Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Jean-François Dhainaut

Réunion du 3 mai 2011 à 17h00
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Jean-François Dhainaut, président de l'Agence d'évaluation de la recherche et de l'enseignement supérieur, AERES :

Chacun est toujours un peu triste de quitter son enfant. Le travail de l'équipe de l'AERES a été excellent. Je suis très satisfait de ce qu'est devenue cette agence, que j'ai portée sur les fonts baptismaux, et sans inquiétude sur son avenir et le travail que pourra conduire mon successeur. Aujourd'hui, l'évaluation est passée dans les moeurs. Plus personne n'en a peur. Chacun a compris que les recommandations d'experts extérieurs qu'elle permet – l'Agence a même eu recours à hauteur de 20 % à des experts étrangers – constituent la meilleure voie de progrès, dans les domaines de la recherche comme de la pédagogie. Mon expérience à la tête de l'Agence me sera également utile dans la suite de mon cursus.

Les débuts de l'Agence ont été très difficiles. Nous avons dû affronter des oppositions très fortes à la montée en puissance de l'évaluation. L'action des deux parlementaires membres du conseil d'administration de l'Agence a été remarquable. Je compte donc aussi beaucoup sur vous, et notamment sur l'OPECST, pour conforter les décisions que l'organisme que je vais présider, si je suis nommé, devra prendre.

Je ne suis pas un spécialiste des OGM. Lorsque la présidence du HCB, que je connaissais alors mal, m'a été proposée, je me suis renseigné sur son rôle et son fonctionnement auprès de sa présidente, Mme Catherine Bréchignac, ainsi que de M. Jean-Christophe Pagès, président du comité scientifique, et de Mme Christine Noiville, présidente du comité économique, éthique et social. Le travail qu'ils ont réalisé, dans des conditions extrêmement difficiles, m'a fortement impressionné. Le poursuivre m'apparaît très intéressant.

J'ai déjà connu une expérience assez voisine dans ma vie professionnelle, avec la mise en place dans la recherche clinique du comité de protection des personnes. Nos débats ont été, pour le moins, extrêmement animés ! Pour autant, cette réflexion sociétale a considérablement amélioré non seulement la protection des personnes mais aussi la qualité du travail. J'en conclus que si, sur des sujets brûlants, la réflexion sociétale est toujours difficile, elle est aussi toujours extrêmement utile.

Présider le HCB me semble donc s'inscrire dans la suite de mon cursus. Par ailleurs, l'expérience emmagasinée à la fin d'une carrière me paraît utile pour aider à traiter de sujets de société.

Les éléments de mon curriculum vitae qui me semblent militer le plus en faveur de mon accès à cette présidence sont pour moi l'envie de faire passer des messages et des convictions auprès de la société, de convaincre les gens, et de faire mûrir les éléments dégagés par la réflexion.

Suis-je « orphelin » ? Lorsque j'ai pris la présidence de l'AERES, j'ai abandonné toute activité hospitalo-universitaire pour me consacrer à sa mise en place. Il n'y a pas eu d'arrachement. Mon cursus vous l'indique, le détachement a été progressif ; j'ai dirigé le comité médical consultatif de l'hôpital ; j'ai ensuite été doyen, puis président d'université. Il est vrai que j'ai gardé une petite activité hospitalière le vendredi et le samedi. Mes nouvelles activités, si je suis nommé, s'inscriront dans la suite de mon cursus. Je ne me sens donc pas orphelin ; j'ai vraiment le souhait d'appuyer les présidents des deux comités du HCB, dont le travail est remarquable et qui croient en leur action.

Si le traitement des questions de bioéthique dans le traitement des dérivés du sang rappelle aussi des souvenirs douloureux, il a constitué une avancée considérable pour la sécurité. La législation sur la bioéthique ne peut que continuer à évoluer. Le droit dans ce domaine ne sera jamais figé : non seulement les données scientifiques changent sans cesse, mais la réflexion sociétale se modifie en même temps qu'elles. Pour moi, l'évolution de cette législation se fait dans le bon sens.

Monsieur Tourtelier, votre question sur les relations entre expertise et société civile, notamment au regard du principe de précaution, est très difficile. Faut-il que le comité économique, éthique et social, se dote d'une expertise socio-économique ? Certes, aujourd'hui, dans ce domaine, il existe de vrais experts compétents. Cependant, mélanger réflexion sociétale et expertise socio-économique ou de sciences humaines est non seulement très difficile, mais sans doute non souhaitable. L'évolution du fonctionnement des comités ne peut se fonder que sur des arguments forts.

Pour moi, en revanche, l'institution de groupes de travail permettrait sans doute de compléter l'expertise du comité scientifique tout en éclairant le comité économique, éthique et social. Les types de cultures, avec ou sans OGM, devraient pouvoir être comparés d'un point de vue socio-économique. Lorsque, à l'AERES, j'ai évalué l'Institut national de la recherche agronomique (INRA) et le Centre de coopération internationale en recherche agronomique pour le développement (Cirad), j'ai pu constater que l'expertise existait.

