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Intervention de Jean-Marie Delarue

Réunion du 25 mai 2011 à 9h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Jean-Marie Delarue, contrôleur général des lieux de privation de libert :

L'habitude n'amoindrit pas mon plaisir de vous rendre compte, chaque année, du rapport que nous publions : j'attache, en effet, une grande importance à me présenter devant votre Commission pour que vous puissiez m'interroger et exercer votre contrôle. Le rapport ayant été remis au Président de la République, mais aussi au Parlement, il est naturel que nous engagions un dialogue vous permettant d'exprimer votre sentiment.

J'ajoute que nous travaillons encore plus étroitement avec l'Assemblée depuis qu'une administratrice de vos services a été nommée membre du contrôle général, le 1er janvier dernier, avec l'accord de votre Président et de la Questure, au moins pour cette année et, si possible, pour une durée plus longue.

L'article 6 de la loi du 30 octobre 2007 permet à toute personne physique et à certaines personnes morales de nous saisir. Nous avons ainsi reçu 3 276 lettres en 2010, soit 2,6 fois plus qu'en 2009. Cette correspondance donne lieu à enquête, autant que possible, car on ne peut pas nécessairement tout croire sur parole. Pour le bon ordre des établissements concernés, nous nous efforçons d'apporter des réponses rapides.

L'augmentation du nombre des saisines nous exposant à des difficultés matérielles considérables, nous devrons nous organiser différemment pour respecter notre délai moyen de réponse, qui était d'environ dix-huit jours en 2010. C'est pourquoi j'ai demandé au Gouvernement la création de trois chargés d'enquête dans le cadre de la loi de finances pour 2012.

Comme nous ne parvenons pas toujours à établir les faits par voie de correspondance, nous aimerions réaliser davantage d'enquêtes sur place. Nous en avons réalisé 9 en 2010, pour donner suite à certaines saisines, mais il faudrait que nous puissions multiplier le nombre de ces opérations à l'avenir.

J'en viens aux visites d'établissements effectuées en application de l'article 8 de la loi de 2007. Depuis le début de notre travail en 2008 jusqu'au 31 décembre dernier, nous avons réalisé 355 visites, et ce nombre devrait être porté à 424 au 31 mai prochain. Nous avons réalisé 140 visites en 2010, contre 163 en 2009, notre objectif étant d'environ 150 par an. Cette évolution à la baisse s'explique par deux raisons. La première est que nous avons visité une série de grands établissements en 2010 : nous avons commencé l'année en déployant 19 contrôleurs dans la maison d'arrêt de Fleury-Mérogis pendant quinze jours, puis nous avons envoyé 13 contrôleurs au centre pénitentiaire de Lille pendant huit jours. Le fait que nous soyons restés plus longtemps sur place contribue, par ailleurs, à réduire le nombre des visites : alors que nous passions environ quatre jours dans chaque prison en 2009, la moyenne s'est élevée à cinq jours en 2010 ; nous sommes restés, de même, trois jours en moyenne dans chaque établissement de santé visité en 2010, contre deux jours en 2009, visites de nuit comprises.

Nous poursuivons, en outre, l'effort de contre-visites engagé en 2009. Les médias ont accordé un certain intérêt à la contre-visite réalisée à la maison d'arrêt pour femmes de Versailles parce que nous avons relevé un certain nombre de faits incompatibles avec la discipline, mais je tiens à rappeler que nous avons aussi constaté un certain nombre d'améliorations de la situation. Nous avons ainsi trouvé des réfrigérateurs dans toutes les cellules, alors que les détenues s'étaient plaintes, lors de notre visite de 2008, de ne pas pouvoir conserver d'aliments.

Je précise que nous nous sommes efforcés de varier les établissements visités : au 31 décembre dernier, nous nous sommes rendus dans à peu près la moitié des établissements pénitentiaires, dans 93 % des centres de rétention, dans 37 % des centres éducatifs fermés et dans 15 % des locaux de garde à vue. Ces derniers sont les lieux de privation de liberté où nous nous sommes le plus fréquemment rendus, mais la proportion d'établissements visités reste assez faible en raison de leur nombre – il existe 3 500 brigades de gendarmerie.

Nous avons également veillé à varier les destinations géographiques en n'oubliant pas les collectivités d'outre-mer, que nous avons toutes visitées. Au 31 décembre dernier, seuls dix-sept départements n'avaient pas encore reçu de visite de nos contrôleurs.

