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Intervention de Yves Bur

Réunion du 3 mai 2011 à 15h00
Équilibre des finances publiques — Discussion d'un projet de loi constitutionnelle

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYves Bur, rapporteur de la commission des affaires sociales, saisie pour avis :

Si la crise économique explique une large part de la dégradation la plus récente, l'essentiel du déséquilibre de nos finances publiques s'avère structurel. Il est vrai que notre culture du déficit a tout des effets d'une drogue douce : après l'accoutumance et le confort illusoire, le retour à la réalité peut être brutal.

Aussi, il n'est même plus temps de réfléchir, il faut agir. En effet, en plus de la dette publique supérieure à 1 615 milliards d'euros, la dette sociale alourdit la charge à hauteur de 265 milliards d'euros, dont le remboursement pèsera sur la quasi-totalité des revenus jusqu'en 2025, alors qu'il ne s'agit que de dépenses courantes.

De plus, avec 24 milliards d'euros en 2010, encore 20 milliards d'euros en 2011, on arrive, fin 2014, à 125 milliards d'euros de déficits cumulés, tous régimes confondus et FSV inclus. La reprise d'une partie de ces sommes a déjà été autorisée, notamment dans le cadre de la réforme des retraites, mais il restera encore au moins 40 milliards d'euros, au titre de la maladie et de la famille, qui devront aussi être recyclés dans la CADES, dans le respect, je l'espère, des dispositions de la loi de financement de la sécurité sociale votée en 2005.

Même si nous pouvons avoir le sentiment que notre pays est en train de sortir du coeur de la crise avec les bons chiffres du chômage et de l'emploi, nous ne pouvons ignorer le constat émis par Jean-Philippe Cotis et Paul Champsaur : « Il ne faut pas attendre du seul retour de la croissance la restauration de nos finances publiques ! »

La vérité est que nous n'avons jamais su, en trente ans, nous attaquer aux causes du déficit structurel, que la Cour des comptes dénonce régulièrement. Le moment est donc venu de nous donner des règles plus contraignantes puisque la vertu budgétaire ne s'impose pas d'elle-même et que le devoir moral que nous devrions observer vis-à-vis de nos enfants et des générations futures ne suffit pas à freiner notre goût de la dépense publique.

En cela, nous ne serons guère innovants puisque nombreux sont les pays qui se sont dotés d'un tel encadrement. Le Fonds monétaire international a ainsi dénombré quatre-vingts États dotés de règles budgétaires nationales ou supranationales, contre seulement sept en 1990.

Si la mise en place d'un encadrement de niveau constitutionnel paraît s'imposer in fine aujourd'hui, c'est aussi parce que la France semble incapable de maintenir des efforts budgétaires sur le long terme, contrairement à d'autres pays qui, de manière plus consensuelle peut-être, en appellent à l'intérêt général.

Ce projet de loi constitutionnelle relatif à l'équilibre des finances publiques constitue à mes yeux une démarche d'intérêt général, au service des Français et des générations futures. Laisser filer la dette aurait des conséquences majeures sur le bien-être des Français, sur notre capacité d'investissement et sur notre système social. La meilleure façon de préserver cette précieuse solidarité, c'est de nous imposer un effort de rigueur financière.

Ce projet de loi constitutionnelle nous donne les moyens d'échapper à la facilité et de nous inscrire, de manière durable, dans une démarche vertueuse. J'ai la faiblesse de penser que la seule véritable innovation sociale pour inscrire notre protection sociale dans une perspective durable, c'est de nous imposer l'équilibre des finances sociales.

Parce qu'elles ne sont que des dépenses courantes du quotidien, l'équilibre devrait s'imposer à nous. Avant la crise, cet équilibre nous semblait à portée de main. Depuis, il a fallu engager avec courage l'indispensable réforme pour assurer le financement des retraites. Il nous faut poursuivre avec les branches maladie et famille, qui constitueront les chantiers pour la prochaine législature. L'encadrement constitutionnel sera un levier supplémentaire pour réussir ces chantiers, qui exigeront autant d'efforts sur les dépenses que sur les recettes de toutes natures, mais limiteront une fuite en avant coûteuse pour notre pays.

Aussi la commission des affaires sociales a-t-elle adopté ma proposition de fixer l'objectif de retour à l'équilibre des finances sociales dans leur globalité au plus tard dans la loi de financement pour 2017. En l'état, la présente réforme constitutionnelle ne prévoit l'inscription d'une date de retour à l'équilibre ni dans la Constitution, ni dans la loi organique, ni même dans les futures lois-cadres. Sans aller jusqu'à l'inscrire dans la Constitution comme l'a fait l'Allemagne, j'estime que le présent projet de loi constitutionnelle doit clairement fixer l'échéance du retour à un équilibre durable au moins pour les finances sociales compte tenu de leur nature même.

