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Intervention de Jean-Luc Préel

Réunion du 31 mai 2011 à 15h00
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Explications de vote

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean-Luc Préel :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État, mes chers collègues, ce texte revient en deuxième lecture ; il est peu modifié sur le fond.

L'objet de ce projet de loi est majeur en démocratie mais ce domaine est particulièrement complexe et difficile. Nous devons, en effet, tenter de trouver un juste équilibre entre la liberté de la personne et la nécessaire protection d'elle-même, de ses proches, des soignants et de la société, tout en sachant que le risque zéro n'existe pas.

Il convient aussi de s'abstraire des faits divers et d'éviter de légiférer sous le coup de l'émotion.

Beaucoup attendaient un grand texte concernant la psychiatrie. Le Gouvernement s'est engagé à présenter un plan à l'automne. Espérons qu'il puisse résoudre les problèmes en suspens.

La loi du 17 juin 1990 aurait dû être réformée depuis longtemps. Il était d'ailleurs prévu qu'elle devait être révisée dans les cinq ans.

Ce projet de loi, certes limité, était nécessaire et urgent en raison de la décision du Conseil constitutionnel du 26 novembre 2010 et de la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme. L'article 66 de la Constitution exige, en effet, que toute privation de liberté soit placée sous le contrôle de l'autorité judiciaire, gardienne de la liberté individuelle, afin d'éviter les décisions arbitraires liées à des intérêts personnels ou politiques.

Le Conseil constitutionnel a estimé que cette hospitalisation sous contrainte ne pouvait être prolongée au-delà de quinze jours sans l'intervention d'un juge. Il s'agit là d'une bonne nouvelle au regard des libertés individuelles ainsi que des normes européennes, mais son application sera difficile.

Définir la dangerosité d'une personne, dans un contexte le plus souvent d'urgence, porter un diagnostic sur la pathologie, décider si les soins peuvent être effectués en milieu ouvert ou doivent l'être en milieu fermé, est particulièrement délicat et nécessite une grande expérience dont seuls les experts disposent. Mais ceux-ci ne sont pas à l'abri d'erreurs, d'autant que la démographie des professionnels de santé ne permet pas de disposer d'un temps médical important.

Dans ce domaine où intervient l'autorité administrative, le chemin est étroit entre la lettre de cachet et la liberté de la personne, même si cette personne peut être dangereuse pour elle-même, ses proches ou la société. Des drames imprévisibles, souvent médiatisés, peuvent survenir ; il est difficile de prévoir un raptus avant qu'il se produise.

Le texte du projet de loi est équilibré. Il prévoit notamment les avancées suivantes : un protocole de soins avant la soixante-douzième heure établi par un psychiatre de l'établissement et définissant le type de soins, le lieu de leur réalisation et leur périodicité ; la possibilité de soins en établissement, bien sûr, mais aussi en ambulatoire – c'est une nouveauté ; l'intervention du juge des libertés au quinzième jour puis tous les six mois ; la constitution d'un collège pour les patients dits difficiles ; le renforcement du rôle des commissions départementales des soins psychiatriques.

Certains interprètent ce texte comme sécuritaire. Il semble, au contraire, proposer des mesures renforçant la protection de la personne hospitalisée sans son consentement. Nous souhaitons rendre le patient acteur de sa santé en toutes circonstances, mais ce principe est d'application délicate lorsque le patient n'a pas conscience de sa dangerosité. Il convient cependant de protéger cette personne contre des tiers mal intentionnés ou intéressés, ou contre des abus de l'État, qui pourrait souhaiter mettre à l'écart des opposants en les taxant de déviants, de malades.

Ce texte est équilibré, même si son application sera difficile et complexe. Il prévoit ainsi une multiplication des certificats alors que la démographie des psychiatres est difficile. Le juge des libertés aura-t-il la disponibilité nécessaire ? Sur quels arguments jugera-t-il si ce n'est sur les certificats médicaux ? Avec 80 000 décisions devant être rendues dans l'année, le garde des sceaux a-t-il prévu de renforcer, et de manière suffisante, les moyens humains ?

Par ailleurs, la composition du collège n'est pas satisfaisante. L'obligation pour le psychiatre de dénoncer son patient ne suivant pas son projet de soins pose un problème déontologique. La sectorisation de la psychiatrie n'est pas intégrée dans ce texte ; c'est pourtant sur elle que repose l'organisation de la psychiatrie.

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