L'article 10 de la loi de 2007 prévoit que le contrôleur général émet des avis et formule des recommandations. Chaque rapport d'établissement donne lieu à des recommandations que nous adressons au ministre concerné. Certaines d'entre elles sont rendues publiques lorsque la situation nous semble particulièrement grave, ou lorsque les faits constatés revêtent un certain caractère de généralité. Nos avis portent plutôt sur des questions de principe sur lesquelles nous souhaitons attirer l'attention de l'administration et lui fournir une sorte de vade-mecum.

En 2010, nous avons formulé des recommandations concernant la maison d'arrêt de Mulhouse, dont nous avons trouvé la situation très inquiétante, quatre brigades territoriales de gendarmerie – nous les avons traitées ensemble, car nous évitons de désigner tel acteur plutôt que tel autre, sauf quand la situation est particulièrement grave –, quatre centres éducatifs fermés et deux brigades de surveillance intérieure des douanes.

Nous avons, par ailleurs, publié un avis sur la protection des biens des détenus, ces biens ayant une fâcheuse tendance à disparaître au cours des transfèrements, et un autre sur la prise en charge des personnes transsexuelles en détention. Depuis la fin de l'année dernière, nous avons publié deux nouveaux avis, l'un concernant certaines modalités d'hospitalisation d'office, l'autre sur la pratique des cultes dans les lieux de privation de liberté.

J'ajoute que nous avons fait réaliser, à la demande d'une chaîne de télévision, un film documentaire sur notre travail. Il ne s'agissait pas de procéder à une autocélébration, mais de disposer d'images pour des raisons sur lesquelles je pourrai revenir si vous le souhaitez.

Je crois utile d'indiquer que le règlement de service du contrôle général figure, pour la première fois, dans notre rapport annuel – il est bon que chacun puisse savoir comment nous travaillons –, et que nous avons publié les principes déontologiques guidant notre action depuis le début. Tout cela doit être porté à la connaissance de tous.

J'en viens aux suites données à nos recommandations et à nos avis.

Les recommandations concernant des établissements en particulier sont généralement suivies d'effets, notamment sur le plan matériel, comme je l'indiquais tout à l'heure à propos de la maison d'arrêt de Versailles. Par ailleurs, lorsque nous trouvons des registres de garde à vue assez mal tenus, ce qui est malheureusement assez fréquent, des rappels très fermes des consignes suivent en général.

La situation est plus nuancée pour nos avis généraux. À la suite de notre avis sur la protection des biens des détenus, une note du directeur de l'administration pénitentiaire, en date du 22 décembre 2010, a posé le principe d'un inventaire contradictoire des biens des détenus lors de leur arrivée en détention, ce qui correspond à l'une de nos principales demandes.

S'agissant de notre avis relatif à la prise en charge des personnes transsexuelles en détention, le ministère a, certes, constitué un groupe de travail, mais ce dernier a cessé de se réunir à la fin de l'année dernière, alors que le problème est loin d'être réglé.

D'une façon générale, il me semble que les pouvoirs publics sont attentifs à notre action. Outre les contacts fréquents que nous avons avec les administrations concernées et les cabinets ministériels, nous constatons que le Parlement n'est pas insensible à nos travaux. J'ai ainsi cru comprendre que des amendements parlementaires déposés sur le projet de loi relatif à la garde à vue faisaient écho à certaines de nos préoccupations.

J'en viens aux principaux problèmes de fond que nous avons constatés.

Pour ce qui concerne les établissements recevant des mineurs, à savoir les quartiers pour mineurs des établissements pénitentiaires, les établissements pénitentiaires pour mineurs et les centres éducatifs fermés, nous sommes confrontés depuis longtemps à une population, en nombre relativement restreint, dont la vie a été complètement bouleversée pour diverses raisons. Devenus totalement réfractaires à la discipline collective, les mineurs concernés sont enclins à une violence quotidienne. Or, nous ne savons toujours pas comment nous occuper d'eux, y compris dans les établissements pour mineurs.

Je suis ainsi frappé de constater que ces mineurs passent souvent d'un établissement à un autre : ils séjournent dans un centre éducatif fermé, d'abord, pendant un an au maximum, puis dans un établissement pénitentiaire pour mineurs, pour une durée moyenne de trois mois, et ensuite dans un quartier pour mineurs d'un établissement pénitentiaire, à la suite de mauvais comportements. Or, il n'y a aucun lien entre ces différentes séquences : chacune d'entre elles a ses propres projets, ses propres objectifs, ses propres éducateurs et ses propres manières de faire. Comment les mineurs peuvent-ils s'y retrouver ?

