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Intervention de Jean-Michel Clément

Réunion du 31 mai 2011 à 21h45
Ventes de meubles aux enchères publiques — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Michel Clément :

Monsieur le président, monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, monsieur le président de la commission des lois, mes chers collègues, il semblerait que nous parvenions, enfin, au terme de la discussion de cette proposition de loi qui, je le rappelle, a été déposée pour la première fois sur le bureau du Sénat le 12 janvier 2008, c'est-à-dire voilà bientôt deux ans et demi. Nous avons connu le Gouvernement plus pressé, surtout lorsque le texte se voulait plus exposé médiatiquement.

Manifestement, le présent texte ne passionne pas notre assemblée. Pourtant, il va affecter de nombreuses professions concernées par cette technique de vente, réservée souvent à des initiés mais dont certains opérateurs sont un gage de sécurité pour les transactions. Je pense, par exemple, aux courtiers en marchandises, dont l'activité trop méconnue est pourtant essentielle aux opérateurs et à ceux qui font appel.

Il est vrai que nous nous situons dans le cadre de la transposition de la directive « Services » de décembre 2006 au secteur des ventes volontaires aux enchères publiques. Une proposition de loi a été déposée pour ce faire, là où il eût été plus concevable qu'un projet de loi le soit, compte tenu de l'ambition annoncée : améliorer la situation inquiétante du marché de l'art français, situation masquée par une vente exceptionnelle en 2009. Nous avons l'impression d'être là pour sauver les meubles, si vous me permettez l'expression ! (Sourires.)

Le marché de l'art en France est en effet en déclin, et notre pays a perdu sa place sur le marché de l'art international, lequel est d'ailleurs en passe d'être bouleversé par l'apparition de nouveaux opérateurs, en Asie notamment.

Pour autant, le texte en l'état semblait parfaitement convenir à certains. Les sénateurs sont même allés au-delà de leurs espérances, tant en première qu'en seconde lecture. Nous y reviendrons.

Comme je l'avais déjà indiqué en première lecture, les oubliés de cette proposition de loi sont les consommateurs, qui sont pris en compte uniquement par le biais de la compétitivité des entreprises de ce secteur, leur information et leur protection étant considérées assurées par la concurrence existant entre les opérateurs qui dominent le marché.

Voilà une vision bien libérale des choses. Or, comme on l'a vu dans d'autres domaines, la liberté a souvent su se conjuguer en entente sur le dos des consommateurs. Et ce n'est pas l'existence du Conseil des ventes qui peut les rassurer dans sa composition actuelle.

Le texte concernera deux acteurs : les opérateurs de ventes aux enchères et les particuliers, puisque les ventes volontaires aux enchères publiques portent essentiellement sur des biens meubles possédés par des particuliers.

La transposition d'une directive se doit d'être autre chose qu'un simple rendez-vous technique. Nous aurions dû nous attacher au respect des différents volets de la directive « services » pour nous assurer qu'il en soit fait une transposition cohérente. Il y va de notre rôle de législateur.

Comme nous l'avons indiqué en première lecture, les trois premiers volets sont transposés : simplification des procédures, libéralisation du mode de fourniture de services, et libéralisation de l'accès et de l'exercice de cette activité de services.

Reste le dernier volet : celui destiné à apporter un niveau de garantie élevé aux consommateurs. Nous aurions souhaité, comme le Conseil économique, social et environnemental l'avait préconisé en 2008, que les consommateurs puissent en retirer de réels bénéfices. Ce n'est ni la composition et les compétences du Conseil des ventes volontaires, ni la mise en place d'une charte de qualité par les opérateurs qui vont renforcer leur protection.

Ce secteur est dans les mains de quelques opérateurs. Dès lors, on se doute bien qu'ils seront juges et parties de l'application des règles qu'ils ont participé à édicter. Ce n'est pas l'obligation de déport qui suffira à moraliser ce marché, tant les opérateurs sont peu nombreux dans ce milieu fermé.

Je reste, par ailleurs, dubitatif sur la protection qu'est censée offrir aux consommateurs la mise en place d'un code de déontologie ou, pour reprendre les termes de la proposition de loi, d'un « recueil des obligations déontologiques des opérateurs des ventes volontaires », sachant qu'en toute hypothèse, le non-respect de celui-ci ne sanctionnera pas l'opérateur puisque, par principe, c'est lorsque l'opération sera dénouée que l'on constatera les dérives du système. Par contre, ceux qui seront perdants dans tous les cas, ce seront le propriétaire des biens mis en vente ou l'acquéreur floué.

Nous savons bien que la concentration des faveurs législatives sur les plus privilégiés n'est plus à démontrer. Les conséquences seront, dans ce secteur comme dans d'autres, l'étouffement et la compression des plus petits opérateurs économiques.

Il mérite d'être relevé que le Sénat a souhaité revenir à certains travers que nous avions ensemble dénoncés, monsieur le rapporteur, lors de l'examen du texte en commission en première lecture. Je vous sais gré d'avoir maintenu votre position lors de son examen en commission en seconde lecture. Je pense ici aux huissiers de justice et aux courtiers en marchandises assermentés même si toutes leurs requêtes n'ont pas été entendues.

Le débat sur ce texte aurait pu être l'occasion d'engager une réflexion sur la fuite de notre patrimoine historique. L'histoire récente des manuscrits de Robespierre est là pour nous rappeler que le grenier de l'art français est à tout instant menacé par les géants du marché mondial, qui n'ont de loi que celle du profit.

En résumé, ce texte ne protège pas les consommateurs d'opérateurs sans scrupules s'organisant entre eux. Il vise à limiter les conditions d'intervention d'opérateurs secondaires, pourtant essentiels dans un certain nombre de domaines particuliers, comme celui des ventes de marchandises ou de matériels. Il ne prend pas suffisamment en compte la dimension de notre territoire ni ses particularités locales, notamment le fait que des opérateurs de proximité s'engagent sur le marché lorsque les professionnels censés agir l'ont déserté. Enfin, il ne protège aucunement le grenier de l'art français.

Bref, le texte est très insuffisant et, telle que sa livraison est annoncée, le groupe que je représente ne pourra le voter. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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