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Intervention de Patrice Calméjane

Réunion du 21 juin 2011 à 17h00
Commission de la défense nationale et des forces armées

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPatrice Calméjane, rapporteur :

La proposition de loi que nous examinons aujourd'hui est le fruit d'un long travail effectué par la commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat et, plus particulièrement, par sa mission d'information sur les réserves, dont Mme Joëlle Garriaud-Maylam et M. Michel Boutant ont été les rapporteurs.

Cette mission d'information avait souhaité, dix ans après la réforme des réserves militaires et suite à l'émergence des réserves civiles, examiner dans quelle mesure les pouvoirs publics pourraient s'appuyer sur les différentes réserves pour prolonger et amplifier la capacité de l'État à faire face à des crises de grande ampleur.

Que ce soit pour répondre à des catastrophes naturelles, comme les tempêtes Klaus et Xynthia ou les inondations à Draguignan, à des catastrophes industrielles comme l'explosion de l'usine AZF à Toulouse, ou encore à des catastrophes de plus grande ampleur comme une pandémie, les événements du Japon ou les attentats du 11 septembre, les pouvoirs publics se doivent d'intervenir rapidement et d'être capables d'inscrire leur action dans la durée.

Le Livre blanc sur la défense et la sécurité nationale de 2008 avait justement placé parmi ses priorités la réorganisation de nos dispositifs de sécurité intérieure et de sécurité civile ainsi que le renforcement de la résilience de la nation, concept cher à notre collègue Patrick Beaudouin.

Qui intervient aujourd'hui en cas de crise majeure sur notre territoire ?

Le Livre blanc est très clair à ce sujet : le dispositif de sécurité intérieure et de sécurité civile se trouve en première ligne, les armées n'intervenant que de manière complémentaire, à la demande de l'autorité civile.

Au niveau central, c'est donc le ministère de l'intérieur qui assure la conduite interministérielle de la crise. Il s'appuie pour cela sur le nouveau centre interministériel de crise, situé dans ses locaux Place Beauvau. Ce centre travaille en réseau avec les autres ministères, en particulier ceux chargés des affaires étrangères, de l'industrie, de l'énergie, des transports et, naturellement, celui de la défense, avec lequel il assure la cohérence des moyens civils et militaires.

Pour l'anticipation des crises, le ministère de l'intérieur s'est doté d'une nouvelle direction de la prospective et de la planification de sécurité nationale. Celle-ci est notamment chargée de l'élaboration, de l'actualisation et du suivi des plans de protection et de sécurité civile.

Au niveau local, ce sont les préfets de zone de défense et de sécurité qui sont devenus l'échelon de déconcentration interministériel de premier rang de gestion des crises et qui gèrent les moyens déployés par la sécurité civile.

Les armées n'interviennent que sur demande du préfet. Le contrat opérationnel de protection qui leur a été fixé exige qu'elles puissent déployer en quelques jours jusqu'à 10 000 hommes sur le territoire national. Elles seules disposent des hommes, du matériel et de la réactivité indispensables dans de nombreux cas.

Quelle place y occupent les réservistes ?

Dans les premiers temps d'une crise, ce sont naturellement les forces d'active qui sont mobilisées. Elles constituent en quelque sorte la « réserve » des forces de sécurité civile.

Les réservistes militaires jouent un rôle important, comme l'a souligné la mission d'information sénatoriale, dans l'armement des états-majors interarmées des zones de défense et de sécurité où ils peuvent représenter jusqu'à 75 % des effectifs. Au centre de planification et de conduite des opérations (CPCO) du ministère de la défense, ils jouent également un rôle essentiel puisqu'ils sont plus d'une trentaine, sur un effectif de plus de 200 personnes.

C'est plutôt dans le deuxième temps de la crise, passée la montée en puissance rapide des forces d'active, que les réservistes pourraient être appelés à jouer un rôle croissant. En participant directement aux opérations ou en remplaçant des militaires d'active pour les opérations courantes, ils pourraient permettre la relève de ceux-ci et inscrire leur action dans la durée.

Enfin, dans la phase d'après-crise, après les opérations de secours, les réservistes, en particulier ceux de sécurité civile, pourraient contribuer activement aux opérations de déblayage et de soutien aux personnes rendues nécessaires par la désorganisation des services publics.

Or le fonctionnement actuel des réserves ne permet pas de répondre pleinement à ces attentes. Il se heurte en effet à trois difficultés. D'abord, les effectifs annoncés sont souvent théoriques : les fichiers ne sont pas toujours mis à jour et les coordonnées ainsi que l'emploi du temps des personnels disponibles pas toujours connus de l'administration. Deuxièmement, l'effort de planification et de préparation face aux différents risques effectué ces dernières années n'a pas, ou très peu, intégré les réservistes. Enfin, la réactivité de ceux-ci en cas de crise, telle qu'elle est actuellement organisée par les textes, est insuffisante.

C'est à ce dernier problème que vise à remédier la proposition de loi. Il ne s'agit pas d'un « grand » texte sur l'organisation des réserves, le Gouvernement ayant lancé récemment un travail sur ce sujet. La proposition vise à lui offrir la possibilité de faire convoquer rapidement les réservistes en cas de crise majeure : elle crée avant tout un nouvel outil pour le pouvoir exécutif.