Il n'y a, par exemple, aucune doctrine clairement établie sur la discipline qui doit régner. Nous avons constaté que la cigarette était théoriquement interdite dans plusieurs centres éducatifs fermés, mais parfaitement admise au quotidien, le fait d'être privé de cigarettes constituant en réalité une punition. Comment le mineur peut-il s'y retrouver, surtout quand il passe ensuite dans un établissement pour mineurs où il ne pourra plus fumer du tout, puis dans un quartier pour mineurs où il se livrera à des trafics avec les adultes pour se procurer des cigarettes ?

Nous devons désormais réfléchir aux coopérations entre les différents types d'établissements et aux liens de partenariat qu'ils doivent nouer pour que les mineurs comprennent ce qu'on entend faire d'eux. Nous sommes, pour le moment, très loin du compte : les directeurs des établissements ignorent tout de ce qu'il advient des mineurs dont ils ont eu la charge, et ils ne sentent absolument pas responsables de leur devenir. On a l'impression qu'ils sont placés ici ou là pendant une période de parenthèse dont personne ne sait à quoi elle doit conduire.

En ce qui concerne les établissements pénitentiaires en général, j'observe d'abord que, si des efforts considérables ont été réalisés – je sais que vous y êtes sensibles –, les problèmes de vétusté, d'insalubrité et, de nouveau, de surpopulation sont loin d'être résolus. Après avoir visité un centre de semi-liberté, nous avons ainsi adressé, en urgence, un courrier au chef d'établissement pour recommander la fermeture d'un dortoir dévoré par l'humidité.

Les problèmes sont d'autant moins réglés que, si l'État sait construire des bâtiments, il ne sait pas les entretenir. Les lieux de privation de liberté ont pourtant pour trait commun d'être soumis à de fortes dégradations – on « passe » son impatience, sa colère et son angoisse sur le matériel. Or, la maintenance technique est tout sauf bien organisée, et les crédits manquent cruellement. J'invite donc le Parlement à interroger l'exécutif sur cette question lors de l'examen des crédits de la justice. La maison d'arrêt de Fleury-Mérogis, qui est récente et dont l'architecture est, par ailleurs, tout à fait intéressante, est l'un des établissements les plus dégradés de France – certaines parties sont d'ailleurs en rénovation aujourd'hui. Et si l'établissement est dans cet état, c'est qu'il n'a jamais été entretenu.

Ma troisième observation sera relative à la multiplication des bases de données concernant la population carcérale, sujet sur lequel nous avons pris contact avec la Commission nationale de l'informatique et des libertés (CNIL).

Je suis inquiet de constater que la loi de 1978 sur la protection des données personnelles n'est pas appliquée : il faut rappeler à l'administration pénitentiaire qu'elle est tenue par cette loi, comme toute autre administration. Nous serons d'autant plus vigilants qu'il existe désormais une forte propension à suivre les parcours individuels d'exécution des peines, comme la loi pénitentiaire invite à le faire – on s'efforce donc de recueillir des données nominatives auxquelles la loi de 1978 doit naturellement s'appliquer.

Je reste, par ailleurs, inquiet de la façon dont certaines personnes incarcérées peuvent se défendre : les droits de la défense font partie des droits fondamentaux. La confidentialité des échanges avec les avocats et le respect du droit à un recours effectif sont encore loin d'être la norme. Par divers moyens, sur lesquels nous pourrons revenir, l'administration pénitentiaire ne facilite pas l'exercice des droits de la défense, car il n'existe par de pire détenu pour elle qu'une personne procédurière. Il faudra donc progresser sur ce point.

