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Intervention de Jean-Paul Bailly

Réunion du 12 avril 2011 à 17h00
Commission des affaires économiques

Jean-Paul Bailly, président de la Poste :

Je l'ai dit, l'augmentation de capital sera d'abord consacrée au développement et à l'innovation.

Dans le métier du courrier, nous avons défini quatre axes de développement. En premier lieu, nous voulons développer notre compétence sur la totalité de la chaîne de valeur des entreprises, en leur offrant un service beaucoup plus complet. Aujourd'hui, nous nous contentons de distribuer le courrier qu'elles nous confient. Or, la fonction courrier est beaucoup plus large. D'amont en aval, en relèvent les fichiers et les adresses, la fabrication du courrier, sa distribution, la gestion des retours – point de plus en plus essentiel, surtout pour les colis –, l'arrivée de l'information dans l'entreprise, sa numérisation, sa gestion et enfin son archivage.

En deuxième lieu, nous voulons développer le courrier comme un média. Le premier média de France, c'est le marketing direct, qu'il soit adressé ou non adressé. Les entreprises y consacrent plus d'argent que pour la télévision et la radio réunies ! Or, malgré cela, ce média est loin d'avoir atteint la totalité de son potentiel. Alors même que nous sommes capables de démontrer aux PME sa puissance extraordinaire pour leur développement, seul un petit pourcentage d'entre elles y fait appel.

Nous voulons développer, en France et en Europe, notre situation de média relationnel reconnu entre les entreprises et leurs clients et dégager l'ensemble de son potentiel. D'ores et déjà, cette politique commence à porter ses fruits : aujourd'hui, du fait de la promotion que nous conduisons, le marketing direct échappe à la diminution générale de tous les volumes de courriers. Pour poursuivre dans cette voie, il nous faut développer des compétences, et aussi acquérir de petites sociétés, qui disposent de savoir-faire. L'ensemble de ces actions demande des moyens.

Notre troisième axe de croissance est « l'internet de la confiance ». C'est le lancement de Digiposte, que j'ai présenté dans mon propos liminaire. Les développements informatiques nécessaires sont considérables.

Le quatrième axe est la diversification de l'activité des facteurs. Elle est en cours. Aujourd'hui, en liaison avec l'Ordre des pharmaciens, nous développons une activité de portage des médicaments. Nous allons nous lancer dans une activité de passage au domicile des personnes âgées ou en difficulté, pour s'assurer sinon de leur bonne santé – qui n'est pas de notre compétence – en tout cas de leur réactivité. Nous allons aussi développer les services à domicile. À la suite d'un appel d'offres portant sur les deux tiers de la population française, La Poste a été sélectionnée pour l'aide personnalisée à la mise en place de la TNT. Les personnes de plus de 70 ans ou présentant un taux d'invalidité de plus de 80 % peuvent en effet faire appel, via une plate-forme, à un service d'installation de la TNT. Ce sont des facteurs, spécialement formés, qui se rendent chez elles pour effectuer cette tâche. Ils reçoivent un excellent accueil. En Île-de-France, lors du basculement, 1 400 facteurs ont effectué 30 000 interventions. Le bilan à en tirer me semble prouver que, quoi qu'en disent certains, notre modèle social est de qualité. Il fait des facteurs des hommes et des femmes de confiance auprès de tous les Français. Contrairement à toutes les autres entreprises postales, nous disposons de services à plein-temps, et de personnels extrêmement bien formés, qui, loin d'être de simples distributeurs, apparaissent comme des personnes de proximité et de confiance auprès de tous les Français. C'est pour cette raison que certaines des missions confiées aux facteurs ne peuvent l'être à personne d'autre.

L'augmentation de capital va aussi être utilisée pour conduire une politique de développement de l'activité du colis et de l'express en Europe.

Le développement du e-commerce, essentiel pour celui des colis et, dans une moindre mesure, de l'express, est pour nous une opportunité : en France, avec 70 % du marché, La Poste dispose dans l'activité du colis d'une position exceptionnelle qui n'est égalée par aucune autre poste en Europe. Pour la garder, nous effectuons des investissements considérables en matière de qualité de service. « So colissimo » sera suivi par d'autres innovations.

En matière d'express, nous développons une réelle politique internationale. Nous sommes aujourd'hui probablement le numéro 1 dans toute la zone économique européenne sur notre marché, celui du colis de moins de 30 kg, rapide et n'utilisant pas l'avion. Cependant, nous ne sommes pas partout majoritaires ; il est même parfois possible, en Italie par exemple, de parler de « trous dans la raquette ». Conforter notre position est essentiel pour l'emploi en France. Tous les acteurs économiques français sont européens. Si nous ne sommes pas capables de leur proposer une offre de livraison européenne, ils choisiront d'autres prestataires. La dimension européenne et internationale de La Poste est donc vitale, y compris pour nos grands clients français.

Alors que le marché des grands échanges internationaux, hors Europe, est l'un de ceux qui croît le plus vite, nous y sommes très peu présents. Les Allemands y ont procédé à de lourds investissements de logistique. Nous ne voulons pas les imiter. Nous recherchons des manières intelligentes de nous y implanter en investissant peu, c'est-à-dire en faisant porter l'accent sur l'organisation et la valeur ajoutée.

La politique de modernisation de l'enseigne que nous avons lancée est du « jamais vu ». En 2010 nous avons transformé plus de 600 bureaux de poste, petits, moyens et grands. Nous voulons accélérer ce mouvement. Notre objectif est qu'en 2015 l'ensemble du parc, points de présence compris, ait été modernisé depuis moins de quinze ans.

Nécessaire, l'augmentation de capital ne peut suffire à financer l'ensemble de cette dynamique de développement et d'innovation. Nous devons aussi dégager des ressources propres.

