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Intervention de Jean Launay

Réunion du 2 mai 2011 à 17h00
Attentat de marrakech — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Launay :

Monsieur le président, madame la ministre, monsieur le ministre, mes chers collègues, la crise financière n'est pas terminée – et encore moins ses conséquences économiques et sociales, que subissent les Français.

Si cette crise nous impose aujourd'hui quelques réflexions, notamment sur les programmes de stabilité français et européen pour la période 2011-2014, c'est bien parce que la dérégulation totale du système financier, conjuguée à l'avidité des acteurs de l'économie financiarisée, a déclenché cette crise devenue également une crise économique et sociale. Joseph Stiglitz lui-même nous rappelle que les contribuables pauvres et les classes moyennes ont vu leur argent – en principe destiné à aider les banques à consentir des crédits pour relancer l'économie – servir en fait à verser d'énormes primes et dividendes.

Les conclusions du Conseil européen des 24 et 25 mars 2011 posent les questions de la gouvernance européenne et de la coordination du travail parlementaire avec la Commission et le Conseil européen. Nous trouvons inquiétants, madame la ministre, les propos que vous avez tenus devant les sénateurs le 27 avril dernier, par lesquels vous avez évoqué le G20 où l'on s'assure des intérêts de l'économie globale en plus des intérêts nationaux. En effet, cette économie globale, largement financiarisée, a conduit notre pays et l'Europe à traverser une grande crise.

Les mesures prises pour renforcer la gouvernance économique de l'Union européenne et nous permettre de traverser cette crise ne sont ni suffisantes ni durables en termes de régulation. Il faut reprendre le pouvoir sur l'économie et, demain, servir des buts humains.

Qu'il me soit permis de formuler quelques propositions en vue d'une régulation plus convaincante.

D'abord on doit augmenter le coût de la prise de risque spéculative et la responsabilité de ceux qui se livrent à cette activité, au moyen d'une fiscalité spécifique. Il faut également fusionner les places boursières européennes afin d'éviter la concurrence inutile et la course au laxisme et d'attirer les entreprises ; cette mesure constituerait un véritable point d'appui pour une meilleure réglementation européenne de la finance.

Je propose également de taxer les transactions financières de manière modulée, en fonction de la destination des fonds ; de nous doter d'une véritable autorité des marchés financiers à l'échelle européenne ; de rendre obligatoire un enregistrement des hedge funds auprès d'une autorité européenne chargée de surveiller leurs pratiques et la provenance de leurs fonds. (« Très bien ! » sur les bancs du groupe SRC.)

Pour ce qui est des objectifs proprement dits du programme de stabilité pour la France, oui, notre pays doit rétablir une situation budgétaire saine et soutenable. En matière de déficit public, nous sommes d'accord sur la nécessité de revenir aux 3 % de déficit maastrichtien. Cela dit, c'est bien vous qui vous êtes écartés de cet objectif, au point de nous imposer aujourd'hui cette marche forcée qui pénalisera les plus faibles et les plus démunis. Je rappelle également que la dette a été multipliée par deux en dix ans de vos gouvernements et que, dans ce fardeau, la crise ne pèse que pour un tiers, les deux autres tiers étant dus aux effets de votre politique. Voilà, monsieur le ministre, notre réponse à l'amnésie que vous dénonciez !

Sur la réduction du chômage, ce ne sont pas les chiffres un peu plus rassurants des derniers mois qui vont changer la dure réalité à laquelle sont confrontés nos concitoyens, celle du chômage et de la dégradation de leur pouvoir d'achat. Pierre-Alain Muet rappelle souvent, à juste titre, que la meilleure façon d'agir sur le pouvoir d'achat est de créer des emplois.

En ce qui concerne la relance de la croissance, je rejoins la dénonciation par le sénateur Philippe Marini de la définition gouvernementale archaïque du taux de croissance. Au-delà, pourquoi vous acharnez-vous à mettre sur le dos des collectivités locales la responsabilité de la dépense publique ? Geler les concours financiers aux collectivités, c'est pénaliser l'investissement public, dont les collectivités assurent plus de 70 %, et c'est ralentir l'activité économique et l'emploi.

Avec ce programme de stabilité, vous voulez nous enfermer dans la rigueur à perpétuité. Après avoir été les complices de la crise financière – le sauvetage des banques a mis en lumière l'hypocrisie ambiante, dénoncée par Joseph Stiglitz et démontrée par l'annonce du retour des larges bonus et rémunérations des banquiers –, vous voulez imposer, dans les règles européennes et dans la Constitution – nous en reparlerons demain – l'affaiblissement définitif de notre capacité à réduire le chômage et à relancer la consommation.

Non, décidément, nous n'avons pas la même conception de la régulation ! Pour nous, réguler ne consiste pas seulement à faire tomber le couperet de la sanction ; il s'agit aussi d'aiguillonner les banques et les investisseurs sur la voie de pratiques utiles et plus responsables, de réorienter l'argent disponible vers l'investissement productif, socialement utile et écologiquement vertueux.

Si nous reconnaissons aux États et aux confédérations d'États sous toutes leurs formes – qu'il s'agisse de l'Union européenne ou du G20 – le droit et le devoir d'encadrer, de proscrire, d'interdire pour réguler la finance, nous voulons aussi qu'ils le fassent en respectant la société civile – les Français, tout simplement.

C'est encore Joseph Stiglitz qui nous rappelle que « tous ceux qui prêchent la modération budgétaire quand il s'agissait de petits programmes sociaux destinés aux pauvres, ont réclamé le plus grand programme d'aide qui ait jamais existé ». En France, nous en sommes encore là avec la politique que vous menez : ce programme de stabilité dans le cadre européen n'a pas l'ambition régulatrice et sociale que nous souhaitons. Vous ne serez donc pas étonnés de notre refus de le soutenir. (Applaudissements sur les bancs du groupe SRC.)

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