Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Christophe Sirugue

Réunion du 9 juin 2011 à 11h00
Comité d’évaluation et de contrôle des politiques publiques

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Sirugue, rapporteur :

En accord avec Claude Goasguen, je commencerai par resituer le sujet avant de vous faire part de nos préconisations communes, sachant que le rapport présente également des préconisations spécifiques à chaque rapporteur.

Qui sont les bénéficiaires de l'AME ? Il s'agit, pour 90 % de la dépense, de tout étranger résidant en France de manière ininterrompue depuis plus de trois mois, pour 9 % de la dépense de personnes ayant besoin de soins d'urgence et, enfin, à la marge, puisque le budget se limite à un million d'euros, de l'aide médicale d'État humanitaire.

Les conditions d'obtention de l'AME sont les suivantes : justifier de son identité et d'une durée de résidence ininterrompue de trois mois sur le territoire ; disposer de ressources n'excédant pas un plafond de 634 euros ; et depuis le 1er mars 2011, acquitter un droit de timbre de 30 euros.

Au 30 septembre 2010, 227 705 personnes bénéficiaient du dispositif : 81 % d'entre elles ouvrent des droits pour elles seules ; 9 % pour elles et une personne ; et moins de 5 % pour elles et deux personnes.

Le budget de l'AME, délégué à la CNAMTS par l'État, s'élevait à 623 millions d'euros en 2010. Il est estimé à 640 millions pour 2011, sachant que seulement 590 millions ont été inscrits au budget et que l'État doit encore rembourser à la CNAMTS près de 83 millions de dépenses nettes, principalement au titre de 2010.

Les dépenses hospitalières représentent les trois quarts de la dépense totale, et les consultations de spécialistes 14 %.

Il faut également préciser que les dépenses de l'AME sont très concentrées. À Paris, par exemple, moins de 1 % des bénéficiaires concentrent la moitié de la dépense hospitalière.

Ces dépenses sont en très forte hausse. Après une montée en puissance du dispositif entre 2000 et 2005, elles sont passées de 377 millions d'euros à cette date à 623 millions en 2010. Elles ne représentent cependant que 0,19 % du budget de l'État et 0,34 % du montant de l'ONDAM.

Quelles sont les causes qui peuvent expliquer un tel accroissement ? Nous en avons d'emblée exclu trois. En premier lieu, nous n'avons pas noté d'explosion du nombre des ayants droit à l'AME, qui reste stable. Nous n'avons pas davantage constaté d'explosion de la consommation médicale ; hormis une petite hausse en 2009, celle-ci est restée constante depuis 2001. Quant à la fraude, elle existe mais ne représente, aux dires de la CNAMTS, que 0,3 % du total des fraudes, tous dispositifs confondus.

Les facteurs de l'augmentation des dépenses que nous avons identifiés sont au nombre de deux. Il s'agit tout d'abord de l'augmentation du nombre des bénéficiaires, passé de 79 000 en 2000 à 189 000 en 2005 et à 227 000 en 2010. Le nombre des ressortissants communautaires admis à l'AME a notamment augmenté à la suite d'une directive de 2004 – transposée en 2006 par une loi dont le décret d'application a été publié en 2007 – aux termes de laquelle un ressortissant communautaire inactif ne peut s'installer en France et se prévaloir d'un droit au séjour s'il ne dispose pas d'une couverture maladie. Le nombre de demandeurs d'asile a par ailleurs augmenté, avec une hausse de 20 % entre 2007 et 2008. Des dysfonctionnements concernant les conditions d'application de la procédure « étranger malade » semblent enfin en cause, l'appréciation restrictive de la condition relative à la durée de résidence en France conduisant à un basculement vers l'AME de personnes qui devraient bénéficier de ce dispositif « étranger malade ».

La deuxième cause d'accroissement des dépenses de l'AME tient à l'augmentation considérable de la facturation hospitalière. Non seulement les hôpitaux, confrontés à des difficultés budgétaires, cherchent désormais systématiquement à connaître les droits de leurs patients à une couverture maladie au lieu d'admettre les créances non recouvrées en non-valeur dans leur budget, mais, de plus, le mode de tarification des actes délivrés aux bénéficiaires de l'AME est le tarif journalier de prestation (TJP), et non la tarification à l'activité. Or les tarifs journaliers de prestation sont très élevés et inégaux : en 2010, le TJP s'établissait ainsi à 1380,69 euros pour l'AP-HP, contre 410 euros pour le centre hospitalier d'Aulnay-sous-Bois ! Autrement dit, il est utilisé comme variable d'ajustement budgétaire par les hôpitaux. Le surcoût lié à cette différence de tarification est estimé entre 100 et 200 millions d'euros, soit au moins un cinquième de la dépense totale de l'AME.

Forts de ces constats, Claude Goasguen et moi-même avons défini des préconisations communes pour améliorer les modalités de gestion de l'AME. Il nous paraît important de maintenir ce dispositif, qui est adapté à la population concernée et répond à des considérations humanitaires, mais aussi à de vrais enjeux de santé publique : sans accompagnement de ces personnes, le risque de voir se propager des maladies contagieuses comme la tuberculose ou le sida est très réel.

Nous souhaitons ensuite voir adopter progressivement une tarification de droit commun. Il faut sortir de la tarification « souple » que constitue le TJP pour les administrations hospitalières, car elle représente des sommes considérables. Cette sortie ne pourra cependant être que progressive, les incidences du passage à la tarification à l'activité étant loin d'être négligeables, tant pour les hôpitaux que pour les bénéficiaires.

Il est d'autre part nécessaire d'avoir des statistiques fiables. Nous devons sortir du flou statistique pour améliorer la connaissance de la population en cause. Nous sommes ici confrontés à une difficulté, puisque la loi ne permet pas de préserver les données au-delà de deux ans. Or nous avons besoin de le faire pour disposer de statistiques fiables sur les bénéficiaires du dispositif. Il faut donc envisager de remettre cette limite en cause.

Nous souhaitons également que les besoins soient budgétisés correctement en loi de finances initiale. J'ai rappelé tout à l'heure que la dette de l'État envers la CNAMTS s'élevait déjà à 83 millions d'euros, ce chiffre étant appelé à augmenter puisque l'inscription budgétaire pour 2011 n'est pas à la hauteur de l'estimation des dépenses.

Par ailleurs, nous préconisons la mise en place d'une visite de prévention à l'entrée dans le dispositif. Ce « filtre » permettrait de s'assurer de la réalité de la situation des personnes, à la fois dans un souci de maîtrise du dispositif et dans un souci de santé publique.

De même, il convient d'améliorer la prise en charge d'aval des bénéficiaires hospitalisés, car les dispositifs permettant de sortir de l'hôpital font défaut pour les personnes relevant de l'AME.

Enfin, nous appelons à prendre en compte le cas particulier de Mayotte, nouveau département français. Il est prévu que l'harmonisation avec le droit commun se fasse sur une période de vingt à vingt-cinq ans. Mais l'État a déjà été condamné pour le non respect de droits à Mayotte. Il nous semble donc que s'agissant du RSA ou de l'AME, nous ne pouvons nous permettre d'attendre aussi longtemps, d'autant que le nombre de personnes susceptibles d'être concernées n'est pas négligeable.

Voici donc les principaux éléments de notre rapport, sachant que nous présenterons ensuite chacun des préconisations spécifiques.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion