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Intervention de Christine Lagarde

Réunion du 19 avril 2011 à 16h00
Commission des finances, de l’économie générale et du contrôle budgétaire

Christine Lagarde, ministre de l'économie, des finances et de l'industrie :

Nous venons aujourd'hui devant vous grâce aux modifications apportées en vue de rendre plus cohérent le débat au sein des parlements nationaux et des institutions communautaires. Il s'agissait de permettre aux assemblées parlementaires nationales de prendre connaissance de l'ensemble des prévisions, en particulier le cadrage macroéconomique, avant leur transmission aux instances communautaires sous forme de programme de stabilité. C'est une première manifestation du nouveau « semestre européen », instauré dans le cadre de la réforme de la gouvernance économique qui a été portée par la France, et dont le Président de la République a souhaité l'application la plus rapide possible.

Le calendrier de travail permet désormais d'établir un diagnostic sur les besoins de coordination en Europe, et d'examiner la façon dont les États membres mettent en oeuvre les mesures appropriées. C'est dans ce contexte que le Conseil européen a arrêté, les 24 et 25 mars, des priorités en matière de politique économique. Il a indiqué qu'il fallait « s'attacher, en priorité, à rétablir des situations budgétaires saines, ainsi que la soutenabilité budgétaire ». Les deuxième et troisième objectifs, qui ne sont pas moins importants, consistent à « réduire le chômage par des réformes du marché du travail » et à « déployer de nouveaux efforts afin de renforcer la croissance ». C'est sur ces trois piliers que le Conseil nous a demandé de préparer des documents budgétaires soumis en premier lieu à votre examen, puis examinés par les instances communautaires.

L'objectif du « semestre européen » est double.

Il consiste, tout d'abord, à organiser un débat sur les programmes de stabilité et de convergence, ainsi que sur les programmes de réformes structurelles. À ce titre, vous avez reçu deux documents : le programme de stabilité de la France 2011-2014, et le programme national de réforme 2011-2014.

Il consiste, ensuite, à développer, avec nos partenaires européens, une vision complète des politiques économiques sous l'angle budgétaire et sous l'angle des réformes structurelles. Leur coordination, leur complémentarité et leur cohérence doivent garantir qu'elles se renforcent mutuellement, au lieu de s'affaiblir. Les performances des uns et des autres seront ainsi améliorées, suivant les trois axes que je viens d'évoquer : la lutte contre le chômage et le renforcement des politiques de l'emploi, le développement de politiques favorables à la croissance, et enfin l'assainissement des finances publiques, considérées d'un point de vue collectif.

Pour ce qui est du cadrage macro-économique, le programme de stabilité que nous vous avons transmis vendredi dernier repose sur des hypothèses légèrement révisées par rapport au programme précédent.

Tout d'abord, la croissance s'est établie à 1,5 % en 2010, comme l'avaient prévu le programme de stabilité de janvier 2010 et le projet de loi de finances. J'observe, par ailleurs, que la croissance est devenue plus autonome : l'investissement privé, reparti à la hausse, et la consommation des ménages, dont nous n'avons pas enregistré de baisse trimestrielle depuis le début de la crise économique, ont progressivement pris le relais des soutiens publics instaurés par le Gouvernement, notamment dans le cadre du plan de relance.

Pour l'année 2011, nous maintenons la prévision de croissance à 2 % de PIB, inscrite dans la loi de finances. L'OCDE, qui a révisé ses prévisions la semaine dernière, arrive au même résultat, voire un peu plus, selon son directeur général. Je tiens à votre disposition les prévisions de la Commission, du Fonds monétaire international et du « consensus de place », qui sont légèrement inférieures : entre 1,6 et 1,8 % de PIB.

Nos prévisions tiennent compte des développements défavorables observés au cours des derniers mois, à commencer par la hausse du prix des matières premières, qui nous a conduits à relever notre prévision d'inflation de 1,5 à 1,8 %.

Nous avons également pris en considération le niveau de l'euro, qui s'est réapprécié par rapport à l'ensemble des monnaies, notamment au dollar américain. Cela ne va pas sans conséquence pour les exportations, mais le pouvoir d'achat du site France est « dopé » pour l'acquisition de biens dont le prix est libellé en devises étrangères, en particulier en dollars.

Nous avons pris en compte, par ailleurs, les catastrophes subies par un certain nombre de pays, au premier rang desquels figure le Japon, même si les économistes hésitent encore sur les effets réels et indirects qui affecteront ce pays, les économies proches, et les pays en lien étroit avec lui. La fourchette des estimations va de 1 à 3,5, tant il est difficile de mesurer les effets indirects qui se produiront, et la rapidité avec laquelle les pays liés au Japon sur le plan commercial, voire manufacturier, pourront trouver des sources alternatives.

J'en viens aux bonnes surprises réservées par les derniers mois, en particulier en matière de créations d'emplois, facteur extrêmement important pour le respect de nos objectifs et pour la consommation en général. Au nombre de 125 000 en 2010, les créations d'emplois ont été supérieures à ce que nous avions prévu. La prévision de l'INSEE pour le premier semestre 2011 vient, en outre, d'être revue à la hausse : le nombre des créations d'emplois devrait s'établir à 78 000.

Les enquêtes de conjoncture, en particulier celles qui sont réalisées auprès des chefs d'entreprise, se sont aussi améliorées plus vigoureusement que prévu, tant pour la production actuelle que pour celle des mois à venir. Les derniers chiffres que nous avons reçus ce matin, en particulier le Purchasing Manager Index – PMI – pour l'ensemble des dix-sept pays de la zone euro, laissent penser que la croissance devrait être robuste au premier semestre. Comme je l'ai déjà indiqué, l'OCDE a révisé à 2 % de PIB sa prévision de croissance pour l'année 2011.

Un troisième facteur positif est la consommation des ménages, bien orientée pour le premier trimestre 2011 malgré la diminution, puis l'extinction de la « prime à la casse », qui a largement soutenu le secteur automobile à la fin de l'année 2009 et au début de l'année 2010.

Nous estimons que ces différents facteurs, négatifs comme positifs, devraient se compenser en matière de croissance. C'est pourquoi je maintiens à 2 % notre prévision de croissance pour 2011.

L'activité devrait s'accélérer cette année grâce à quatre moteurs principaux. Nous prévoyons tout d'abord que les exportations, qui ont été dynamiques au cours de la période récente, puisque leur rythme de croissance a été équivalent à celui des exportations allemandes pendant les six derniers mois, continueront d'évoluer de la même façon.

Les chefs d'entreprise du secteur manufacturier prévoient une hausse de 14 % de leurs investissements en valeur, et un fort rebond des permis de construire, qui est un bon indicateur pour anticiper l'évolution du BTP, est également constaté : l'investissement résidentiel devrait donc être bien orienté dans les mois à venir. Un troisième facteur de nature à encourager l'activité en 2011 est le cycle des stocks : les entreprises françaises n'ont que très faiblement reconstitué leurs stocks pendant l'année 2010, contrairement aux entreprises de certains de nos voisins, notamment l'Allemagne.

Enfin, les créations d'emploi devraient soutenir les revenus d'activité des ménages, et donc la consommation. Comme je l'ai indiqué, l'INSEE a révisé sa prévision concernant les créations d'emploi pour le premier semestre.

Dans l'ensemble, le paysage devrait être assez positif en 2011, même si certains facteurs pèsent négativement sur nos prévisions.

Pour 2012, nous prévoyons une croissance de 2,25 % : l'activité devrait s'accélérer légèrement grâce à la dynamique de l'investissement et à la poursuite de l'amélioration du marché du travail, qui soutiendra, une fois encore, le revenu des ménages et réduira l'épargne de précaution au profit de la consommation. Les réformes structurelles entreprises depuis 2008 – le crédit d'impôt recherche, les investissements d'avenir, le remplacement de la taxe professionnelle par la contribution économique territoriale, qui engagera mieux les entreprises à investir, mais aussi la réforme des retraites – devraient progressivement améliorer la compétitivité de la France et sa croissance potentielle. Il devrait en résulter une accélération de la croissance en 2013 et 2014 : celle-ci s'établirait alors à 2,5 %.

Mais les incertitudes pesant sur l'environnement international nous incitent à retenir, pour 2012, une prévision de croissance légèrement plus prudente qu'auparavant : nous la ramenons de 2,5 à 2,25 %. Le prix du pétrole étant très supérieur à ce que nous avions prévu, nous portons de 78 à 100 dollars par baril le niveau sur lequel nous tablons. Les crises de la dette souveraine, que nous n'avions pas anticipées au début de l'année 2010, vont en outre conduire à un effort de consolidation budgétaire dans un certain nombre de pays de la zone euro, ce qui aura un effet presque mécanique sur leur commerce extérieur.

