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Intervention de Yves Albarello

Réunion du 18 mai 2011 à 9h30
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Albarello, rapporteur :

Je souhaite rappeler que notre commission a une grande part dans l'accord historique intervenu le 26 janvier dernier. En effet, lors de la réunion de la CMP consacrée au projet de loi relatif au Grand Paris, votre rapporteur a obtenu que l'on revienne sur une disposition que le Sénat avait introduite par amendement et qui visait à mettre un terme au débat public sur l'Arc Express. Une fois ce point de blocage levé, la négociation est redevenue possible et je n'ai pas manqué de le rappeler au ministre chargé du dossier.

Cette précision étant faite, je tiens à remercier le président Serge Grouard de m'avoir proposé d'être le rapporteur de ce texte court et technique mais indispensable, qui intervient un an après l'adoption de la loi sur le Grand Paris dont j'ai eu l'honneur d'être également le rapporteur. Les délais excessivement courts – j'ai été nommé la semaine dernière – dans lesquels nous nous sommes saisis de cette proposition de loi ne m'ont pas permis de travailler autrement que dans l'urgence. Je dois cependant préciser qu'en tant que co-rapporteur, avec Annick Lepetit – dont je salue au passage la forte implication et l'esprit très constructif –, de la mission d'information sur l'application de la loi relative au Grand Paris, nous avons été sensibilisés depuis longtemps à la problématique du « blocage » du SDRIF – schéma d'aménagement de l'Île-de-France. Nous avons d'ailleurs déjà auditionné tous les acteurs intéressés : le Gouvernement, le président du conseil régional, les présidents du conseil de surveillance et du directoire de la Société du Grand Paris – SGP –, la directrice générale du syndicat des transports d'Île-de-France – STIF –, le président de la RATP, etc.

À ce stade de nos débats, je souhaite répondre aussi clairement que possible à trois questions successives. Premièrement, pourquoi le SDRIF de 2008 est-il « bloqué » ? Deuxièmement, quelles sont les conséquences de cette situation ? Troisièmement, de quelles solutions disposons-nous pour que les collectivités franciliennes ne soient plus pénalisées dans la conduite de leurs projets d'aménagement ?

Permettez-moi d'insister au préalable sur le fait que ce dossier n'intéresse pas seulement les élus franciliens : avec un PIB de près de 550 milliards d'euros, l'Île-de-France est la première région d'Europe – même si des inégalités y existent – et elle procure près du tiers de la richesse nationale. Dès lors, tout ce qui entrave son développement économique est mauvais pour l'économie du pays, mauvais pour l'emploi et mauvais pour les Français. En tant que législateurs, notre devoir est de ne pas laisser perdurer des situations qui retardent, par blocage juridique ou administratif, la réalisation de projets porteurs d'avenir dont l'impact excède largement les limites de l'Île-de-France.

Première question : pourquoi le SDRIF de 2008 est-il bloqué ?

Alors que la révision du schéma directeur de 1994 était en voie de finalisation, le Président de la République a souhaité donner un nouvel élan au développement de la région capitale en créant un secrétariat d'État dédié et en lançant le processus parlementaire d'adoption de la loi relative au Grand Paris. Dans les faits, les deux démarches se sont donc télescopées.

L'adoption de la loi relative au Grand Paris, au début de l'été 2010, a fait bouger les lignes : il ne pouvait plus être question de valider un SDRIF n'intégrant pas le projet le plus important que l'on ait déployé pour l'aménagement de l'Île-de-France depuis le XIXe siècle, et qui vient opportunément compléter et amplifier les réformes lancées par le général de Gaulle et par Georges Pompidou dans les années 1960. Du point de vue de la maîtrise de la dépense publique, il aurait été irresponsable de laisser la Région et l'État développer des projets concurrents et pas forcément complémentaires. Il faut en effet savoir que l'engagement financier de l'État est de l'ordre de 20 milliards d'euros et celui de la région, au titre notamment de son plan de mobilisation pour les transports, d'une douzaine de milliards.

