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Intervention de Gérard Longuet

Réunion du 1er juin 2011 à 11h00
Mission d’évaluation et de contrôle de la commission des finances

Gérard Longuet, ministre de la Défense et des anciens combattants :

Je suis particulièrement désireux d'apporter une contribution utile aux travaux de votre commission, dont j'ai moi-même été membre. J'étais à Lorient aux côtés du président de la République lorsque la nouvelle du décès de Mme Françoise Olivier-Coupeau nous est parvenue. Je me remémore avec admiration son combat très courageux contre la maladie.

Les externalisations n'occupent qu'une place réduite dans la réforme de grande ampleur que le ministère de la Défense a engagée depuis 2007. Cette réforme vise à une rationalisation des moyens plutôt qu'à une externalisation de leur gestion. Nous adoptons en ce dernier domaine une approche prudente et mesurée. Il n'est donc pas étonnant que la mise en oeuvre reste à un stade expérimental et modeste, à quelques exceptions près.

Parmi ces dernières, la gestion des véhicules de gamme commerciale offre l'exemple d'une externalisation sur six ans de 20 000 véhicules pour un montant annuel de 70 millions d'euros. D'après nos estimations, environ 20 % des frais de gestion ont été économisés grâce à cette méthode. Un autre marché a porté sur l'externalisation de la formation des pilotes d'hélicoptères, pour une durée de 22 ans. Le gain afférent s'élèverait à 10 % du montant total. Enfin, l'entretien des 55 appareils de la base aérienne de Cognac fait lui aussi l'objet d'une externalisation depuis 2006, pour une économie annuelle de l'ordre de 20 %.

En tout état de cause, le ministère de la Défense reste en ce domaine en deçà des analyses de l'équipe d'audit de la révision générale des politiques publiques, qui a identifié en 2007 un périmètre de 16 000 emplois de la Défense susceptibles d'externalisation. L'écart s'explique par les conditions très strictes que le ministère de la Défense a mises à l'externalisation de ses activités. Il n'y consent en effet que si, d'abord, elle ne porte pas atteinte aux capacités d'intervention des forces armées, appelées à s'engager à tout moment sur des théâtres d'opérations extérieurs, ce qui constitue une contrainte très spécifique. Le ministère est également attaché à ce que toutes les parties prenantes à ses activités soient des combattants, susceptibles de se conduire comme tels. Ensuite, il faut veiller aux intérêts des personnels, en leur garantissant la possibilité de reclassement en cas d'externalisation de leur activité. Enfin, il convient de conduire une comparaison systématique des prestations proposées par les entreprises candidates, qui sont souvent des petites et moyennes entreprises.

Deux instances jouent en ce domaine un rôle essentiel : la mission partenariats public privé (MPPP) et la mission achat, placées sous la responsabilité du secrétariat général de l'administration. La Cour des comptes a mis en lumière le manque d'une comptabilité analytique de l'État qui rende la comparaison possible avec une gestion privée. La MPPP a précisément pour fonction de rapprocher les méthodes comptables pour arriver à de meilleurs résultats. La mission achat, quant à elle, joue un rôle de conseil, en faisant partager sa bonne connaissance des prix et des marchés.

L'une de nos préoccupations, commune avec d'autres ministères, est de rendre l'information la plus transparente possible pour les agents potentiellement concernés par une externalisation. Le secrétariat général pour l'administration mène ainsi une politique active de concertation avec le Conseil supérieur de la fonction militaire et avec les représentants des organisations syndicales. Ces derniers n'ont pas une attitude négative. Le cas échéant, ils proposent des solutions de remplacement, comme la régie rationalisée etou civilianisée, qui correspond au transfert de la prestation de service à des personnels civils.

Deux nouveaux dispositifs statutaires sont applicables en matière d'externalisation : la mise à la disposition et, de manière plus originale, le détachement. Ils ont en commun trois caractéristiques. Ils sont fondés sur le volontariat, garantissent le maintien du statut d'agent public et permettent un retour dans le corps d'origine. Les agents qui refusent de travailler chez le prestataire sont reclassés.

Dans le système de la mise à disposition, l'agent continue de travailler sur le même lieu, au même poste et en continuant à percevoir sa rémunération du ministère. Le prestataire verse seulement à ce dernier un montant forfaitaire convenu à l'avance pour cette mise à disposition. Tentée dans le domaine de la restauration, l'expérience a concerné 126 agents, sur lesquels 55 ont fait acte de volontariat. Certains ont aujourd'hui souscrit un contrat de travail à durée indéterminée chez le prestataire auprès duquel ils étaient originellement mis à disposition. Les chiffres disponibles sont cependant trop faibles pour fournir une base statistique significative.