Cela étant, la France reste déterminée à respecter la trajectoire qu'elle s'est fixée dans la loi de programmation des finances publiques. Nous ferons même un peu mieux que prévu. En 2010, le déficit public a, en effet, été moins lourd que nous ne le pensions : estimé dans un premier temps à 8,5 % du PIB, il a ensuite été réévalué à 8,2 %, puis à 7,7 %, et il s'est finalement établi à 7 % en exécution. Cela nous permet de revoir à la baisse notre cible de déficit pour l'année 2011 – elle est de 5,7 %, contre 6 % dans le programme de stabilité initial. Je laisserai à François Baroin le soin de détailler la trajectoire de déficit, mais je veux rappeler l'engagement ferme du Gouvernement de la respecter, quelles que soient les circonstances économiques. Nous prendrons toutes les mesures nécessaires, compte tenu de la conjoncture, pour « rester dans les clous ». Nous réduirons ainsi le déficit public à 5,7 % en 2011, puis nous le porterons successivement à 4,6 %, à 3 %, et enfin à 2 % du PIB.

Au total, le programme de stabilité prévoit un ajustement structurel supérieur à 4 points de PIB pour la période 2010-2013, conformément à la recommandation formulée par le Conseil ECOFIN.

Je réitère l'attachement du Gouvernement à faire porter l'essentiel de l'effort de consolidation budgétaire sur la maîtrise des dépenses. C'est un choix indispensable compte tenu du niveau toujours élevé des prélèvements obligatoires dans notre pays : ils atteignent 42,2 % de PIB en 2010, et vous avez rappelé, monsieur le président, les prévisions pour les exercices budgétaires suivants.

La maîtrise du volet « dépenses » repose, en particulier, sur le respect de la double norme inscrite dans la loi de programmation des finances publiques. Je laisse, là encore, à François Baroin le soin d'en présenter les détails, mais je tiens d'ores et déjà à dire que nous avons respecté, pour la première fois, l'objectif national de dépenses d'assurance maladie, l'ONDAM. Nous partenaires européens l'ont observé avec attention. Nous avons à coeur de continuer sur la même voie, car chacun sait à quel point le volume des dépenses sociales pèse sur les finances publiques.

La réforme des retraites, adoptée en 2010, contribuera aussi à la maîtrise des dépenses. Du fait de sa montée en charge rapide, elle aura un double effet : une réduction des déficits, ainsi qu'une augmentation de la croissance. Cette réforme aura un impact sur le déficit public à hauteur de 0,5 point de PIB dès 2013.

Nous poursuivrons, en outre, l'effort de réduction des niches fiscales et sociales conformément au rythme prévu par la loi de programmation des finances publiques : un plancher de 11 milliards d'euros en 2011, puis de 3 milliards d'euros par an. Nous supprimerons prioritairement les niches les moins efficaces sur le plan socio-économique, en évitant toute hausse générale des impôts.

J'en viens aux recettes, qui seront spontanément soutenues par le rebond de l'activité. Ce sera d'autant plus vrai que la solidité du système bancaire français et le niveau relativement bas de l'endettement des ménages permettent d'envisager une reprise plus dynamique que chez certains de nos partenaires, contraints de procéder à des restructurations et à des recapitalisations importantes dans le secteur bancaire, lesquelles conduiront à une ponction sur les moyens disponibles. Les recettes publiques reviendront progressivement à la normale, après la très forte baisse observée en 2009, et elles devraient spontanément progresser un peu plus vite que l'activité économique : le programme de stabilité prévoit une élasticité moyenne des prélèvements obligatoires par rapport au PIB légèrement supérieure à l'unité pour la période 2011-2014. Je reviendrai plus tard sur les raisons qui nous conduisent à retenir ce chiffre.

Le respect de notre trajectoire des finances publiques, auquel nous allons nous astreindre aujourd'hui comme demain, permettra de commencer à inverser la trajectoire de la dette publique à partir de 2013 : en 2011 et 2012, la dette publique française augmentera encore en valeur absolue ; sa réduction sera d'autant plus rapide, par la suite, que le déficit se contractera. Cela suppose de respecter l'ensemble des politiques publiques que nous engageons aujourd'hui et que nous envisageons pour l'avenir.

Ce programme de stabilité est commandé par une double logique : renforcer notre stratégie de consolidation budgétaire, et ménager des marges d'investissement importantes, consacrées à des mesures améliorant la compétitivité de notre pays, telles que les investissements stratégiques d'avenir, axés sur des secteurs où le retour sur investissement est plus long.

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