Depuis l'automne dernier, la situation est donc fortement déséquilibrée avec, d'une part, la loi relative au Grand Paris, définitivement adoptée et validée par le Conseil constitutionnel et qui trouve à s'appliquer selon le calendrier décidé par le Parlement –constitution de la Société du Grand Paris et de l'établissement de Paris-Saclay, lancement des débats publics, préparation de l'acte motivé sur le tracé des gares préparatoire au schéma d'ensemble sur le réseau de transport public du Grand Paris, etc. ; d'autre part, un SDRIF de 2008 dont l'existence juridique ne reste que virtuelle et sur lequel les collectivités franciliennes ne peuvent pas s'appuyer pour conduire leurs opérations d'aménagement, au motif, précisément, que le schéma directeur ne pouvait pas, pour des raisons évidentes de chronologie, se conformer à une loi qui n'existait pas encore au moment de son adoption.

Deuxième question : quelles sont les conséquences de cette situation ?

Elles sont paradoxales. En effet, ce n'est pas par manque de planification que certaines opérations d'aménagement se trouvent différées, mais à cause de la superposition de documents d'orientation dont la compatibilité n'est pas encore acquise juridiquement, alors même qu'elle le serait dans les faits.

Ainsi, une collectivité locale peut se voir interdire de modifier un document d'urbanisme tel que le schéma de cohérence territoriale – SCOT –, le plan local d'urbanisme –PLU – ou la carte communale au motif que son projet ne prend pas en compte la loi relative au Grand Paris, quand bien même ce projet serait compatible avec le SDRIF de 2008, lui-même non validé au plan juridique... Il est grand temps, on le voit, de débrouiller ce qui est en train de devenir un véritable imbroglio juridique !

D'autre part, plusieurs projets portés par les collectivités sont bloqués du fait du maintien en application, par voie de conséquence, du SDRIF de 1994 – évidemment obsolète – qui classe en espaces naturels inconstructibles des zones ouvertes à l'urbanisation dans le schéma directeur de 2008 et qui comporte des emprises foncières mises en réserve pour des projets routiers aujourd'hui abandonnés du fait du Grenelle de l'environnement.

Il était urgent de sortir de cette impasse qui n'est en rien liée à la qualité des projets présentés mais à un enchevêtrement de normes devenues manifestement contraire à l'intérêt général.

Au titre des projets retardés par cette situation, on peut citer, parmi bien d'autres, le projet Village nature en Seine-et-Marne, le développement d'une zone d'activité au niveau de l'échangeur de l'autoroute A11 de Boinville-le-Gaillard dans les Yvelines, le projet de gare de fret à proximité de la plateforme de Roissy dans le Val-d'Oise, ou encore l'aménagement du plateau de Vert-le-Grand dans l'Essonne.

Troisième question : quelles solutions proposons-nous pour que les collectivités franciliennes ne soient plus pénalisées ?

Découlant des deux débats publics simultanés sur les projets « Réseau de transport public du Grand Paris » et « Arc Express » – le second ayant été réintroduit à la demande expresse de notre commission lors de l'examen de la loi relative au Grand Paris –, un protocole d'accord a été conclu entre l'État et la région le 26 janvier dernier. Aux termes de ce protocole, une disposition législative devait intervenir pour surmonter la situation de blocage que je viens de décrire. Tel est l'objet de la présente proposition de loi, proposée à l'origine par Mme la sénatrice Nicole Bricq et adoptée à une quasi-unanimité par le Sénat il y a six semaines.

L'objet essentiel du texte est de permettre, à titre dérogatoire et pour une durée limitée, une application anticipée de celles des dispositions du SDRIF de 2008 qui ne sont pas contraires à la loi relative au Grand Paris, afin que puissent se réaliser les projets actuellement bloqués par le schéma directeur de 1994 mais compatibles avec le SDRIF de 2008.

