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Intervention de Henri Plagnol

Réunion du 14 juin 2011 à 15h00
Accord france - Émirats arabes unis relatif à la coopération en matière de défense

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaHenri Plagnol, suppléant M :

L'accord comprend une partie classique ainsi qu'une clause d'engagement de nos forces qui en fait la particularité.

Les dispositions classiques concernent le champ de la coopération militaire, la formation, l'entraînement des forces conventionnelles et spéciales émiriennes, les exercices conjoints, l'établissement de plans, et tout autre domaine dans lequel nos deux pays pourraient coopérer.

L'article 4 est l'article essentiel. Il prévoit une réponse graduée à tout type de menace, pouvant aller jusqu'à l'engagement de nos forces, ce qui signifie que, dans l'hypothèse – que personne ne souhaite – où les Émirats arabes unis seraient soumis à une menace portant sur leurs intérêts vitaux, mettant en cause leur souveraineté nationale, nous pourrions être amenés à un engagement militaire. S'attaquer aux Émirats signifierait s'attaquer à la France.

Nous faisons donc le pari que notre présence dans le Golfe persique – je rappelle que la Grande-Bretagne et les États-Unis sont déjà liés avec les Émirats par des accords secrets – sera dissuasive. Si, aujourd'hui, nous pouvons aller aussi loin dans cet accord de défense, c'est parce que les deux États que sont les Émirats arabes unis et la France partagent la même analyse stratégique et en tirent la conclusion qu'ils ont des intérêts vitaux communs à défendre.

Du côté émirien, il y a un sentiment de vulnérabilité bien compréhensible. D'abord, les Émirats arabes unis sont, même s'ils connaissent un dynamisme démographique réel, un pays faiblement peuplé, avec 923 000 citoyens nationaux sur une population totale de six millions d'habitants composée de soixante nationalités différentes. Cette population est confrontée à des mutations économiques et sociales extrêmement rapides : c'est une société qui est passée en quelques dizaines d'années du nomadisme à l'un des États les plus développés au monde.

Par ailleurs, la zone connaît en ce moment même des mutations politiques très importantes. Il suffit d'évoquer ce qui se passe à Bahreïn, au sultanat d'Oman ou même en Arabie saoudite.

Surtout, les Émirats arabes unis coexistent avec leur grand voisin, l'Iran. Le voisinage avec l'Iran repose d'abord sur des liens commerciaux actifs. Une importante communauté iranienne vit à Abou Dhabi, où elle est prospère. Il y a peu de contentieux bilatéraux entre les deux pays, en dehors d'un contentieux sur la souveraineté d'une île. Les relations entre les deux États sont donc pacifiques et même fructueuses.

Malgré tout, chacun sait que le monde sunnite en général s'inquiète de la montée en puissance de l'Iran, devenu un acteur déterminant, notamment l'Irak et le Liban. Surtout, les Émirats arabes unis peuvent craindre, comme tous leurs voisins, que l'Iran n'acquière l'arme nucléaire, ce qui modifierait fondamentalement le rapport de forces dans la zone. Ce serait, nous le savons, une atteinte grave à l'ordre international défini par le traité de non-prolifération nucléaire. Par conséquent, il est normal que les Émirats arabes unis, dans une période de tension, recherchent le soutien de leurs meilleurs alliés, dont la France.

Du côté de la France, il y a la conscience évidente – il suffit de regarder la géographie – que le Golfe persique est une zone vitale pour la sécurité de l'Occident. Les Émirats arabes unis sont riverains du détroit d'Ormuz par lequel transite l'essentiel des approvisionnements en hydrocarbures et en énergie de notre économie.

La France, membre du Conseil de sécurité des Nations unies et qui se veut une puissance globale avec une projection opérationnelle de ses forces, ne peut être absente de cette zone stratégique. Elle a donc aussi un intérêt vital à cet accord avec les Émirats arabes unis. Elle ne fait d'ailleurs, comme je l'ai déjà mentionné, que rejoindre le constat dressé depuis longtemps par nos alliés britanniques et américains.

Bien évidemment, cela ne signifie pas – la question a été posée et vivement débattue en commission des affaires étrangères – que nos troupes basées à Abou Dhabi seraient automatiquement engagées dans un conflit avec l'Iran. Cela signifie que nous espérons que la présence de nos troupes, que la présence de trois puissances nucléaires, avec nos alliés britanniques et américains, sera suffisante pour dissuader tout conflit. La présence de la France, avec cette base militaire, nous engage dans un partenariat stratégique avec Abou Dhabi qui, d'un côté comme de l'autre, se veut d'abord au service de la paix, au service de la stabilité de cette zone vitale pour l'économie mondiale qu'est le Golfe persique.

C'est la raison pour laquelle, sur la proposition de son rapporteur Patrick Balkany, la commission des affaires étrangères a adopté le projet de loi de ratification de l'accord de défense avec les Émirats arabes unis et vous propose de l'adopter également. (Applaudissements sur les bancs du groupe UMP.)

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