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Intervention de Claude Goasguen

Réunion du 9 juin 2011 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaClaude Goasguen, rapporteur :

Je remercie chaleureusement l'équipe qui nous a assistés dans notre travail sur ce sujet très difficile. Celui-ci a en effet été dramatisé sur le plan politique, avec des positions extrêmes qui remettent en cause jusqu'à l'existence du dispositif, tant à droite qu'à gauche. Ainsi, pour Médecins du Monde, l'AME ne devrait pas exister : la politique de santé publique devant être la même pour tous, le dispositif devrait être intégré à la CMU, voire au système social de droit commun. À l'inverse, les apôtres du Front national prônent la suppression de l'AME au nom de la justice sociale. Parvenir à un accord sur la nécessité de l'existence de l'AME n'était donc pas une mince affaire. Cela nous permettra cependant de répondre à nombre d'arguties qui ne manqueront pas d'être développées dans l'année qui vient. Avec les réponses au questionnaire que nous avons adressé à l'ensemble des caisses de sécurité sociale et le rapport de l'IGAS et de l'IGF, nous disposons d'un fonds documentaire qui permettra d'éviter les dérapages dramatisants et populaciers si désagréables dans les campagnes électorales. La seule manière de traiter ce genre de problèmes est d'avoir des documents sérieux et incontestables. Je regrette donc que cette démarche n'ait pas été conduite plus tôt : cela nous aurait évité des débats inutiles.

Mes préconisations touchent d'abord au domaine budgétaire. Comme un certain nombre de nos collègues, j'ai longtemps pensé que la fraude n'était pas négligeable. En réalité, le système de l'AME n'est pas plus touché par la fraude que les autres, mais sa gestion a besoin d'être profondément réformée, et il ne faut pas se dissimuler que ce sera difficile.

Un élément nous a frappés tous deux : l'absence de coordination entre les hôpitaux publics et la sécurité sociale, que l'IGF et l'IGAS ont identifiée comme l'élément essentiel du dérapage des dépenses de l'AME. Il faut bien voir que le surcoût lié à la tarification sur la base des TJP représente presque le quart du budget de l'AME. C'est un problème d'écritures : cette charge devrait être assumée par le budget de la sécurité sociale, non par celui de l'État. Nous ne ferons certes pas beaucoup d'économies, mais je suis attaché à la règle de bonne gestion. Il ne s'agit pas de sanctionner les hôpitaux, mais d'imputer au budget de la sécurité sociale ce qui relève de la sécurité sociale, et à celui de l'AME ce qui relève de l'AME.

D'autre part, nous ne sommes pas assez rigoureux en ce qui concerne l'AME lors de l'élaboration de la loi de finances initiale, dans la mesure où nous avons choisi d'en appeler systématiquement aux lois de finances rectificatives. Or, dans ce domaine, cela constitue un appel d'air : savoir que la somme est sous-évaluée et qu'elle sera augmentée pousse à la consommation. J'appelle donc à une vraie rigueur dans l'établissement du budget de l'AME : les parlementaires doivent avoir connaissance de tous les éléments statistiques, et l'affectation de la somme doit être connue. Enfin, l'enveloppe arrêtée ne doit pas, sauf exception, être modifiée en loi de finances rectificative.

Je suis par ailleurs plus restrictif que mon collègue quant à la méthode de soins et au caractère universel du panier de soins, qui, soit dit en passant, reste une exception en Europe. Je ne propose pas de le supprimer, mais d'adopter un système un peu plus rigoureux en le divisant en deux parties. La première serait constituée des soins indispensables au maintien de la santé, à savoir les urgences, l'hospitalisation, la prophylaxie et la prévention, les soins aux femmes enceintes et tous les soins aux mineurs. Ces soins ne seraient dispensés que par les hôpitaux publics et les dispensaires – dont le nombre est dramatiquement insuffisant. Un deuxième niveau de soins – qui comprendrait les soins plus généraux ou les dispositifs médicaux – serait soumis à entente préalable de la sécurité sociale.

Je suggère également qu'une seule caisse primaire de sécurité sociale gère l'AME. Cela permettrait d'assurer une meilleure harmonisation, de développer un système de contrôle informatique plus efficace et d'avoir des statistiques beaucoup plus fiables. Les différences entre les caisses sont en effet considérables, celles de Paris et de Seine Saint-Denis gérant la quasi-totalité du budget de l'AME.

J'en viens au droit de timbre de 30 euros, qui a suscité tant de polémiques et sur lequel nous ne sommes pas d'accord. À l'origine, je n'étais pas favorable à cette mesure, que je considérais comme une « mesurette ». Je l'ai finalement votée, la ministre compétente, Mme Roselyne Bachelot-Narquin, estimant qu'il était utile de faire un geste symbolique. L'IGF et l'IGAS ont considéré que, sur le plan financier, elle n'était pas intéressante. Néanmoins, elle a quelques vertus : non seulement elle n'est pas excessive quant à son montant et peut le cas échéant être financée par des subventions, mais, de plus, elle a un aspect symbolique fort. Elle n'est d'ailleurs guère contestée en-dehors des milieux médicaux.

Cette mesure n'empêche pas la France de rester – contrairement à ce que j'entends souvent dire – un pays exceptionnel du point de vue des droits sociaux. Aucun de nos voisins – hormis l'Espagne, mais avec moins de succès que nous – ne mène une politique aussi généreuse. N'oublions pas que les populations dont il s'agit sont dans une situation particulière sur le plan juridique. Une somme de 30 euros, c'est tout de même peu si l'on songe aux Français qui sont eux-mêmes en difficulté ou aux immigrés qui sont en situation régulière, voire qui prennent le risque de demander leur régularisation.

Cela devrait en outre permettre – c'est en tout cas la proposition que nous faisons – de financer la carte de bénéficiaire avec photo ainsi que la visite de prévention dont a parlé Christophe Sirugue.

Je l'ai dit, le premier niveau de soins que je propose devrait relever des seuls hôpitaux publics et dispensaires. Je suis en effet très réservé – sauf insuffisance des équipements sanitaires dans un département – sur l'intervention des médecins libéraux en matière d'AME. Le Conseil de l'Ordre m'opposera sans doute le sacro-saint serment d'Hippocrate, mais je pense que les médecins libéraux participant à l'AME devraient être agréés par la sécurité sociale et ne dispenser que les soins relevant du deuxième niveau.

Pour conclure, je voudrais dire que nos préconisations communes restent plus importantes que nos divergences. Simplement, l'un a vu le verre à moitié plein et l'autre le verre à moitié vide … Je me félicite en tout cas du travail que nous avons conduit ensemble.

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