Quant à la construction de nouveaux établissements pénitentiaires, je mesure l'effort considérable réalisé par la nation, mais je persiste à dire que la taille de ces établissements n'est pas de nature à assurer le calme et à atteindre les objectifs fixés par la loi pénitentiaire en matière de détention. Même si les petits établissements souffrent de problèmes d'incommodité, ils bénéficient d'une spirale vertueuse : les détenus sont très facilement connus des surveillants et le dialogue est constant, ce qui permet de désamorcer les problèmes et les conflits. De ce fait, les mesures de contrainte peuvent être allégées, ce qui laisse plus de temps aux surveillants pour dialoguer, et ainsi de suite. C'est l'inverse qui se produit dans les grands établissements : le dialogue n'a plus lieu, les déplacements sont plus compliqués, chacun ignore l'autre et les conflits ne peuvent pas être désamorcés. Dans ce contexte, les tensions, les frustrations et l'agressivité croissent, de même que la violence. Il faut donc s'attendre à certaines déconvenues. Les proportions retenues dans le cadre du programme récemment annoncé par le garde des sceaux me paraissent un peu plus raisonnables, même si je ne suis pas entièrement satisfait.

En matière de garde à vue, je ne reviendrai pas sur la loi qui vient d'être votée : elle n'est pas intégralement entrée en application, même si ses premiers effets sont déjà perceptibles. Je rappellerai, en revanche, que la durée de la garde à vue est inutilement longue pour certaines personnes, en particulier dans le cadre des infractions routières. Quand on est mis en examen après six heures du soir, on passe généralement la nuit en garde à vue, car la brigade chargée de la répression des délits routiers ne fonctionne qu'en journée : il faut attendre le lendemain matin pour que le procès-verbal soit établi. Le fichier des permis de conduire, tenu par les préfectures, n'est pas non plus consultable avant neuf heures du matin, ce qui est une cause inutile de prolongation des gardes à vue.

J'observe, par ailleurs, qu'il est impossible de se laver quand on est en garde à vue dans notre pays. Les douches installées dans les commissariats au cours des dernières années servent en réalité de placards à balais, et l'accès aux lavabos reste difficile. En cas de comparution immédiate, on se présente donc devant le juge en étant mal fagoté et mal lavé.

L'accès aux médecins demeure, en outre, quelque peu problématique. Des circulaires contradictoires ont été récemment adoptées : le ministre de l'intérieur a d'abord demandé qu'on conduise le gardé à vue à l'hôpital le plus proche, puis le garde des sceaux a incité des équipes mobiles de médecins à se rendre dans les commissariats et les brigades de gendarmerie. Or il faudrait choisir. J'estime que la deuxième solution doit être privilégiée : en faisant venir le médecin, on évite des déplacements inutiles des personnes gardées à vue, en particulier dans des lieux publics, et on permet aux forces de l'ordre de réaliser des gains de temps considérables.

J'en viens aux dépôts et aux geôles des tribunaux : ce sont les pires locaux qu'il nous est donné de visiter. Ils sont en général dans un état déplorable et les besoins essentiels –alimentation, accès aux toilettes – ne sont que diversement assurés. On constate, en effet, des variations selon les personnes et les lieux. Alors que les « extraits » bénéficient d'un repas fourni par l'administration pénitentiaire, les « déférés », qui sortent d'un commissariat, ne peuvent pas s'alimenter.

La situation juridique a été partiellement réglée par une disposition de la loi du 9 mars 2004, dite « Perben II », du moins en ce qui concerne les personnes placées sous mandat de dépôt. Mais la situation des geôles, c'est-à-dire les cellules des tribunaux, ouvertes seulement le jour, n'est toutefois pas réglée. J'invite le Parlement à se saisir de la question, car nous sommes en totale infraction au regard des droits fondamentaux : aucune disposition législative ne permet aujourd'hui de justifier la retenue d'une personne contre son gré dans la geôle d'un tribunal entre la garde à vue et le moment de sa comparution immédiate.

Les centres et les locaux de rétention présentent quelques similitudes avec les geôles des tribunaux. En effet, les étrangers en situation irrégulière se voient souvent signifier la fin de leur garde à vue avant leur transfert dans un centre de rétention où la notification leur est faite de leur mise en rétention. Il conviendrait soit de signifier plus tard la fin de la garde à vue, soit de signifier plus tôt la mise en rétention ; on ne peut pas admettre, en tout cas, qu'une personne soit retenue contre son gré pendant plusieurs heures sans fondement législatif.

Par ailleurs, si les lieux de rétention ne sont pas des locaux pénitentiaires, la rétention s'apparente pour bien des fonctionnaires, en particulier dans la police, à une prolongation de la garde à vue, et l'on observe une multiplication de réglementations tatillonnes et inutiles : il faut parfois obtenir l'autorisation d'un gendarme ou d'un policier pour changer de chaîne de télévision.

