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Intervention de Christophe Caresche

Réunion du 2 mai 2011 à 17h00
Attentat de marrakech — Débat et vote sur une déclaration du gouvernement

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristophe Caresche :

J'espère que ce sera le cas à l'avenir.

À la lecture du document qui nous est soumis, nous ne pouvons qu'être déçus, qu'il s'agisse de la forme ou du fond. En réalité, le présent programme de stabilité se contente d'actualiser la programmation pluriannuelle annexée au projet de loi de finances. Ce document assez succinct repose sur des hypothèses insuffisamment étayées. Il n'envisage qu'un scénario, manifestement surévalué, et il ne donne pas, au final, les éléments pour bâtir une stratégie crédible par rapport à l'objectif qu'il s'assigne : le retour à un déficit public égal à 3 % du PIB en 2013.

Vous me répondrez sans doute que le Gouvernement n'a pas de raison de changer fondamentalement son approche et, j'allais dire, ses habitudes. Sauf que l'exercice souhaité et voulu par le semestre européen est bien plus exigeant que celui auquel vous vous êtes prêtés. Le semestre européen a précisément pour objectif de sortir d'un cadre convenu, comme l'a d'ailleurs souligné Pierre Lequiller, et de pousser les États à un travail de vérité.

Cet objectif ressort très clairement de la proposition de directive définissant le semestre européen. Même si elle n'est pas formellement adoptée, je me permets d'y référer. Celle-ci précise, dans son article 4 :

« 1- Les États membres veillent à baser leur planification budgétaire sur des prévisions macroéconomiques et budgétaires réalistes, en utilisant les informations les plus actuelles. La planification budgétaire repose sur le scénario macrobudgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. [...]

« 2- Les prévisions macroéconomiques et budgétaires établies aux fins de la planification budgétaire incluent des scénarios macroéconomiques alternatifs permettant d'étudier la trajectoire des variables budgétaires dans différentes conditions économiques. La performance des prévisions passées oriente la gamme des scénarios alternatifs utilisés dans les prévisions macroéconomiques et budgétaires.

« 3- Les États membres publient les prévisions macroéconomiques et budgétaires officielles qu'ils ont établies aux fins de leur planification budgétaire, y compris les méthodes, hypothèses et paramètres qu'ils ont utilisés à cet effet.

« 4- Les États membres soumettent les prévisions macroéconomiques et budgétaires qu'ils ont établies aux fins de leur planification budgétaire à un audit régulier, y compris une évaluation ex post. Le résultat de cet audit est rendu public. »

On voit bien que la préoccupation de la Commission est de réduire au maximum l'incertitude dans la réalisation des objectifs annoncés en adoptant une démarche de sincérité et de prudence. Votre document n'est absolument pas conforme à cette exigence et ne répond pas aux préconisations formulées dans la directive. Pour bâtir votre scénario budgétaire, vous retenez une hypothèse de croissance de 2 % du PIB, dès cette année, puis de 2,25 % en 2012 – en légère régression par rapport à la prévision de 2,5 % du programme pluriannuel des finances publiques –, et de 2,5 % en 2013.

Beaucoup ont souligné, sur ces bancs, mais aussi au Sénat – je ne reprendrai pas le rapport de M. Marini – le caractère irréaliste de ces prévisions par rapport à celles des « conjoncturistes », qui s'accordent sur une progression de 1,7 % du PIB au maximum pour l'année 2011, et par rapport aux performances passées de l'économie française dont la croissance moyenne du PIB a été de 1,5 % depuis le début des années 2000.

Rappelons que la croissance du PIB n'a été supérieure ou égale à 2,5 % que deux fois depuis les années 2000, en 2000 et 2004, et qu'elle n'a été supérieure à 3 % qu'une fois, en 2000. Rappelons aussi que, durant cette période, et sauf en 2000, la prévision de croissance inscrite dans les documents budgétaires et dans les programmes de stabilité a été constamment supérieure à la croissance effectivement réalisée, de 0,2 à 0,5 point. En 2000, elle a été inférieure à la croissance réalisée, M. Carrez se trompe donc de procès lorsqu'il explique que les prévisions de croissance étaient fantaisistes.

Avec ce programme de stabilité, la France s'inscrit dans cette malheureuse continuité. Or c'est précisément pour mettre fin à ce double langage dont la France a été coutumière ces dix dernières années, qui consiste à prendre des engagements au niveau européen pour ne pas les tenir au niveau national, que le semestre européen a été conçu.

Votre démarche est d'autant plus inacceptable que le fait de retenir un scénario « optimiste » aurait dû au moins vous amener à élaborer parallèlement un scénario plus prudent. Cette obligation est très clairement énoncée dans le texte de la directive : « La planification budgétaire repose sur le scénario macrobudgétaire le plus probable ou sur un scénario plus prudent qui met en évidence, de manière détaillée, les écarts par rapport au scénario le plus probable. »

Il s'agit bien d'une injonction aux États d'envisager toutes les hypothèses, y compris les moins favorables.

Pour être acceptable, votre document aurait donc dû comporter une hypothèse basse. Ce n'est pas le cas, si bien que l'on peut s'interroger sur la légalité même de votre démarche au regard du droit européen. Certes, cette directive n'est pas encore adoptée, mais elle le sera probablement d'ici à juin, date d'examen des programmes de stabilité par la Commission.

En tout état de cause, il est probable que la Commission n'acceptera pas le programme de stabilité tel que vous nous le soumettez aujourd'hui, tant il est éloigné de l'esprit dans lequel il aurait dû être conçu. Il y a fort à parier que vous serez contraint de revoir votre copie, et, je rejoins la conclusion de Jérôme Cahuzac, reprenant d'ailleurs le rapport de M. Marini, c'est au moins 10 milliards supplémentaires qu'il faudra trouver pour assurer l'équilibre du budget si vous voulez atteindre les objectifs que vous vous fixez. J'ai bien entendu aussi M. Carrez nous expliquer qu'il manquait 6 milliards pour atteindre les objectifs assignés par ce document.

La démarche que le Gouvernement a choisie n'aurait pas de trop graves conséquences si nous n'avions pas changé d'époque. Ce qui pouvait se concevoir hier dans un contexte de relative stabilité financière, lorsque les marchés ne faisaient pas le tri entre les États européens et considéraient la zone euro comme une zone homogène, n'est plus envisageable aujourd'hui. Le manque de crédibilité de ce programme de stabilité ne renforcera pas la position de la France à un moment où elle doit chaque jour faire la preuve de sa capacité à bien gérer ses finances.

Se pose également la question de sa responsabilité politique au sein de l'Union. La France est avec l'Allemagne le moteur de l'Europe. Elle a souhaité qu'il y ait une meilleure coordination des politiques économiques et budgétaires. Comment expliquer qu'elle ne soit pas exemplaire dans son application ? Une fois de plus, on éprouve le désagréable sentiment qu'elle reste enfermée dans une forme de schizophrénie, refusant de s'appliquer à elle-même les principes qu'elle prône pour les autres ou qu'elle accepte, parfois à contrecoeur, il est vrai, au niveau européen.

Je n'ignore pas, en effet, que le semestre européen comme la redéfinition du pacte de stabilité ont fait l'objet d'intenses négociations avec nos partenaires européens, et en particulier avec l'Allemagne, mais la position qui consiste à accepter un compromis pour ne pas l'appliquer est la pire qui soit.

Si la trajectoire d'ajustement budgétaire demandée aux pays européens et à la France en particulier est trop contraignante, il ne fallait pas l'accepter. Il fallait refuser le « pacte euro-plus », qui confirme les objectifs d'assainissement budgétaire. Or le Gouvernement français s'est rallié à ces décisions, et il lui sera difficile de s'en abstraire.

Il est clair, cependant, que l'effort demandé aux pays européens peut paraître démesuré dès lors que ces mêmes pays ne se donnent pas les moyens de mener une politique de relance économique concertée.

Des propositions ont été faites en ce sens, notamment au Parlement européen. Je pense à celles qui figurent dans le rapport de Pervenche Béres : émissions d'euro-bonds, augmentation significative du budget européen.

Aucune de ces propositions, sans parler de celles qui visaient à alléger le poids de la dette pour les pays les plus fragilisés, n'a reçu un écho favorable. Dans ce contexte, le risque est bien celui de subir un ralentissement prolongé de l'activité économique en Europe. La discipline budgétaire généralisée, en l'absence de réelle stratégie de croissance, risque d'obérer durablement la reprise économique en Europe, et nous savons tous que la stratégie Europe 2020 n'est pas au niveau, à la fois dans les objectifs et dans les moyens d'application. Elle risque également d'accentuer encore la divergence des économies des États européens, contrairement aux objectifs affichés.

On comprend mieux, dès lors, votre réticence à appliquer une forme d'orthodoxie budgétaire mais, l'ayant acceptée sans contreparties, vous êtes contraints aujourd'hui de la subir.

Nul doute, qu'en 2012, il faudra que la France reprenne la discussion au niveau européen, d'autant plus qu'une autre menace plane sur la reprise en Europe, l'appréciation continue et inexorable de l'euro. Je n'insiste pas car j'arrive à la fin de mon temps de parole.

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