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Intervention de Gilles Carrez

Réunion du 11 mai 2011 à 9h30
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaGilles Carrez, rapporteur général :

Merci pour ce nouveau rapport extrêmement intéressant de la Cour des comptes, surtout à une époque où les sujets de finances publiques et de justice fiscale vont devenir omniprésents.

Le champ de votre étude est tellement vaste que je me focaliserai sur l'impôt sur le revenu. Néanmoins je fais observer que la redistribution ne peut se résumer à la fiscalité, et que, en France, elle s'effectue même essentiellement par les transferts sociaux. Or, dans votre rapport d'il y a deux mois sur la convergence franco-allemande, le poids de ces transferts apparaissait justement comme une des principales différences entre les deux systèmes – ce qui soulève la question du financement de notre protection sociale par l'emprunt, qui n'est pas soutenable.

Pour ce qui est de l'impôt sur le revenu donc, il y a plusieurs paradoxes. D'abord, son montant s'est affaibli : il ne représente plus que 6,4 % de l'ensemble de nos prélèvements obligatoires, contre 9 % en 1995. Et pourtant, contrairement à nos impôts locaux par exemple, sont assiette est dynamique ! Il faut vraiment y réfléchir. Par ailleurs, ce montant diminuant, il joue forcément un rôle de redistribution plus faible alors que sa concentration reste très élevée – les deux tiers sont acquittés par les 10 % de ménages aux revenus les plus importants.

La question de l'évolution des taux moyens est un autre phénomène à prendre sérieusement en compte. Au cours des dix ou quinze dernières années, les taux moyens ont eu tendance à décroître plus vite pour les revenus les plus hauts. Il y a trois grandes raisons à cela.

D'abord, les réformes de l'impôt sur le revenu – celle de 2000 certes, mais surtout celle de 2006. Cette dernière a réintégré l'abattement de 20 %, qui était plafonné, dans le barème, ce qui a conduit mécaniquement à son déplafonnement. À peu près un quart du coût de cette réforme a donc bénéficié aux revenus les plus élevés, et cela de façon délibérée – c'était parfaitement explicite dans mon rapport. C'était en effet l'époque où nous pensions avoir un problème d'attractivité, nombre d'études liant des départs au côté excessif de l'impôt sur le revenu. Depuis la crise, ces questions sont à nouveau ouvertes. On peut notamment se poser la question d'une tranche supplémentaire, peut-être dans la loi de finances pour 2012.

Deuxième raison à la baisse des taux moyens : la multiplication des niches fiscales, qui profitent principalement aux plus hauts revenus et ne consistent pas seulement en réductions, mais aussi en crédits d'impôt. Il faut être très vigilant sur ce point.

Enfin, troisième raison : plus le revenu s'élève, plus la proportion provenant non pas du travail, mais de capitaux mobiliers ou de plus-values augmente. Or, ces revenus font l'objet dorénavant d'un prélèvement forfaitaire libératoire, qui est passé de 16 à presque 20 %, plus, certes, les prélèvements sociaux. Bref, cette diminution des taux moyens doit appeler notre attention.

J'en viens à mes questions. D'abord, la Commission des finances a conduit à l'automne 2008 des réformes qui auront sans doute un effet significatif sur les plus hauts revenus : le plafonnement de toutes les niches fiscales, leur transformation systématique en réduction d'impôt, alors que la déduction d'assiette était d'autant plus avantageuse qu'on était au taux marginal, et un plafonnement global durci d'année en année – 18 000 euros plus 6 % du revenu aujourd'hui. La réforme, n'étant à juste titre pas rétroactive, n'a joué qu'à partir des revenus 2009. Il sera très intéressant d'analyser ses effets au fur et à mesure que nous disposerons de nouvelles données.

Ensuite, vous soulignez que CSG et impôt sur le revenu confondus pèsent en France deux à trois points de PIB de moins que dans la plupart des pays comparables. Mais pour ce qui est de l'ensemble des prélèvements obligatoires, nous sommes plutôt dans le peloton de tête ! Si l'on devait donc accentuer quelque peu les prélèvements sur le revenu, lesquels devrait-on diminuer en contrepartie ? Ce qui m'amène à la question de la fusion entre la CSG et l'impôt sur le revenu. Vous soulignez que la CSG est par certains aspects progressive, puisqu'elle est beaucoup plus élevée sur les revenus du capital que sur les revenus du travail, et moins élevée sur les retraites. Ne craignez-vous pas qu'avec une fusion – qui, au demeurant, risque de provoquer un transfert très important sur les classes moyennes –, la CSG ne soit contaminée par les inconvénients de l'impôt sur le revenu ?

Enfin, lorsqu'on voit la proportion des très hauts revenus qui est liée au capital, on ne peut que faire la relation avec l'excellente réforme de l'ISF qui va nous être présentée tout à l'heure. Cette réforme, par son caractère très équilibré, ne risque-t-elle pas de consolider l'ISF dans le paysage fiscal français ?

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