovigilance, dans le cadre de leurs études mais également au cours de leur carrière. Il formule également un certain nombre de propositions en matière d'information du public et d'indemnisation des victimes d'accidents médicamenteux.

Comme vous le savez, deux contributions intéressantes au sujet du médicament viennent d'être rendues publiques : un rapport de l'Académie nationale de médecine et un second rapport de l'Inspection générale des affaires sociales ce matin même. Ces deux documents sont riches de propositions.

S'agissant plus particulièrement du rapport de l'Inspection générale des affaires sociales, j'en partage largement les conclusions, par exemple sur la prise en compte du critère de la valeur ajoutée thérapeutique dans la délivrance de l'autorisation de mise sur le marché ou encore sur la publicité conférée à toutes les données des essais cliniques. Cela fait partie aussi de nos recommandations.

En revanche, j'émettrai des réserves sur un nombre limité de points. Je ne suis pas convaincu par la suggestion de supprimer la visite médicale et de la remplacer par un organisme public d'information. Elle me semble conserver une utilité, à côté d'autres moyens d'information, dès lors qu'elle est strictement encadrée et accompagnée d'efforts en matière de formation. Je ne suis pas sûr, en outre, de la constitutionnalité d'une telle mesure de suppression dès l'instant où on touche à un domaine commercial où la concurrence n'est pas simplement française.

Je n'adhère pas non plus à la proposition d'implanter les centres régionaux de pharmacovigilance dans les agences régionales de santé. Les uns et les autres ne font pas le même métier. En revanche, on peut parfaitement imaginer de développer les échanges d'information entre les centres régionaux de pharmacovigilance et les cellules de veille sanitaire qui sont présentes dans les agences régionales de santé. Ceci rejoint ma préoccupation d'éviter tout cloisonnement des acteurs du système de santé.

Pour conclure, je tiens à souligner que le rapport de la mission a été le fruit d'un travail collectif.

Tout d'abord, les membres de la mission, tous groupes confondus, ont fait preuve d'une grande fidélité au cours des auditions, lesquelles – je le rappelle – sont consultables, en vidéo, sur le site de l'Assemblée nationale. En multipliant les questions souvent incisives, ils ont permis à nos invités de rappeler leurs souvenirs, d'expliquer leurs décisions ou leur indécision et d'exprimer leur point de vue.

Ensuite, je n'ai pas hésité à faire miennes les propositions qui me semblaient justes, qu'elles viennent de nos invités, du ministre, de rapports précédents tels celui de Mme Catherine Lemorton au nom de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale (n° 848) ou encore de plusieurs membres de la mission sur le Mediator.

En ma qualité de rapporteur, j'ai aussi tenu à faire figurer dans le rapport plusieurs observations du président de la mission, M. Gérard Bapt. Pour ne citer qu'un exemple, j'ai ajouté, à sa demande, une suggestion concernant la mise en place de centres interrégionaux de pharmacovigilance.

Au cours de notre réunion du 15 juin, nous avons aussi décidé d'un commun accord d'opérer plusieurs ajouts. Nous avons complété la liste des propositions. Le besoin de conforter le rôle des délégués de l'assurance maladie a été mentionné, de même que la nécessité de prévoir des sanctions à l'appui des règles encadrant la publicité des liens d'intérêt. Nous avons aussi évoqué l'octroi aux associations représentatives de patients de la faculté de demander en justice réparation au nom de leurs mandants.

Enfin, naturellement, chaque groupe politique a pu rédiger une contribution ; celles qui ont été transmises figurent à la fin du rapport. Certaines bien entendu font part d'approches différentes, d'autres, comme celle que j'ai reçue du groupe SRC, paraissent à mon sens peu compréhensibles au regard du vote favorable au rapport qui a été émis lors de la dernière réunion de la mission.

Si, bien entendu, ce rapport ne prétend pas à l'exhaustivité totale, pas plus qu'il ne réclame une adhésion sans réserve, il a l'ambition d'apporter simplement une pierre utile à la rénovation du système de santé. Il me semble que nous devrions pouvoir nous retrouver sur l'essentiel des propositions de la mission et surtout sur le changement d'état d'esprit auquel il invite.

En conclusion, je souhaite remercier à nouveau les membres de la mission pour leur travail alors que les auditions pouvaient être particulièrement techniques.

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