Quant au détachement, il n'est attractif pour les agents du ministère de la Défense que dans la mesure où la rémunération est au moins aussi élevée chez le prestataire. Ils signent alors un contrat de travail qui présente l'originalité de ne pas leur faire perdre le statut d'agent public. Un retour dans le corps d'origine est donc toujours possible, comme le prévoit le décret du 7 mai 2010. Trois autres décrets sont en attente et devraient être publiés d'ici la fin de l'année. Ils prévoiront les conditions dans lesquelles, au terme du contrat de détachement, les fonctionnaires sont ou bien reconduits ou bien réintégrés.

Nous avons mis en place un dispositif spécifique d'assistance à la « manoeuvre ressources humaines » au profit des chefs de projet. Le chef de projet bénéficie d'une mission d'appui auprès de la direction des Ressources humaines pour préparer et mettre en oeuvre l'externalisation. Il bénéficie d'une assistance après la signature du marché pour assurer le suivi des relations contractuelles et pour gérer la reconversion des agents qui ne sont pas repris par les entreprises attributaires du marché.

Sur le plan des ressources humaines, nous pouvons donc considérer que le ministère s'est doté d'un dispositif permettant de répondre aux interrogations légitimes préexistantes à l'externalisation et de gérer les difficultés apparaissant tout au long de l'externalisation et après.

Sur le plan budgétaire, nous veillons à transcrire dans la loi de finances les suppressions d'emplois liées à l'externalisation. L'objectif est de redéployer les crédits de personnel vers le fonctionnement, puisque les contrats d'externalisation sont imputés sur le titre 3.

Avant d'ouvrir le débat, je voudrais vous livrer des réflexions un peu plus personnelles. Pour l'externalisation, je constate un blocage et un ressort. Le blocage est le caractère opérationnel de tous les personnels militaires quelle que soit la nature de leur tâche. Un boulanger, un mécanicien, un prestataire de services peuvent être des combattants. Le militaire reste disponible à tout moment pour toute action militaire, pour tout engagement extérieur. C'est d'ailleurs la raison d'être de son engagement. Cette singularité rend l'externalisation plus difficile.

Le ressort est que le temps de travail du militaire est plus faible dans sa spécialité que le temps de travail du civil. Le militaire n'est disponible pour la prestation civile qu'à concurrence de 1 000 heures par an, puisqu'il se consacre aussi à sa formation militaire, alors que le civil doit, lui, à sa spécialité l'intégralité de son temps de travail, soit 1 600 heures par an. Les personnels militaires, parce qu'ils restent des combattants, sont nécessairement plus coûteux que les personnels civils.

L'un des ressorts de l'externalisation est de permettre à des personnels de poursuivre des carrières plus valorisantes et plus épanouissantes. L'exemple typique de cette situation est l'externalisation dans le secteur informatique. Lorsque vous êtes informaticien d'une collectivité locale ou d'une administration, le risque est grand d'être prisonnier d'une carrière limitée avec peu de perspectives de diversification, de mobilité géographique ou de progression hiérarchique. Le fait de rejoindre une entreprise attributaire d'un marché d'externalisation est la possibilité de sortir de cette impasse.

L'externalisation au ministère de la Défense peut aussi avoir pour motivation le statu quo géographique. Les personnels militaires de la Défense sont contraints par leur statut à l'obligation de mobilité. L'externalisation apparaît alors pour certains comme une possibilité d'échapper à une mobilité géographique.

J'ai encore trop peu d'expérience dans mes fonctions ministérielles pour donner un avis tranché sur les externalisations mais je souhaite appeler l'attention de la MEC sur le travail mené par le secrétariat général pour l'administration du ministère de la Défense. Le secrétariat général a par exemple produit un rapport portant sur l'opportunité économique de recourir à une externalisation sur la base des offres reçues pour l'opération « restauration – hôtellerie – loisirs » phase 1. Ce rapport de grande qualité a comparé trois scénarios :

– un scénario I ou le statu quo : le ministère de la Défense continue d'assurer en régie les fonctions restauration, hôtellerie et loisirs avec du personnel civil et militaire, sans changement de l'organisation ;

– un scénario I bis ou la régie « civilianisée et rationalisée » : le ministère de la Défense continue d'assurer les fonctions restauration, hôtellerie et loisirs après civilianisation et rationalisation des postes ;

– un scénario II ou l'externalisation : le ministère de la Défense achète un service en restauration, hôtellerie et loisirs à un opérateur privé au travers d'un contrat d'une durée de cinq ans relevant du code des marchés publics.

Les fonctions restauration, hôtellerie, loisirs sont importantes puisqu'elles représentent 8 000 postes sur les 16 000 du périmètre externalisable. L'étude menée sur huit sites conclut que la régie civilianisée et rationalisée représente une économie de 10 % et l'externalisation 18 %.

Cette étude que je vais communiquer à la MEC entre dans le détail de la répartition des effectifs selon les statuts et les catégories. La conclusion est que si l'externalisation n'est pas à exclure, elle n'est pas facile.

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