En parallèle, la proposition de loi institue pour la révision du SDRIF une procédure dérogatoire mais adaptée à la situation présente : ouverte par le décret en Conseil d'État relatif au schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris – lequel est destiné à préciser le tracé des lignes et la localisation des gares et devrait intervenir dans les prochaines semaines –, elle sera close au plus tard le 31 décembre 2013.

Le texte qui nous est soumis comporte deux articles d'inégale importance.

L'article 1er, le plus important, se décompose en trois paragraphes. Le premier pose le principe selon lequel les révisions des documents d'urbanisme ne sont pas illégales du seul fait de leur incompatibilité avec le SDRIF de 1994, sous réserve de leur compatibilité avec celui de 2008 et avec la loi du 3 juin 2010 relative au Grand Paris. Il convient de noter que cette disposition ne vaut pas validation législative du SDRIF de 2008, possibilité que le Conseil d'État a explicitement écartée, notamment dans son avis du 27 octobre 2010.

Le paragraphe II tend à faire échec à toute tentative, de la part d'une collectivité, de faire obstacle à la mise en oeuvre des contrats de développement territorial – CDT –, lesquels constituent une pièce maîtresse de la loi relative au Grand Paris. Pilotés par le préfet de région, dix-sept CDT sont actuellement en cours de discussion et plusieurs devraient être conclus dans les tout prochains mois.

Le paragraphe III vise à relancer la procédure de révision du SDRIF « mise à l'arrêt » par l'avis du Conseil d'État. Il dispose en outre que la révision porte au moins sur la mise en oeuvre du décret relatif au schéma d'ensemble du réseau de transport public du Grand Paris et sur celle des contrats de développement territorial.

Votre rapporteur vous invite à adopter cet article dans le texte voté par le Sénat, car le dispositif proposé réalise un bon équilibre entre l'objectif consistant à donner de la souplesse aux collectivités territoriale dans la conduite de leurs projets et celui visant à encadrer la dérogation ainsi créée, tant dans le temps, en fixant son terme au 31 décembre 2013, que dans l'application des procédures, avec des mécanismes d'arbitrage appropriés confiés au président du conseil régional et au préfet de région.

Introduit par un amendement en séance publique au Sénat, l'article 2 tend à réparer un oubli de la loi Grenelle II afin de ne pas pénaliser les collectivités territoriales – d'Île-de-France et d'ailleurs – engagées dans la démarche de constitution d'une zone de protection du patrimoine architectural, urbain et paysager – ZPPAUP –, devenue aire de mise en valeur de l'architecture et du patrimoine – AVAP. Bien que cette disposition puisse apparaître comme un peu éloignée de l'objet principal de la présente proposition de loi, votre rapporteur vous propose d'adopter cet article en l'état, d'une part, pour ne pas retarder le processus législatif, d'autre part, parce que la réparation de cet oubli semble utile s'agissant d'un sujet qui n'a déjà suscité que trop de controverses.

Monsieur le président, mes chers collègues, nous avons le devoir d'accélérer le processus législatif qui permettra aux collectivités franciliennes de libérer leurs projets. Ces projets, souvent ambitieux, sont indispensables à leur développement, à leur rayonnement économique et culturel, à leur politique de l'emploi. Ils sont par conséquent essentiels pour l'ensemble de notre pays.

Nous n'avons pas le droit de rester prisonniers de cette situation, d'autant que la qualité des contributions respectives n'est nullement en cause : il ne s'agit pas de dire que la loi relative au Grand Paris est meilleure que le SDRIF ou d'attribuer à tel ou tel le mérite de porter la vision la plus ambitieuse pour le développement du territoire d'intérêt majeur que constitue l'Île-de-France.

C'est pourquoi je vous demande d'adopter cette proposition de loi dans le texte du Sénat, au terme d'un vote conforme, de manière à ce qu'il puisse trouver à s'appliquer dès le mois prochain.

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