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Intervention de Aurélie Filippetti

Réunion du 3 mai 2011 à 21h30
Équilibre des finances publiques — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAurélie Filippetti :

Usbek pourrait demander à Rica :

- Cette majorité est donc bien sage : elle veut définir un cadre pour son action à venir et poser de grands principes avant de les appliquer.

- C'est étonnant, cher Usbek, mais cette majorité n'est pas au début de son mandat. Elle est quasiment à la fin et il ne lui reste qu'un an.

- Tiens ! Elle veut donc laisser en héritage des principes qui ont guidé et permis le succès de son action en matière de gestion des finances publiques ?

- Eh bien, non car, malheureusement, le déficit, cette année, atteint 7 % du PIB et il a même doublé depuis dix ans, passant de 900 milliards à 1 800 milliards d'euros. Ce n'est pas rien !

- Mais n'y avait-il jamais eu de règles, dans cet hémicycle ?

- Bien sûr, il y en avait eu !

- Avaient-elles été respectées ?

- Que nenni, cher Usbek. Il y avait une règle, par exemple, pour la CADES. Elle a été violée par cette majorité elle-même. Il y avait des provisions pour les générations futures, avec le fonds de réserve des retraites. Ces provisions ont été siphonnées lors de la réforme des retraites.

- Bon, peut-être le Parlement veut-il empêcher le Gouvernement de faire des bêtises ?

- Eh bien, je suis embêté de te dire, cher Usbek, que là, c'est le Parlement qui se coupe lui-même les ailes, puisqu'il va s'empêcher, désormais, d'introduire des mesures fiscales en dehors des lois de finances et de financement de la sécurité sociale.

- Ce Parlement était-il donc à ce point dépensier ?

- Pas du tout. L'examen des différents projets de loi récemment adoptés montre que c'est plutôt le Gouvernement qui était impécunieux. La plupart des niches qui ont été introduites l'ont été par ce gouvernement lui-même.

- Mais, j'y pense, pourquoi ne pas appliquer, tout simplement, ce qu'on proclame aujourd'hui à grands cris, au lieu de proclamer des règles que l'on n'a pas appliquées, ce qui ne fait que mieux montrer combien, jusqu'ici, elles ont été violées ?

- Eh bien, il y a, effectivement, les agences de notation, les marchés, et la crainte de perdre cette note, le triple A.

- Les marchés sont-ils à ce point bêtes qu'ils n'étudient pas les chiffres eux-mêmes, les résultats du pays en question – le chômage, les perspectives de croissance, le commerce extérieur – pour les comparer avec ceux des pays voisins et néanmoins amis, par exemple outre-Rhin, et avec la manière dont ils ont géré la crise ?

- Bien sûr, mais le Gouvernement nous dit que la crise a été exceptionnelle, et qu'il a donc tiré des leçons exceptionnelles de cette situation exceptionnelle.

- Cher Rica, je ne comprends pas. Je pensais que, précisément, en cas de circonstances exceptionnelles, il fallait pouvoir adopter une politique économique et budgétaire ad hoc, adaptée à ces circonstances, qui ne saurait donc être définie a priori, de toute éternité, et gravée dans le marbre constitutionnel.

- Peut-être as-tu raison. C'est ce qu'on appelle, dans une langue d'outre-Manche, le fine tuning économique.

- Et quand cette réforme s'appliquera-t-elle ? Immédiatement ?

- Non, mon cher Usbek. Elle s'appliquera en 2013.

- Excuse-moi, je n'ai pas compris. Il me semblait que, dans ce pays, il y avait des élections importantes en 2012, avec la possibilité, peut-être, d'une nouvelle majorité. En tout cas, il y aura un nouveau gouvernement. Ce texte s'appliquera donc pour une majorité à venir ? Et quand sera-t-il adopté ?

- Jamais !

- Comment cela, jamais ?

- Mais oui : pour une réforme constitutionnelle, il faut un calendrier particulier. Un vote du Congrès est nécessaire, à une majorité de 60 %. Avant la présidentielle de 2012, cela semble extrêmement compliqué, voire impossible, d'autant qu'aucun calendrier précis n'a été présenté jusque-là.

- Décidément, je ne comprends toujours pas. Il s'agit d'un texte majeur, définissant des principes pérennes, avec une procédure ad hoc nécessitant une réforme constitutionnelle, entraînant rien de moins qu'un dépouillement du Parlement lui-même. Au fait, tout cela pour quoi, mon cher Rica ?

- Eh bien, en fait, il s'agit tout simplement de tenter de piéger l'opposition. On ne savait plus trop quoi faire pour l'empêcher de mener une campagne contre la politique de ce gouvernement. On veut donc l'obliger, soit à voter pour, et alors on obtient quitus de l'ensemble de la politique économique qui a été menée depuis l'élection du Président de la République ; soit à voter contre, ce qu'elle va faire, et alors on pourra lui répéter pendant toute la campagne à venir qu'elle a refusé d'encadrer les déficits.

- Cette opposition était sans doute bien impécunieuse, au temps qu'elle était au pouvoir.

- Eh bien, d'après les grands économistes, pas vraiment. La dernière fois qu'elle fut au gouvernement, elle a plutôt bien géré les déficits, en les amenant sous les 2 %, donc bien loin des 3 % réglementaires.

- Cher Rica, décidément, je ne comprendrai jamais rien aux moeurs de ce pays, ni de ce Parlement, si ce n'est qu'il est bien triste qu'une enceinte aussi sérieuse soit occupée, ce soir, à des débats aussi inutiles. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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