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Intervention de Soumeylou Boubèye Maiga

Réunion du 11 mai 2011 à 10h30
Commission des affaires étrangères

Soumeylou Boubèye Maiga, ministre des affaires étrangères du Mali :

Les effectifs d'AQMI au Mali sont estimés entre 250 et 300 personnes. Je considère que les effectifs réels des combattants se situent plutôt autour de 100 auxquels il faut ajouter ceux qui vivent de l'activité d'AQMI. L'influence d'AQMI se mesure à l'aune des réseaux qui l'alimentent financièrement. Je crois pouvoir en déduire qu'AQMI est plus vulnérable qu'auparavant mais j'y reviendrai.

Sur notre rôle dans la crise ivoirienne, nous avons été attentifs et solidaires des décisions internationales. Je vous rappelle que nous comptons un million de ressortissants en Côte d'Ivoire. Par ailleurs, la situation dans le Nord du pays alimente les circuits économiques informels qui minent la stabilité régionale. Nous sommes satisfaits que la crise ait trouvé une issue mais regrettons ce gâchis qui aurait pu être évité. Nous considérons que s'il n'y a pas de réconciliation sans justice, la priorité doit être donnée au rétablissement de la paix civile. Il faut se prémunir contre le danger d'une justice unilatérale. Le Mali est le seul pays à avoir jugé son ancien président et ses collaborateurs sans heurts. Cela demande de la pédagogie afin que la justice n'apparaisse pas comme une instrument de vengeance. Il faut éviter de causer des blessures profondes.

Pour des raisons stratégiques, les Etats-Unis s'intéressent de longue date au Sahel. L'initiative transahélienne comme les dispositifs qu'ils y ont déployés sont antérieurs à l'apparition d'AQMI. La coopération porte principalement sur la formation ; les Etats-Unis contribuent ainsi à former des militaires dans le Nord du pays.

Le fichier électoral est en effet l'objet de défiance en raison de nombreux doublons qu'il contient et des possibilités de fraude offertes par la loi électorale. Dans un souci de transparence et d'acceptation des futurs résultats par tous, le gouvernement a mis en place un groupe d'experts indépendants chargé de réaliser un audit du fichier. Un recensement a été effectué pour permettre d'améliorer la fiabilité du fichier. Or les événements en Côte d'Ivoire ont empêché de poursuivre ce travail pour les ressortissants maliens qui résident sur le sol ivoirien. Cinq mois seraient aujourd'hui nécessaires pour mener à bien cette tâche ce que le calendrier électoral ne permet pas. Il ne restait alors que deux solutions : organiser les élections sans la participation des Maliens de Côte d'Ivoire - ce que tous les partis refusent - ou tenir les élections sur la base d'un fichier corrigé.

Il est certain qu'AQMI n'aurait pas pu s'implanter durablement sans la protection d'une partie de la population. Cependant AQMI paraît aujourd'hui plus vulnérable : la population semble s'en détacher progressivement pour revenir dans le giron de l'Etat car la présence d'AQMI a perturbé l'économie et la société locales. Les populations locales ont constaté que les bénéfices attendus du commerce avec AQMI ne concernaient finalement qu'une poignée d'entre eux. Le contrôle de ces populations est un enjeu pour AQMI comme pour l'Etat. La gouvernance de cette zone est déterminante pour la démocratie au Mali mais elle pose à l'Etat la question de l'attitude appropriée à adopter : chaque hypothèse – une présence trop appuyée ou une distance trop marquée – amène sont lot de problèmes. Dans cette perspective, il est indispensable de s'appuyer sur les élus locaux pour assurer la gestion de la région et y développer la puissance publique.

En 2025, le Sahel comptera 100 millions d'habitants dont près de 71 % ont moins de 25 ans. Au Mali, 48% de la population a moins de 18 ans – les aspirations de cette population jeune sans prise sur la vie démocratique pèsent néanmoins sur les politiques publiques. La donne démographique est un défi majeur qui oblige à prendre des mesures conséquentes pour éviter que celle-ci soit un facteur de déstabilisation.

La question migratoire est particulièrement aiguë avec le Nigeria que l'on peut considérer comme appartenant au Sahel. Nous devons traiter cette question avec l'appui de tous. Les phénomènes migratoires soulignent l'importance de nouer des partenariats mais aussi de favoriser le développement économique sans lequel tous les efforts en matière de sécurité demeureront vains.

Je n'oublie pas votre question initiale, M. le Président, sur l'accord de gestion des flux migratoires. Il s'agit d'une question fondamentale pour nos deux pays puisque l'immigration fait peser un risque de déstabilisation en raison de son importance grandissante. Les négociations progressent, nous espérons parvenir à des positions harmonisées.

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