Cette disposition aura ainsi une valeur constitutionnelle, mais, compte tenu de son caractère transitoire, il n'est pas opportun de l'inscrire dans le texte même de la Constitution. Il reviendra à la loi organique d'en préciser les conditions d'application, notamment les aménagements pouvant être apportés à cette règle compte tenu de l'évolution de la croissance économique et dans le but de tenir compte d'éléments imprévisibles.

Par ailleurs, la commission des affaires sociales, constatant que les lois-cadres s'imposeront dans les mêmes conditions aux lois de finances et aux lois de financement de la sécurité sociale, et que les montants retracés par les lois de financements sont plus élevés que ceux des lois de finances, a adopté ma proposition de renvoyer d'office à une commission spéciale l'examen des projets de lois-cadres.

Pour finir, je voudrais à mon tour m'interroger sur la question du monopole des lois de finances et de financement sur les recettes, qui traduit le souci de garantir une meilleure gouvernance des recettes fiscales et sociales en regroupant dans les textes financiers les créations, suppressions ou modifications des impôts, taxes et cotisations. On ne peut qu'y souscrire.

Le monopole existe déjà depuis une circulaire du Premier ministre du 4 juin 2010. Mais est-ce pour autant une bonne idée que de constitutionnaliser ce dispositif ?

Comme nos collègues de la commission des lois, nous avons manifesté notre réticence et le débat parlementaire devra nous permettre de définir un cadre d'exercice rigoureux des droits des parlementaires compatible avec l'objectif de retour à l'équilibre des finances publiques et sociales.

En effet, réserver exclusivement aux lois financières la capacité d'édicter les dispositions relatives aux recettes porte une atteinte considérable à l'initiative des parlementaires. En effet, il ne nous serait plus possible de déposer d'amendements ayant des incidences sur les recettes qu'en loi de finances ou en loi de financement.

La constitutionnalisation du monopole sur les recettes exercerait des effets d'autant plus disproportionnés que 85 % des modifications apportées aux recettes publiques le sont déjà en loi de finances ou en loi de financement, comme vient de le rappeler le président de la commission des lois.

Autrement dit, c'est pour agir sur 15 % seulement des mesures nouvelles de recettes qu'on remettrait gravement en cause les compétences du Parlement, alors que c'est le plus souvent du côté de l'exécutif qu'il faut chercher les atteintes les plus significatives à ce monopole !

Monsieur le ministre, qu'en sera-t-il de la déjà fameuse prime liée aux dividendes ? Si l'on se réfère à la nouvelle orthodoxie budgétaire, il faudra attendre la fin de l'année, après l'adoption des lois de finances et de financement pour la mettre en oeuvre !

Il faudra donc concilier le droit d'initiative parlementaire avec cette exigence rigoureuse en espérant que le Gouvernement sera lui-même exemplaire.

Le rapporteur général du budget avait proposé de modifier les recettes en cours d'année au moyen d'une nouvelle catégorie de loi, les « lois de prélèvements obligatoires », dont les modalités d'examen seraient celles d'une loi ordinaire et non pas celles d'une loi de finances ou de financement.

Le président de la commission des lois vient de proposer de compléter le mécanisme de contrôle de l'article 41 de la Constitution relatif à la protection du droit réglementaire, qui permettrait de déposer des propositions de loi, mais le Gouvernement ou le président de notre assemblée pourrait à tout moment soulever l'irrecevabilité pour méconnaissance du domaine des lois de finances et de financement. Je me range à sa proposition, à titre personnel, la commission n'ayant pas étudié ces propositions, car elle est de nature à prendre en compte la double exigence de la rigueur financière et des droits du Parlement.

Nous estimons enfin qu'il faut bien s'assurer que les futures lois-cadres pourront traiter des règles de gestion – par exemple la gouvernance des « niches sociales » – comme le font déjà les lois de programmation auxquelles elles vont se substituer.

Mes chers collègues, au-delà des enjeux politiciens, je suis profondément convaincu que le consensus doit être possible, comme il l'a été chez nos amis allemands, pour nous obliger collectivement, et au nom de l'intérêt supérieur du pays, à mieux maîtriser les finances publiques, car chacun porte sa part de responsabilité dans ces trente années de fuite en avant financière. Comme l'a souligné en commission notre collègue Marisol Touraine, « la volonté d'assurer l'équilibre des comptes publics est légitime aux yeux des partis de gouvernement ». Le moment est venu de s'engager.

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