Fait aussi partie du développement de l'enseigne celui de La Poste Mobile. Nous avons construit cet opérateur virtuel de téléphonie mobile avec SFR, à la suite d'un appel d'offres. Nous sommes majoritaires dans cette filiale. Sa logique est assez simple : le partenaire opérateur apporte à la filiale des minutes de communication, ainsi que son savoir-faire en termes de produit, de marketing et de service après-vente. La Poste apporte sa marque de confiance, ses valeurs – au nom desquelles les produits doivent être robustes, simples, transparents, sans surprise pour les consommateurs – et enfin sa capacité de distribution. Comme je l'ai exposé, avant la fin du mois de mai, 1 000 points de distribution auront été ouverts, dans les 1 000 plus grands bureaux de poste, et avant la fin de l'année, 1 000 autres de plus. Ces points de distribution, tenus par du personnel, seront assortis de dispositifs allégés dans les 10 000 points suivant, où l'accès aux produits de La Poste Mobile sera lui aussi possible, ne serait-ce que par internet. Le « business plan » que nous avons établi avec SFR envisage pour 2015 un chiffre d'affaires de 500 millions d'euros et 2 millions de clients. Autrement dit, cette activité devrait permettre de sauvegarder un nombre d'emplois considérable dans les bureaux de poste, et même d'en créer.

Au passage, je ne comprends pas quelles informations indiqueraient une dégradation de la confiance envers La Poste. Toutes les enquêtes dont je dispose montrent qu'elle est toujours la première ou la deuxième entreprise en laquelle les Français ont confiance. Les autres opérateurs, les autres banques, valorisent notre réputation de marque de confiance.

Il faut vraiment inscrire La Poste dans une vision dynamique, et sortir du statu quo ou d'un passé, certes particulièrement rayonnant, pour aller vers les besoins des Français ; la téléphonie mobile en fait partie.

Enfin, nous complétons actuellement notre gamme de produits bancaires. L'offre auprès des particuliers est déjà complète. En revanche, nous sommes loin d'avoir équipé nos clients en crédits à la consommation, en assurance dommage et en produits de prévoyance et de santé ! La question est donc désormais celle de la dynamique commerciale et du développement. Nous allons aussi désormais procéder aux investissements nécessaires au développement d'une offre de produits aux personnes morales.

Notre relation avec la Société générale pour le crédit-bail mobilier n'est pas un partenariat stratégique ou capitalistique ; elle est juste fondée sur un contrat commercial d'achat de prestations. La filiale que nous avons créée, qui appartient en totalité à la Banque postale, recevra de la filiale de la Société générale les prestations dont nous sommes convenus avec elle. Le modèle est différent des partenariats stratégiques que nous avons conclus pour la consommation ou l'assurance dommage.

Le groupe a toujours eu la haute main sur ses filiales. L'augmentation de capital va encore conforter cette situation. En effet, elle accroît sa puissance et le met en position d'arbitrage. J'ai toujours pensé qu'une ouverture du capital au niveau des filiales, et non du groupe, aurait été catastrophique pour les métiers et l'équilibre de celui-ci. En effet, l'ouverture n'aurait alors bénéficié qu'aux filiales dont le capital aurait été accru. Or, j'ai besoin de ressources pour financer le développement harmonieux et équilibré de toutes les activités du groupe La Poste, y compris le courrier, ainsi que de l'enseigne, auxquels personne ne serait venu s'intéresser. C'est pour cette raison que j'ai voulu que l'augmentation de capital ait lieu au niveau du groupe.

Je ne peux pas laisser dire que l'offre des APC et des RPC est un ersatz. Elle est quasiment comparable à celle des bureaux de poste ; les plages horaires d'ouverture élargies offrent une bien meilleure accessibilité – l'accessibilité, c'est la multiplication du nombre de bureaux de poste par les horaires d'ouverture. Cette politique, je le sais, rencontre des réticences ; il reste que les mesures d'opinion que nous commandons aux instituts de sondage – je suis prêt à les mettre sur la table – montrent des taux de satisfaction en progression depuis 2006 : ils sont aujourd'hui de 90 % ou au-delà.

La question du climat social a été abordée. Nous pourrions ne pas adapter La Poste à son environnement. Mais, même si elle est difficile, la mission d'un patron responsable est d'adapter son entreprise. Il y va de l'avenir, de la pérennité, de l'activité et des missions de celle-ci. Adapter l'entreprise, faire évoluer les organisations pour faire face aussi bien que possible à la diminution d'activité de La Poste n'est pas une option. Mettre fin aux réorganisations et aux restructurations est irresponsable ; c'est tout simplement créer les conditions pour qu'un jour La Poste se trouve en vraie grande difficulté, alors qu'aujourd'hui, malgré un marché difficile, elle suit une bonne dynamique.

Que la réorganisation crée des difficultés et déstabilise certains agents, c'est vrai : certains facteurs, à qui de nouvelles tâches sont demandées, effectuent la même tournée depuis 20 ans. Cependant, en mon âme et conscience, je crois que les personnels de La Poste dans leur immense majorité – et non pas seulement son président – sont très attentifs aux questions de modernisation. Au passage, je connais peu d'entreprises où la hiérarchie intermédiaire est aussi proche de ses agents et aussi consciente de leurs difficultés, même si une exception peut toujours confirmer la règle.

L'évolution que nous conduisons est absolument indispensable. Il ne s'agit aucunement d'une course à la productivité, ni d'une conséquence de l'arrivée de la Caisse des dépôts dans le capital. Nous devons simplement adapter l'entreprise, et ce à la vitesse à laquelle évolue son environnement.

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