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Intervention de Pierre-Georges Dachicourt

Réunion du 11 mai 2011 à 10h00
Commission des affaires économiques

Pierre-Georges Dachicourt, président du Comité national des pêches maritimes et des élevages marins, CNPMEM :

Je vous remercie, ainsi que Daniel Fasquelle, d'avoir pris l'initiative de cette audition : c'est la première fois que le président du Comité national est ainsi auditionné au Parlement. Je m'en réjouis d'autant plus que les élus « terriens » me paraissaient depuis longtemps ne s'intéresser que d'assez loin au secteur de la pêche. Les élus du littoral connaissent mes convictions et mon acharnement à me battre pour ce beau métier, que j'ai moi-même exercé pendant près de quarante ans, que je suis fier de représenter et dont le poids économique, même s'il est difficile à mesurer, est important – y compris outre-mer.

L'homme fait partie intégrante de la biodiversité ; les pêcheurs exploitent cette biodiversité et transforment leurs prises prioritairement en nourriture. Plus de trois milliards d'humains dépendent de la pêche pour 15% de leurs apports en protéines.

Je voudrais vous présenter la flotte française et ses emplois associés, ses métiers, sa production, enfin sa place dans l'Union européenne. Faute de moyens, les statistiques relatives à la pêche française portent toujours sur l'année n-3, ce qui est bien regrettable.

La flotte française comptait 7397 navires en 2008. Depuis lors, environ 300 ont fait l'objet de plans de sortie de flotte, avec l'aide de l'Union européenne et, surtout, de l'État français – ce qui représente une diminution de 4 %. Au cours des vingt dernières années, nos capacités nationales de pêche ont été réduites de 50 %. Nous avons cassé beaucoup de bateaux et laissé beaucoup de vieux bateaux à l'eau.

Quand on détaille l'évolution du nombre de navires en métropole, on constate que les bateaux de plus de 24 mètres ont été peu concernés par les sorties de flotte – bien que, à Boulogne, nous ayons perdu plus de 70 % de la pêche hauturière et que les 30 % restants soient désormais détenus par des capitaux étrangers, ce qui constitue un réel gâchis pour notre économie : même si ces bateaux restent là pendant quelques années encore, leur sort à terme ne fait guère de doute… Les bateaux de 12 à 24 mètres ont été davantage affectés : on en comptait environ 1500 en 1995, il n'y en a plus que 700. Quant aux bateaux de moins de 12 mètres, on en dénombrait 4800 en 1995, moins de 3800 en 2008 – et la baisse continue.

Les statistiques relatives aux emplois de marins pêcheurs ne portent que sur la France métropolitaine car outre-mer, la pêche est souvent associée à une autre activité professionnelle. La petite pêche, qui compte le plus grand nombre de navires, occupe plus de 8000 marins à temps plein ; la pêche côtière, qui se fait sur les bateaux de 12 à 24 mètres embarquant quatre à six personnes, représente environ 3700 ou 3800 emplois ; la pêche au large, qui se fait sur des bateaux de 24 à 54 mètres, un tout petit peu plus. Quant à la grande pêche, qui représente environ un millier d'emplois, elle est pratiquée par les bateaux tels que les thoniers océaniques, dont nous avons une superbe flotte qui produit une grande partie du thon consommé dans notre pays. Actuellement malmenée par la piraterie qui sévit dans l'Océan indien, elle se déploie aussi dans l'Atlantique sud.

La répartition des effectifs entre les régions montre bien sûr la prépondérance de la Bretagne. Le poids des régions Provence-Alpes-Côte d'Azur et Languedoc-Roussillon est assez important, avec la coexistence de très gros et de très petits bateaux.

J'en viens – deuxième point – aux métiers de la flotte française.

Les données relatives aux principaux engins utilisés par la flotte française, en métropole et hors Méditerranée, montrent l'importance du chalutage. Il est actuellement attaqué pour différentes raisons – équilibre écologique, émissions de carbone, consommation de carburants –, mais la France ne peut pas se passer de sa flotte chalutière, qu'il s'agisse des grands ou des petits navires. Il faut cependant lui apporter certaines améliorations, que nous allons nous attacher à réaliser au cours des années qui viennent. Pour le reste, le document que je vous ai fait distribuer distingue métiers de l'hameçon, fileyeurs, caseyeurs, senneurs, dragueurs, étant précisé que la polyvalence constitue l'une des caractéristiques de la pêche française.

Les petits bateaux représentent 75% du nombre de navires et 25% de l'approvisionnement national (hors outre-mer et Méditerranée). Les bateaux supérieurs à 12 m représentent quant à eux 25% de la flotte et 75% de la production : les proportions sont donc strictement inversées. Dans les petits bateaux, la qualité est primordiale.

Dans le détail des métiers par façade, nous avons mentionné la plongée sous-marine. Il existe en effet, en Bretagne nord, une dizaine de plongeurs, inscrits maritimes, qui pêchent les coquilles Saint-Jacques. Leur reconnaissance n'a été acquise qu'après bien des discussions, mais il me paraissait nécessaire de les inscrire dans l'économie littorale.