Si les résultats de ces groupes de travail sont vraiment intéressants, nous devrons réfléchir à modifier l'organisation des conseils. Mais il nous faut d'abord disposer de retours d'expérience.

L'affaire des cultures OGM de l'INRA a été un tsunami pour le HCB. Alors que la situation semblait étale, tout a basculé. Mme Christine Noiville a réussi à remonter la pente. Je déduis de cette expérience que la seule méthode pour y arriver est de convaincre, et pour cela d'informer sans relâche et d'être extrêmement transparent. Il faut communiquer sur le travail réalisé ! Le site internet du HCB est à des années-lumière de celui de l'AERES ! Un travail très intéressant a été réalisé sur les cultures alternatives. Mais comme il n'est relaté que sur de petits cahiers, et qu'il n'en est pas rendu compte sur le site, personne n'en connaît rien ! Communiquer sur les OGM n'est pas plus compliqué que sur le médicament. Ce que nous découvrons avec l'affaire du Médiator, c'est finalement l'apparition d'effets adverses à long terme qui ne sont que l'accélération de processus physiologiques normaux ; or, de tels processus ne sont pas si faciles à découvrir ! Pour accéder à une certaine forme d'acceptabilité, il faut d'abord des études.

Le rôle du comité économique, éthique et social, c'est de développer une réflexion qui conduise à des études. Dans la réflexion éthique que nous avons menée sur la recherche clinique, des interlocuteurs nous ont demandé quels éléments nous permettaient d'être sûrs de ce que nous avancions. C'est dans cette direction qu'il faut progresser. Trouver un consensus entre les deux comités – au passage sans doute impossible – n'est pas le sujet.

La réflexion du comité scientifique doit absolument s'efforcer d'être à la pointe de la science et de fournir des avis scientifiques. Le travail du comité économique, éthique et social est en revanche plus un travail de réflexion tous azimuts, de critique, de questionnement du comité scientifique, à qui il revient de répondre, où d'admettre qu'il ne le peut pas ! C'est vers ce mode de fonctionnement que nous nous acheminons. La fonction sans doute la plus essentielle du président, c'est la mise en oeuvre de modalités de travail en commun entre les deux comités, non pas forcément en les regroupant – ils se réunissent ensemble quatre fois par an environ – mais d'abord en constituant des groupes de travail mixtes, capables chacun d'élaborer une réflexion commune.

Pour moi – même si ce n'est pas le point que je maîtrise le mieux – l'interprétation de la Charte de l'environnement, et notamment de son article 5 au regard des OGM, se relie à la réflexion globale sur les conséquences d'un certain nombre de biotechnologies. À ce propos, pourquoi, alors que nous voyons apparaître une toxicologie des nanotechnologies appliquées aux sciences du vivant, lesdites nanotechnologies ne sont-elles jamais évoquées ? Je le demanderai volontiers aux ministres ; cette question, qui se concrétise progressivement, s'inscrit parfaitement dans les compétences du Haut Comité.

Le HCB doit bien sûr travailler avec les agences européennes chargées des mêmes questions. En revanche, même si c'est toujours une chance, trouver un consensus global est à la fois extrêmement difficile et relativement secondaire. Ce qui est enrichissant, ma carrière me l'a prouvé, ce sont les expériences qu'ont vécues les autres et que nous n'avons pas connues, leurs idées, et enfin les solutions qu'ils ont trouvées et auxquelles nous n'avions pas pensé. C'est pour cette raison que le HCB doit travailler avec les autres agences.

L'EFSA a été beaucoup critiquée. Je veillerai à ce que le HCB soit irréprochable en matière de conflits d'intérêts. Le travail d'une agence qui ne le serait pas ne peut plus convaincre, et perd donc tout intérêt. Mais être irréprochable n'est pas si facile. L'AERES a conduit en quatre ans 10 000 évaluations. Des conflits d'intérêts ont été soulevés pour 33 d'entre elles, sur lesquelles 3 ont dû être reprises. Pourtant, nous avons été très prudents et transparents !

L'acceptabilité par les citoyens est essentielle. L'Agence va être saisie de nombreux dossiers. Ses recommandations vont devoir convaincre. Or, la portée de certaines des preuves scientifiques dont nous disposons peut être assez faible. Nous ne sommes donc pas devant une tâche facile. Il reste que les avis de nos experts devront être confortés par des argumentations aussi solides que possible. Il faut absolument écarter les arguments d'autorité. Un avis solidement argumenté est beaucoup mieux compris. Il nous faudra montrer ce que nous savons, et ce que nous ne savons pas. Travailler en ce sens fait partie des missions du HCB.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion