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Intervention de Jean-Patrick Gille

Réunion du 15 juin 2011 à 21h30
Alternance et sécurisation des parcours professionnels — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Patrick Gille :

… où les salariés ne sont pas en CDI, alors que c'était le fondement même des groupements d'employeurs : se regrouper pour faire des CDI.

Contrairement à ce qui est annoncé dans l'exposé des motifs, les quatre articles de la proposition de loi ne lèvent pas les contraintes relatives à la création des groupements d'employeurs, ils en modifient l'objet et l'effet, donc la nature.

Comme l'indique Emmanuel Dockès, professeur à Paris X, les groupements d'employeurs ont été crées pour permettre à de petites entreprises d'embaucher en commun, par exemple un comptable. Alors, demande-t-il, « pourquoi une entreprise de plusieurs milliers de salariés embaucherait-elle des salariés via le groupement d'employeurs, au lieu de les embaucher directement, si ce n'est pour séparer la gestion du personnel de la gestion de l'entreprise ? C'est ce que l'on appelle l'extériorisation de la main-d'oeuvre. »

Quand le groupement sera multi-activités, et ce sera de plus en plus le cas, cela permettra de contourner la convention collective de l'entreprise d'accueil. C'est en tout cas l'application des conventions collectives que nous devons sécuriser.

Contrairement à ce qui est affirmé dans le rapport, le bilan social du groupement Alliance Emploi, groupement cité à l'envi par tout le monde, atteste qu'il n'y a pas 80 % de CDI, qu'il y en a seulement 50 %. Nous vous proposerons donc un amendement qui dispose que le nombre de CDI d'un groupement ne peut pas être inférieur à 80 %, hormis, évidemment, le cas des GEIQ.

Puisque votre souci est de faire des groupements d'employeurs un outil de sécurisation des emplois, nous ne doutons pas de l'accueil favorable que vous apporterez à cet amendement. Dans le cas contraire, nous serons enclins à penser que vos intentions ne sont pas aussi pures et que votre objectif est de créer un dispositif d'intérim low cost.

M Taugourdeau ne cesse de nous rappeler que, pour l'entreprise, le coût est le même. Je me permets de lui faire remarquer que ce n'est pas le cas pour le salarié, pour qui l'intérim est plus avantageux, car il y a, justement, une prime de précarité.

Enfin, rendre les groupements d'employeurs largement accessibles aux collectivités territoriales, c'est ouvrir à celles-ci la voie au contournement du recours aux emplois statutaires, par l'externalisation, voire la privatisation, de missions normalement exercées par des fonctionnaires. II est aussi à noter que c'est la légalisation d'une forme de gestion de fait.

Les modifications prévues par la proposition de loi ne sont donc pas anodines au regard du code du travail. Elles s'inscrivent dans une démarche d'externalisation de la main-d'oeuvre contraire à votre objectif dit de sécurisation. Je constate, par ailleurs, qu'il n'est nullement présenté d'estimation, même prudente, du nombre de postes qu'elles permettraient de créer. Faut-il en déduire que là n'est donc tout à fait son objectif ?

Je m'interroge aussi sur cet acharnement – j'en parlais au début de mon intervention – à vouloir légiférer à nouveau sur le groupement d'employeurs alors que nous l'avons fait dans les mêmes termes il y a deux ans.

À l'époque, le recours à une proposition de loi permettait de contourner l'obligation de négociation, mais, en séance, l'engagement avait été pris de mettre en place un groupe de travail. Celui-ci s'est réuni en janvier et en février 2010. Mais ses conclusions sont restées lettre morte, comme la proposition de loi d'ailleurs, puisque celle-ci n'a jamais été inscrite à l'ordre du jour du Sénat !

Les négociations sur le sujet ont repris le 14 juin 2011, c'est-à-dire hier, mais elle n'ont pas abouti, et les partenaires sociaux nous ont fait part de leur souhait que le titre II de la proposition de loi soit donc retiré ou suspendu dans l'attente de la fin de leurs négociations. Malgré vos grandes déclarations sur le dialogue social, j'ai cru comprendre que votre réponse était plutôt négative.

Chers collègues, compte tenu de la demande des partenaires sociaux, de l'absence d'études d'impact et d'une réelle concertation sur les groupements d'employeurs, de leur déréglementation, qui va développer de nouvelles formes de précarisation, de l'absence d'une réforme du financement de l'apprentissage qui assure réellement son développement, de la régression que constituent des mesures telles que l'apprentissage à quatorze ans, de son ouverture aux emplois saisonniers ou à l'intérim, bref, d'une démarche qui privilégie la quantité au détriment des efforts qualitatifs accomplis depuis des années, notamment par les régions, pour valoriser l'alternance, je vous invite à voter cette motion de rejet préalable. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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