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Intervention de Olivier Dussopt

Réunion du 3 mai 2011 à 21h30
Équilibre des finances publiques — Reprise de la discussion

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaOlivier Dussopt :

Nous sommes un certain nombre à répéter les mêmes arguments. Le texte que vous défendez aujourd'hui est bien différent de celui qui était annoncé initialement. Beaucoup de nos collègues, y compris ceux du Nouveau Centre, ont évoqué la règle d'or budgétaire. En réalité, nous en sommes loin et le texte se contente – mais c'est déjà beaucoup et grave – de proposer des lois-cadres pluriannuelles, la transmission au Parlement du programme de stabilité, et initialement un monopole des lois de finances et des lois de financement de la sécurité sociale en matière de prélèvements obligatoires supprimé par la commission des lois. Il propose aussi de donner une valeur constitutionnelle ou, à tout le moins, supra-législative, à des orientations politiques, ce que nous combattons.

Rétablir les comptes publics et lutter contre les déficits est avant tout affaire de volonté, pas de texte. Il y a même une certaine indécence à proposer un texte prétendument rigoureux quand, dans la pratique, vos gouvernements successifs se sont révélés incapables d'assurer le respect de règles déjà existantes, tel le critère européen des 3 % du PIB pour le déficit public ou de 60 % pour la dette. Ce n'est pas en votant un texte, aussi dur soit-il, que la majorité parviendra à dissimuler son inefficacité dans la gestion des comptes publics depuis dix ans : en dépit d'une croissance supérieure à 2 % par an entre 2004 et 2007 et de taux d'intérêt faibles, vous n'avez pas su contenir l'endettement, bien au contraire, puisque la dette est passée de 58,8 % du PIB en 2002 à plus de 80 % aujourd'hui.

C'est la faute à la crise, nous dit-on. Pourtant, selon la Cour des comptes, seulement un tiers du déficit lui est imputable, les deux tiers restants étant dus aux mesures structurelles, notamment fiscales, prises par la majorité. Les rapports établis par le rapporteur général montrent que, depuis dix ans, l'ensemble des recettes a été réduit de 120 à 130 milliards d'euros, ce qui correspond à six points de PIB, soit quasiment le montant du déficit. Encore faudrait-il ajouter le coût de la réforme de la taxe professionnelle, qui n'avait pas été intégré. Avec des dépenses en augmentation et des recettes en diminution, le résultat est simple : c'est l'aggravation du déficit et l'explosion de la dette.

Plutôt que de faire un texte d'affichage, pourquoi ne pas suivre un rapport de l'OCDE qui proposait de rechercher de nouvelles recettes par des mesures fiscales non pénalisantes pour la croissance ? Là encore, vos récentes annonces, notamment en matière de fiscalité du patrimoine, ne nous paraissent pas aller dans le bon sens.

D'autres pistes peuvent être explorées, notamment la « niche Copé » dont le coût net a été estimé à 12 milliards d'euros entre 2007 et 2009. Au titre des cessions de participations, elle a concerné un peu plus de 6 500 entreprises, mais 44 % de ce coût ont bénéficié aux dix plus grosses entreprises du CAC 40. Je ne suis pas certain qu'il était opportun de baisser les droits et la fiscalité sur ces participations.

J'en viens aux trois raisons pour lesquelles il nous paraît inacceptable de figer des orientations politiques.

D'abord, il faut nous souvenir que nos concitoyens ont voté contre le traité constitutionnel en 2005, car ils reprochaient à la seconde partie de ce texte de donner une valeur constitutionnelle à des orientations politiques contenues dans d'autres traités qui, eux, n'avaient pas de valeur constitutionnelle. En présentant votre texte, vous commettez la même erreur, d'autant que les articles 5 et 6 prévoient que, même si les lois-cadres seront révisables, aucune loi de finances, loi de finances rectificative ou loi de financement de la sécurité sociale ne pourra être adoptée en étant contraire aux premières ou en l'absence d'adoption de celles-ci. Ce sera un véritable frein à la réactivité et à l'adaptation des politiques au contexte économique.

Ensuite, le texte prévoit que le Conseil constitutionnel sera chargé de vérifier l'adéquation entre les lois de finances et les lois-cadres. Cela nous paraît à la fois illégitime et absurde. Quelle serait la légitimité des membres du Conseil constitutionnel à exercer ce contrôle ? Cela interroge, à terme, sur leur mode de désignation.

Pour conclure, je rappellerai les mots prononcés par Jérôme Cahuzac en introduction du débat : de deux choses l'une, soit le texte est vraiment urgent et le Gouvernement doit le rendre applicable dès cette année, soit il ne l'est pas et, quitte à faire une loi pour 2013, autant laisser se dérouler en 2012 le débat démocratique à l'issue duquel, chacun ayant exposé son opinion sur la réduction des déficits et de la dette, les Français choisiront.

Que celles et ceux qui, dans la majorité, voient ce texte comme un moyen de verrouiller et d'empêcher la mise en oeuvre tout à fait libre d'une autre politique après 2012 soient rassurés : seul le gouvernement Jospin est parvenu à faire passer les déficits publics sous la barre des 3 % et la dette sous les 60 %.

Monsieur le ministre, monsieur le rapporteur, si crise de confiance il y a, c'est la situation financière actuelle de notre pays qui a altéré notre crédibilité aux yeux de nos partenaires européens et des marchés. Le seul vrai levier d'une confiance nouvelle serait un changement radical de la politique mise en place. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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