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Intervention de Dominique Perben

Réunion du 11 mai 2011 à 9h45
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaDominique Perben, candidat à la présidence de l'Agence de financement des infrastructures de transport de France, AFITF :

La présidence de l'AFITF est effectivement vacante depuis que Gérard Longuet a été nommé ministre de la défense.

Comme vous le savez, elle est normalement confiée à un parlementaire, ce que je suis depuis 1986. J'ai aussi été – ce qui est également important pour l'AFITF – élu local pendant longtemps : vingt ans maire de Chalon-sur-Saône et dix ans conseiller général de Saône-et-Loire puis, plus récemment, du Rhône.

Par ailleurs, j'ai eu la responsabilité du ministère des transports et ai connu l'AFITF entre 2005 et 2007, au début de son fonctionnement.

L'AFITF a un premier intérêt, qui a fait débat, comme l'a montré le rapport de la Cour des comptes sur le sujet : apporter un flux régulier de financement des grandes infrastructures. Elle a été créée à la suite du Comité interministériel d'aménagement et de développement du territoire (CIADT) de 2003 : Jean-Pierre Raffarin avait voulu à l'époque définir les grands chantiers futurs. On avait estimé qu'existait un certain retard dans le rythme de réalisation des grands investissements de transport, aussi bien routiers que ferroviaires ou fluviaux. Le gouvernement Raffarin a souhaité créer l'Agence pour que l'on sorte du principe de l'annualité budgétaire, qui est un drame pour ce type d'infrastructures, la réalisation d'une autoroute, d'une voie ferrée ou d'un canal exigeant du temps et une décision dans la durée. Il faut donc avoir une vision de moyen et long terme en la matière.

Après le CIADT de 2003, a eu lieu le débat – auquel votre commission a participé – sur le Grenelle de l'environnement, avec la nécessité de mettre en place les financements correspondants.

Depuis 2004, l'Agence a apporté 18,6 milliards en autorisations d'engagement et 11,5 milliards en crédits de paiement. Elle a donc joué son rôle. Cela a notamment été le cas en termes de report modal : alors que les ressources dont elle dispose, indépendamment des ressources budgétaires de l'État, sont routières, seulement 37 % de son budget bénéficie au secteur routier.

Plusieurs problématiques sont, à mes yeux, importantes pour l'avenir. J'ai lu le rapport critique de la Cour des comptes sur l'AFITF, lequel concluait à l'opportunité de sa suppression. Il résulte d'une vision très financière, qui considère, peut-être dans l'esprit de ce que l'on pense à Bercy, que tout ce qui introduit de la rigidité – nous dirions de la continuité – dans les financements publics est à combattre et qu'il faut respecter une annualité budgétaire stricte, de façon à ce qu'il n'y ait pas de contrainte vers la dépense.

Pour autant, les observations de la Cour méritent l'attention. L'inspecteur général Claude Gressier a par la suite rédigé un rapport faisant un certain nombre de propositions – en partie reprises par le ministre et M. Longuet – qui sont intéressantes et me permettent d'évoquer les problématiques futures.

D'abord, l'AFITF est un des rares lieux où un véritable échange est possible entre l'État et les collectivités territoriales, lesquelles jouent un rôle important dans la réalisation des grandes infrastructures de notre pays. Elle permet de nourrir un débat assez riche – et indispensable – sur des choses concrètes, des projets précis. Si je suis nommé, je souhaiterais réfléchir avec les autres membres du conseil d'administration, en particulier les autres membres élus, sur la manière dont l'AFITF pourrait accroître son action dans ce domaine, en particulier dans le dialogue avec les régions.

La deuxième problématique est celle des ressources. La situation de l'Agence a très vite évolué après sa création : lors de son discours d'investiture, le Premier ministre de l'époque, Dominique de Villepin, a annoncé devant le ministre de l'équipement et des transports que j'étais – un peu étonné, voire consterné – la privatisation des sociétés de gestion d'autoroute. Cette information importante n'a pas été stabilisante pour moi, qui venais d'être nommé seulement quelques heures auparavant : dans ce cas-là, soit on démissionne, soit on fait son travail. J'ai choisi de faire mon travail, notamment en « sauvant les meubles », en faisant le lobbying nécessaire pour que, sur le fruit de cette vente, nous récupérions 4 milliards d'euros. La situation en 2005 était très difficile pour le financement des grandes infrastructures – la plupart des grands chantiers ont été arrêtés pour des raisons financières : cet apport a permis de relancer beaucoup d'entre eux, ce qui a conduit à assurer une activité importante à ce secteur et à apporter des réponses importantes à nos concitoyens.

Cela étant, à partir de ce moment-là, on est passé à un système un peu hybride – qui n'était pas dans l'esprit de l'AFITF au départ –, dans lequel il était nécessaire –indépendamment des 4 milliards, qui n'ont pas permis de le faire vivre longtemps – d'avoir des dotations budgétaires. Mais nous nous orientons vers un système différent, puisque le principe de l'écotaxe a été acté et que, nonobstant les difficultés de nature juridique qui se posent et retardent le processus, à partir de la fin de 2013, nous devrions disposer d'une recette pérenne supplémentaire de l'ordre de 900 millions grâce à cette redevance sur les poids lourds. Cela devrait nous permettre d'avoir un système relativement durable de recettes.

Cependant, pour 2012 et 2013, nous devrions être confrontés à un « gap » financier, qui nécessitera des discussions avec le Gouvernement, lequel devra prendre ses responsabilités pour faire face à cette période difficile en termes d'équilibre financier – entre les besoins tels qu'ils résultent des opérations déjà engagées, ou de celles qu'il faut impérativement engager, et les recettes.

Troisième problématique, bien relevée en creux par la Cour des comptes et de manière positive par le rapport Gressier : ce que l'AFITF pourrait faire en matière d'évaluation. Je suis convaincu que celle-ci pourrait apporter davantage dans ce domaine. Il ne s'agit pas de lui faire jouer le rôle du Parlement ou du Gouvernement – à chacun sa mission –, mais, compte tenu de la composition de son conseil d'administration et de son rôle dans les conventions de financement des grandes opérations, elle devrait avoir une action plus importante dans l'évaluation qualitative des projets, en posant des questions après une réflexion et un travail préalables. Je ne pense pas que cela devrait pour autant la conduire à avoir un pouvoir de décision dans la hiérarchisation de ces projets – lequel appartient au Gouvernement et au Parlement –, mais une capacité de demander des expertises ou de solliciter éventuellement des experts extérieurs au système traditionnel.

Dans les dix ou quinze prochaines années, la puissance publique va être confrontée à un travail difficile en termes d'évaluation de la qualité des projets, de leur utilité et de leur indispensable hiérarchisation – ceux-ci étant nombreux –, pour que la dépense publique soit valorisée au mieux. Si je suis nommé, je souhaiterais rapidement parler de cette question avec les administrateurs.

Dernière problématique, dans laquelle l'AFITF pourrait également jouer un rôle plus important : la réflexion sur l'ingénierie financière. Si nous avons évolué depuis une dizaine d'années dans ce domaine, peut-être serait-il intéressant que l'AFITF aille un peu plus loin dans l'analyse de ce qui se fait dans d'autres pays – afin de voir comment on pourrait mobiliser davantage un certain nombre de moyens publics ou privés pour assurer le financement des énormes besoins que nous avons en matière d'équipements publics.

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