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Intervention de André Chassaigne

Réunion du 31 mai 2011 à 21h45
Ventes de meubles aux enchères publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAndré Chassaigne :

Monsieur le président, monsieur le garde des sceaux, mes chers collègues, nous sommes réunis pour examiner la proposition de loi relative aux ventes volontaires aux enchères publiques, plus de trois ans après son dépôt sur le bureau du Sénat, le 12 janvier 2008. Ce texte technique et spécifique qui ne concerne – en apparence du moins – qu'un nombre limité de personnes, a pour principale ambition de transposer au procédé des ventes volontaires de meubles aux enchères publiques les prescriptions de la fameuse directive Bolkestein, appelée également directive « Services ».

Comme cela avait déjà été souligné en première lecture, on peut, pour le moins, s'étonner que cette transposition ait été réalisée sous la forme d'une proposition de loi et non d'un projet de loi. Ce dernier aurait pu être accompagné d'une étude d'impact, qui aurait pu être éclairante au regard des enjeux.

L'autre objectif du texte est de moderniser les conditions d'activités des acteurs du secteur, pour leur permettre de rivaliser plus efficacement, vous l'avez souligné, monsieur le garde des sceaux, avec leurs concurrents anglo-saxons.

Selon l'exposé des motifs, les auteurs souhaitent ainsi « introduire plus de concurrence et plus de dynamisme sur un marché qui s'est trop longtemps assoupi et qui semble encore souffrir d'une certaine langueur, sans que l'ouverture introduite par la loi du 10 juillet 2000 ait véritablement porté ses fruits ». Qu'en termes élégants ces choses-là sont dites !

La réforme de 2000 avait engagé une première étape dans la libéralisation des ventes aux enchères publiques en France en mettant fin au monopole des commissaires-priseurs en matière de ventes volontaires de meubles aux enchères publiques. Cette évolution permettait de satisfaire aux obligations résultant des principes de libre établissement et de libre prestation de services, posés par le Traité de Rome. Les textes européens présentent beaucoup d'avantages quand on veut se lancer dans un libéralisme sans contraintes !

Avec la transposition de la directive « Services » une nouvelle étape est franchie : il s'agit de limiter, voire de supprimer, les réglementations des États membres qui pourraient constituer des barrières juridiques et administratives entravant le développement des activités de services transfrontalières.

Comme en 2000, l'influence des deux grandes sociétés internationales de ventes aux enchères que sont Christie's et Sotheby's a été prégnante. Sous prétexte, rappelé par vous-même, monsieur le garde des sceaux, de vouloir redynamiser le marché de l'art en France et de préserver la compétitivité de cette activité, cette proposition de loi favorise en fait – mais c'est sans doute le but recherché – la domination de ces deux grandes sociétés internationales de vente aux enchères.

Bien que les sociétés anglosaxonnes, Christie's et Sotheby's, profitent d'ores et déjà d'une situation de large domination du marché, elles pourront désormais être mandatées pour vendre de gré à gré et viendront concurrencer, directement sur leur terrain, galeristes et antiquaires. La préservation de l'activité des ventes aux enchères publiques constitue pourtant un enjeu social, puisque les sociétés de ventes volontaires emploient 2 210 personnes dans notre pays. De plus, il existe une réelle exception française dans le secteur du marché de l'art, exception que nous estimons nécessaire, quand à nous, de préserver.

Dans ce domaine, ce ne sont pas deux grosses sociétés, que vous semblez beaucoup admirer, monsieur le garde des sceaux, qui nous préoccupent, mais 15 000 professionnels soutenant plus de 10 000 emplois et entretenant des rapports avec 60 000 artisans.

Malheureusement, la compétitivité – mot dont vous vous délectez tout autant que de celui de performance –, compétitivité que vous tenez tant à conserver, n'est pas celle de ces petites et moyennes structures nationales.

En dérégulant le fonctionnement des mises aux enchères, en démantelant toutes les protections juridiques et en niant les spécificités culturelles de notre pays, cette proposition de loi provoquera l'effet inverse de celui avancé. Le caractère puissamment spéculatif du marché de l'art s'en trouvera renforcé.

Je note d'ailleurs que mes propos ne vous surprennent pas.

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