Le texte contient également une importante rénovation de ce que l'on appelle le service de défense, régime juridique qui permet à certains opérateurs d'importance vitale de maintenir ou de rappeler à leur poste leurs employés en cas de crise majeure.

Le titre Ier de la proposition de loi crée un nouveau régime d'exception : la réserve de sécurité nationale. Les régimes d'exception qui existent actuellement – état de siège, état d'urgence, mobilisation générale – souffrent en effet de deux limites : soit ils ne prévoient pas la convocation des réservistes, soit ils sont contraignants à mettre en oeuvre compte tenu des restrictions aux libertés publiques qu'ils imposent. Le texte permettra de mettre à disposition du Premier ministre un outil capable de répondre à des situations de crise comme les catastrophes naturelles ou technologiques.

Dans certaines circonstances exceptionnelles, appréciées par le Premier ministre, celui-ci pourra recourir par décret à la réserve de sécurité nationale et faire ainsi convoquer l'ensemble des réservistes, civils et militaires, pour la durée qu'il aura fixée.

Il ne s'agit pas de mettre en place une gestion interministérielle des réserves, comme le Livre blanc le préconisait, ni encore moins de créer une sorte de « garde nationale » à la française, spécialisée dans la gestion des crises sur notre territoire.

L'objectif de la proposition de loi est simplement de s'abstraire des conditions habituelles de convocation et de durée d'emploi des réservistes pour les faire venir plus rapidement, vraisemblablement sous trois jours, et pour une durée plus longue, de trente jours au maximum. Les règles applicables aux différentes réserves étant disparates, il est important de les harmoniser pour recourir à celles-ci en cas de crise majeure.

Les réservistes appelés à ce titre intégreront ensuite leurs unités d'affectation pour y occuper leur emploi habituel. Ils n'auront pas à solliciter l'accord de leur employeur pour répondre à leur convocation, comme c'est le cas en temps ordinaire. S'ils ne répondent pas à cette convocation, ils pourront encourir une contravention.

L'objectif poursuivi n'est naturellement pas de dissuader le réserviste de s'engager mais, au contraire, de valoriser son rôle en lui signifiant qu'en temps de crise, la communauté nationale a besoin de lui. Cela donne du sens à son engagement.

La seconde innovation introduite par la proposition de loi est la transformation du service de défense en service de sécurité nationale, comme le préconisait le Livre blanc.

Le service de défense est un régime juridique d'exception créé à la fin des années 1950 pour assurer la continuité de l'action publique et de celle des entreprises concourant à « la défense, à la sécurité et à l'intégrité du territoire et des populations, de même qu'à la sécurité et la vie de la population ». Concrètement, il consiste à imposer à certaines catégories de personnes travaillant pour l'un de ces organismes d'être présentes ou de rejoindre leur poste. Trop contraignant à mettre en oeuvre, il n'a jamais été utilisé.

La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a judicieusement lié le nouveau service de sécurité nationale au dispositif des opérateurs d'importance vitale.

Ces derniers sont désignés par le Gouvernement parmi « les opérateurs publics ou privés exploitant des établissements ou utilisant des installations et ouvrages, dont l'indisponibilité risquerait de diminuer d'une façon importante le potentiel de guerre ou économique, la sécurité ou la capacité de survie de la Nation. Ils sont un peu plus de 200 et doivent mettre en place des plans de continuité d'activité.

En cas de décision, par décret en Conseil des ministres, de recourir au service de sécurité nationale, les salariés concernés par un plan de continuité d'activité devront rester ou rejoindre leur poste de travail. S'ils appartiennent dans le même temps à la réserve, c'est leur affectation au sein de l'opérateur d'importance vitale qui primera.

En inscrivant pour la première fois dans la loi les plans de continuité d'activité, ce texte doit permettre au secrétariat général de la défense et de la sécurité nationale d'amplifier son travail de sensibilisation des administrations et des entreprises à l'établissement de ces documents.

La commission des affaires étrangères et de la défense du Sénat a supprimé de la proposition de loi une mesure visant à étendre le dispositif « mécénat » aux entreprises qui mettent à disposition des réserves des salariés pendant les heures de travail. Une telle mesure a davantage sa place dans le projet de loi de finances. De plus, les incitations financières dans ce domaine n'ont jamais été très efficaces. Il faut en revanche privilégier un dialogue plus important entre les pouvoirs publics, les entreprises et les réservistes, à l'image des partenariats entreprise-défense.

Pour conclure, cette proposition de loi ne règle pas tout. De nombreux chantiers restent à mener dans la gestion quotidienne des réserves, la détermination de leur doctrine d'emploi ou le développement de certaines d'entre elles : les réserves communales de sécurité civile demeurent embryonnaires et la réserve pénitentiaire n'existe pas encore !

Mais il faut également avoir à l'esprit que c'est la première fois que l'on traite de l'ensemble des réserves dans un même texte. Celui-ci a nécessité un important travail de concertation interministériel : il faut donc le voir comme le point de départ d'une réforme plus importante du fonctionnement de nos réserves.

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