La carte des principales zones de pêche – établie à partir de la production par carré statistique – fait apparaître des zones de pêche très importantes à partir du nord-ouest de l'Ecosse, et surtout le long du littoral, en raison du grand nombre de petits bateaux. Cette pêcherie, qui contribue à l'aménagement du territoire, doit impérativement être préservée. La flottille de thoniers senneurs océaniques travaille surtout dans le sud de l'Atlantique, au large de pays que l'on peut dire « sensibles » ; des accords ont été conclus avec eux par l'Union européenne pour les pêcheries françaises. Dans l'Océan indien, les thoniers français sont principalement basés aux Seychelles ; leurs activités induites, notamment d'avitaillement et d'approvisionnement des hommes, ont une place importante dans l'économie de l'archipel.

Certaines espèces majeures se trouvent soumises à des quotas de captures. Mais dans la plupart des cas, nous sommes très loin de consommer nos quotas : nous laissons énormément de poissons à l'eau. Pourquoi ? Tout simplement parce que nous avons diminué nos capacités sans penser à renouveler nos outils. Sur les quotas alloués à la France, 40 000 tonnes restent inutilisées parce que nous n'avons plus les moyens techniques de les pêcher. Dans le cas de la lotte, nous laissons ainsi plusieurs milliers de tonnes à l'eau, et nous en importons près de 10 000 des États-Unis, du Chili et de Chine.

Nos professionnels eux-mêmes ont trop souvent dénigré le métier de marin pêcheur. En le décrivant comme un travail misérable, on a découragé toute une génération de le choisir. Je cherche aujourd'hui à faire passer le message contraire. Il n'y a pas de honte à dire que le salaire moyen d'un homme d'équipage, tous types de pêche confondus, atteignait en 2010, année de sortie de crise, 2500 euros nets mensuels, pour 200 jours de travail par an. Certes le métier est dur physiquement, certes les marins pêcheurs rencontrent des difficultés, mais ce ne sont pas des galériens ! Les jeunes qui entrent dans notre profession doivent par ailleurs savoir qu'ils devront vivre avec les nouvelles règles que nous sommes en train de mettre en place. Si j'avais aujourd'hui à choisir un métier, ce serait celui-là ! Pour ceux qui veulent bien y croire, il y a encore beaucoup de choses à entreprendre et d'argent à gagner.

Concernant la non-consommation de nos quotas, on peut citer l'exemple du lieu noir. Alors que notre quota est de 22 500 tonnes, la pêche française – qui hier encore était exclusivement boulonnaise mais qui est passée sous contrôle étranger – est de moins de 8 000 tonnes. Des capitaux islandais, néerlandais et britanniques ont racheté l'ensemble de la flotte, attirés par la disponibilité des quotas. J'espère que les bateaux resteront dans le port de Boulogne-sur-Mer.

J'en arrive aux données relatives à la production de la pêche française.

La production qui passe par les halles à marée – il en existe encore une quarantaine, mais j'espère que des regroupements vont s'opérer – représente 206 000 tonnes, sur un total de pêche française de 450 000 tonnes, la différence correspondant à la vente directe et aux produits congelés. Le chiffre d'affaires des halles à marée s'élève à 557 millions d'euros, tandis que celui généré globalement par la pêche française est de 1,6 milliard d'euros, algues comprises. Dans le classement des halles à marée, Boulogne-sur-Mer arrive en tête : c'est bien sûr le premier port de pêche français, et j'en suis très fier.

Dans le tableau des valeurs de vente des espèces déclarées en halles à marée, la baudroie et la sole arrivent en tête, suivies par le bar, espèce actuellement non soumise à quota. La coquille Saint-Jacques, non seulement de Bretagne mais aussi en provenance de la Manche Est et de l'Atlantique, progresse également.

Le bilan de l'approvisionnement français en produits de la mer fait apparaître que si notre production dépasse les 600 000 tonnes, nous importons plus de 1,8 million de tonnes. Nos exportations, principalement à destination de l'Italie, de l'Espagne et de la Grèce, représentent environ les deux tiers de notre production. Il n'est pas normal d'atteindre un tel niveau d'importations alors que nous n'utilisons pas tous nos quotas. L'approvisionnement français est constitué à 58 % de poissons de pêche, à 9 % de poissons d'élevage, à 15 % de coquillages et crustacés de pêche et à 18 % de coquillages et crustacés d'élevage. L'élevage n'est pas concurrent de la pêche et peut constituer un apport non négligeable : il me paraît très important de valoriser cette filière en France, plutôt que de laisser la place à d'autres.

Dernier élément : la place de la France dans l'Union européenne.

Pour la flotte de pêche, la France est à la cinquième place. La Grèce se trouve à la première car elle répertorie tous ses bateaux à partir de deux mètres. L'Italie, qui est à la deuxième place, appareille aussi beaucoup de petits navires. C'est moins vrai pour l'Espagne et le Portugal, qui occupent les quatrième et cinquième places. Nous n'avons donc pas à rougir, mais nous devons néanmoins progresser.

En termes de production, la France est à la quatrième place. Là encore, nous n'avons pas à en rougir.

Quand on réfléchit à l'avenir du secteur, il faut penser non pas seulement aux hommes qui partent pêcher en mer, mais aussi à toute l'économie liée à leur activité et à leur présence sur le littoral. Dans les débats que vous pourrez avoir, ne l'oubliez pas ! Il faut croire à la pêche française et arrêter l'hémorragie. Nous essayons aujourd'hui de mettre sur pied une filière s'inscrivant dans une démarche de développement durable et offrant toute leur place aux jeunes.

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