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Intervention de Dov Zerah

Réunion du 18 mai 2011 à 16h45
Commission des affaires étrangères

Dov Zerah, directeur général de l'Agence française de développement :

Lors de ma nomination à la direction générale de l'Agence, j'ai trouvé un établissement qui sortait d'une période, de 2004 à 2009, de forte croissance géographique et sectorielle, au point que certaines voix ont critiqué l'absence de limites fixées à son champ d'intervention. Au contraire, les limites existent bel et bien – ainsi, l'Agence n'intervient pas en matière de gouvernance, d'enseignement supérieur ou de culture.

Entre 2004 et 2009, les engagements de l'Agence ont quintuplé, passant d'environ 1,5 milliard d'euros à 7 milliards. Les effectifs ont augmenté de 30 % et 19 nouvelles agences ont été ouvertes. Le modèle économique de l'AFD a fait ses preuves : 700 millions d'euros de ressources budgétaires – à raison de 500 millions de bonifications de l'Etat et de 200 millions de subventions – permettent de réaliser 7 milliards d'euros de prêts, et près de 26 % du montant total de l'aide publique au développement. Cet effet multiplicateur de 10 est l'un des plus élevés parmi les bailleurs internationaux, bilatéraux comme multilatéraux.

Fort de ces succès, ce modèle doit être consolidé. S'agissant des modes d'intervention, plusieurs parlementaires s'étaient l'an dernier interrogés sur l'action de l'AFD en Chine. Aujourd'hui, à l'issue de nombreuses et laborieuses discussions avec les autorités chinoises, l'AFD est en mesure de poursuivre son action en Chine sans aucun coût pour l'Etat, dans le cadre d'un partenariat de développement.

De même, il avait été demandé à l'Agence d'accorder davantage d'importance à l'Afrique subsaharienne. Depuis trois ans, 2 milliards d'euros sont consacrés chaque année aux interventions dans cette région, principalement au Nigeria, au Ghana, en Ethiopie, au Kenya, en Afrique du Sud et à l'Île Maurice. La moindre présence de l'Afrique subsaharienne francophone dans ce dispositif s'explique par l'extrême difficulté d'accorder des prêts aux pays de cette région, qui bénéficient donc de la plus grande part des subventions du ministère des affaires étrangères et européennes.

Le document-cadre de stratégie et, bientôt, le contrat d'objectifs et de moyens de l'Agence ont redéfini les conditions géographiques et sectorielles des interventions et adopté un système à trois dimensions. La dimension géographique, tout d'abord, est organisée en trois grandes aires : l'Afrique subsaharienne, l'aire arabo-musulmane et, enfin, l'Amérique latine et l'Asie. Ensuite, les modes d'intervention consistent à concentrer les bonifications d'intérêts et subventions sur l'Afrique subsaharienne, à limiter les subventions dans l'aire arabo-musulmane et à n'en consacrer presque aucune à l'Amérique latine et à l'Asie. Enfin, en termes sectoriels, les prêts accordés en Afrique subsaharienne concernent principalement l'agriculture et les agro-industries, tandis que les subventions portent en priorité sur l'éducation et la santé. Dans le monde arabo-musulman, les secteurs prioritaires étaient la lutte contre le changement climatique et la maîtrise du développement urbain, mais l'évolution politique de la région incite désormais l'Agence à déployer des interventions à court terme concernant l'emploi, la formation professionnelle, le rééquilibrage territorial et le secteur financier.

La consolidation du modèle de l'AFD passe également par une réorganisation interne de l'établissement. En effet, les périodes de croissance rapide ne laissent pas toujours le temps d'ajuster les procédures – lesquelles changent forcément lorsque le niveau d'engagement passe de 1,5 à 7 milliards d'euros. En outre, l'AFD ne se contente pas d'accorder des financements comme le ferait une banque commerciale ; elle joue un rôle de co-maîtrise d'ouvrage, et accompagne les projets qu'elle finance pendant trois à cinq années. Dans ces conditions, l'Agence devait adapter son organisation à sa forte croissance. En 2010, nous avons donc procédé à 125 recrutements, soit une augmentation de 12 % des effectifs. Il était en effet nécessaire de stabiliser ces effectifs, car le recours aux personnels intérimaires et aux consultants était excessif. De même, la nouvelle direction exécutive des risques permettra de mieux superviser et anticiper les risques.

Ces mesures de recentrage géographique et sectoriel et de consolidation de l'établissement ont été prises dans un contexte difficile, où les ministères de tutelle exigeaient une meilleure maîtrise du budget. En effet, entre 2004 et 2010, les frais de fonctionnement ont augmenté de 12 % chaque année, soit une hausse de 74 % en six ans. Les autorités de tutelle ont demandé que cette augmentation soit ramenée à 1 % par an. En dépit des difficultés rencontrées, le pari est en passe d'être tenu avec deux arbitrages explicites et assumés : la production financière d'une part et, de l'autre, le recrutement et la consolidation du potentiel humain, qui est la principale richesse de l'AFD.

Les autorités de tutelle ont tenté d'assimiler l'Agence à un opérateur de l'Etat comme un autre ; ce n'est pas le cas. Bien au contraire, l'AFD fonctionne grâce à ses propres ressources et sans percevoir aucune subvention de fonctionnement. Elle distribue même des dividendes : 220 millions d'euros au 30 décembre 2010, et plus d'un milliard en six ans ! J'estime qu'il n'est pas pertinent de contraindre les frais de fonctionnement de l'Agence. Il aurait été préférable de lui imposer une logique de ratios, comme c'est le cas pour tout établissement de crédit, en liant les frais de fonctionnement à l'encours des crédits, au produit net bancaire ou au résultat net, par exemple.

Il a été convenu d'une solution médiane prévoyant le contrôle du volume des dépenses et celui de la création nette d'emplois. Ainsi, l'Agence a demandé l'autorisation de créer 60 emplois ; il lui a été accordé l'autorisation d'en créer 52 seulement. En tout état de cause, le dispositif actuel permettra à l'AFD de fonctionner de manière satisfaisante.

Cela étant, l'Agence connaît une insuffisance de fonds propres, non au regard du ratio de solvabilité, mais du fait des ratios de division des risques. Cette difficulté place nos interventions au Maroc, en Tunisie, en Afrique du Sud, au Vietnam et en Turquie sous la contrainte. Sans doute la réalisation des accords de Bâle III d'ici à 2013 nous donnera-t-elle quelque marge de manoeuvre, mais le problème demeurera en 2011 et en 2012.

En somme, l'Agence française de développement a beaucoup progressé, grâce à un modèle de développement judicieux qu'il nous appartient de consolider pour le rendre durable.

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