Je suis, par ailleurs, très mal à l'aise à la pensée qu'un étranger puisse être obligé de passer par l'intermédiaire d'un fonctionnaire de police ou de gendarmerie pour déposer une demande de droit d'asile. Je rappelle que le Conseil constitutionnel, dans une décision rendue en 2007, a interdit aux forces de l'ordre d'accéder aux dossiers de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Je ne vois donc pas pourquoi un fonctionnaire de police ou de gendarmerie pourrait avoir accès aux dossiers de demande d'asile des personnes placées en centre de rétention : ces dossiers doivent passer entre les mains de tierces personnes.

S'agissant des établissements de santé, j'observe que la psychiatrie traverse de graves difficultés. Sans entrer dans le débat sur l'actuel projet de loi, je constate que les personnes hospitalisées d'office ou à la demande d'un tiers subissent de graves difficultés pour assurer leur défense. Leur accès au juge des libertés et de la détention est, en effet, illusoire : les personnes sont mal informées et ne disposent pas des moyens matériels nécessaires pour accéder au juge. Dans le film documentaire que j'évoquais tout à l'heure, un détenu demande ainsi comment il pourrait accéder au juge des libertés et de la détention si on ne lui fournit ni papier ni crayon. Les droits de la défense impliquent certains moyens matériels. Je suis chargé de veiller à ce qu'ils soient effectivement là.

On observe, par ailleurs, un mouvement général de fermeture des unités psychiatriques dans les centres spécialisés et les centres hospitaliers généraux. Je suis troublé de savoir que coexistent dans les unités fermées des personnes hospitalisées contre leur gré et d'autres qui sont venues de leur propre chef. Comment se fait-il que ces dernières se trouvent dans une unité fermée sans qu'aucune procédure ne le leur ait été signifiée ? Le mélange des genres est préoccupant. Ainsi, j'ai lu hier encore une note d'une unité de police demandant à un hôpital psychiatrique de signaler les fugues des personnes hospitalisées à la demande d'un tiers et des « personnes en placement libre ».

Au-delà de la situation de ces établissements de santé, la psychiatrie connaît de graves difficultés résultant sans doute de l'organisation du travail, mais aussi de problèmes d'effectifs que j'ai évoqués devant vous l'an dernier. Je suis obligé de revenir sur le sujet, craignant, en effet, que la loi en cours de débat ne soit grosse d'illusions. Les délais sont tels quand on demande aux psychiatres de prodiguer des soins aux personnes détenues ou d'établir des expertises que leur intervention arrive beaucoup trop tard. J'ignore si une grande loi de santé mentale est nécessaire, mais je demande aux pouvoirs publics de réfléchir sérieusement à un plan de développement de la psychiatrie publique, faute de quoi nous nous exposerons à de graves désillusions.

J'en terminerai par la question du secret et de la confidentialité dans les lieux de privation de liberté, et par celle du maintien des liens familiaux.

Tout ce qui concerne la personne n'a pas nécessairement vocation à être surveillé : il y a une part d'intimité, de secret et de confidentialité qui doit échapper au personnel des établissements. Or tout leur fonctionnement est organisé selon un principe contraire. Nous demandons que tout ce qui touche aux secrets protégés par la loi, à la vie intime et à la confidentialité soit respecté. Il y a notamment un problème quand les échanges avec les avocats peuvent être écoutés depuis un couloir adjacent. Nous demandons que, dans chaque lieu de privation de liberté, existe un endroit où la confidentialité puisse être assurée.

Pour ce qui est du maintien des liens familiaux, le rapport contient des propositions précises sur lesquelles je ne reviendrai pas. Je rappellerai simplement que la tendance naturelle d'un lieu de privation de liberté est de se replier sur lui-même et de ne pas apprécier les intrusions, telles que celles des familles. Tout est fait pour les dissuader. Or il faut habituer les lieux de privation de liberté à ces intrusions-là, car les liens avec les familles sont nécessaires. Les familles doivent, en particulier, être associées à ce que l'on fait des mineurs dans les centres éducatifs fermés. Elles sont trop souvent mal accueillies, humiliées, voire soupçonnées.

Pour conclure, je tiens à dire que je ne méconnais pas le chemin parcouru. Mais mon rôle est précisément de veiller au respect des droits fondamentaux, domaine dans lequel il reste encore à progresser.

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