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Intervention de Yanick Paternotte

Réunion du 6 avril 2011 à 9h45
Commission du développement durable et de l’aménagement du territoire

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaYanick Paternotte, rapporteur :

La proposition de résolution européenne de notre collègue Gérard Voisin, que j'ai l'honneur de rapporter, a été adoptée le 9 mars dernier par la Commission des affaires européennes. Conformément à l'article 151-6 de notre Règlement, notre Commission, compétente au fond, disposait d'un délai maximum d'un mois pour déposer son rapport.

Nous avons donc travaillé dans un délai très court pour analyser cette proposition de résolution qui, dans la forme, est assez brève mais qui, sur le fond, traduit une réflexion globale qui aurait mérité que nous disposions d'un peu plus de temps pour étudier les enjeux de la constitution d'un marché ferroviaire unique à l'échelle de l'Union européenne.

J'aborderai trois points successifs : à quoi sert une résolution européenne de notre Assemblée, quel est l'objet de celle dont nous sommes saisis, quelles modifications me semblerait-il utile d'adopter.

Ouverte par l'article 88-4 de la Constitution, la possibilité donnée au Parlement de déposer des résolutions sur les projets d'actes législatifs européens tend à permettre à la représentation nationale de peser sur les décisions qui engagent l'ensemble des États membres.

Si elles n'ont pas force de loi, nos résolutions européennes remplissent trois fonctions essentielles : d'abord, exprimer la position de la France en mettant l'accent sur les points qui lui tiennent le plus à coeur ; ensuite, renforcer le poids des autorités françaises dans la négociation des textes communautaires, en offrant un support utile aux négociateurs ; enfin, appeler l'attention sur les points méritant des avancées ou des éclaircissements, ce qui oblige le Gouvernement à mettre l'accent sur des sujets qui auraient pu être traités de manière trop « discrète ».

Une fois la résolution adoptée par la Commission saisie au fond, l'article 151-7 du Règlement fixe un délai de quinze jours pour demander à la Conférence des présidents de l'inscrire à l'ordre du jour. Toutefois, si nous l'adoptons, la résolution sera considérée comme définitive même si elle n'est pas inscrite à l'ordre du jour de la séance publique, ce qui permet de gagner du temps. Les résolutions adoptées sont ensuite transmises au Gouvernement et publiées au Journal Officiel.

La présente résolution porte sur une proposition de directive du Parlement européen et du Conseil établissant un espace ferroviaire unique européen, dont l'orientation a été adoptée le 27 septembre 2010. L'adoption de la directive elle-même doit intervenir avant la fin de l'année 2011, d'où l'intérêt de l'aborder très en amont afin d'inciter le Gouvernement à s'y intéresser de près.

La proposition de refonte du premier paquet ferroviaire qu'opère cet acte législatif – je vous renvoie au rapport d'information de M. Gérard Voisin qui décrit fort bien le Meccano très complexe qui en résulte – poursuit trois objectifs : simplifier, clarifier et moderniser le cadre réglementaire en Europe, en tirant les conséquences de la mise en oeuvre du paquet ferroviaire ; préciser certaines dispositions de la législation sur l'accès au réseau ferroviaire en vue de faciliter la transposition correcte et efficace du droit de l'Union européenne dans tous les États membres ; substituer aux dispositions obsolètes du paquet actuel des mesures mieux adaptées au marché actuel, en particulier pour ce qui concerne la garantie d'accès des nouveaux entrants ou le modèle de détention de l'infrastructure par la puissance publique. Ce dernier point fait l'objet d'un débat récurrent entre Allemands et Français, sur la question de la séparation, de la gestion du réseau et de l'exploitation des lignes.

Les principales modifications proposées dans la directive concernent :

– la séparation comptable entre les activités qui bénéficient d'un monopole légal et celles qui sont soumises à la concurrence ;

– l'obligation faite aux États membres de publier des stratégies de développement du secteur ferroviaire à moyen et long termes, avec l'ambition d'éclairer le jeu pour une industrie ferroviaire dont les délais de retour sur investissement sont particulièrement longs ;

– la clarification des principes afférents aux accords transfrontaliers, entre États membres comme avec les pays tiers, tels que la Suisse ;

– la clarification du contenu des documents de référence du réseau (DRR), très détaillés mais pouvant contenir des « bugs » annihilant toute possibilité d'ouverture à la concurrence ;

– la modernisation des dispositions traitant de l'indépendance des organismes de contrôle, de sorte que ceux-ci puissent garantir l'accès aux services ferroviaires et, au bénéfice des nouveaux entrants, toutes les conditions d'une concurrence équitable entre opérateurs – à cet égard, la loi du 8 décembre 2009 relative à l'organisation et à la régulation des transports ferroviaires (ORTF) comportait la création de l'Autorité de régulation des activités ferroviaires (ARAF) ;

– enfin, le renforcement de la coopération transfrontalière et des tâches de surveillance du marché confiées à la Commission européenne, en particulier pour ce qui concerne les investissements dans l'infrastructure ferroviaire, l'évolution des prix, la qualité des services et les obligations de service public (OSP) en matière de transport ferroviaire de voyageurs.

J'en viens aux principales modifications que je propose, non sans avoir salué le travail de notre collègue Gérard Voisin et l'initiative de la Commission des affaires européennes, qui a souhaité envoyer quelques signaux en direction du Gouvernement et des négociateurs français.

La résolution qui découle du rapport d'information, intitulé « La libéralisation du transport ferroviaire en Europe : une nécessaire mais complexe régulation », est rédigée de manière équilibrée. Elle comporte neuf points – je me bornerai, à ce stade, à commenter les principaux.

Le premier tend à ce que l'Assemblée nationale prenne acte et se félicite de la volonté de la Commission européenne de préciser les modalités de la séparation entre gestion et utilisation du réseau ferroviaire. Le deuxième exprime le souhait que soit suspendu le recours en manquement contre la France afin de faciliter la négociation du projet de directive, ce que je viens d'évoquer « en creux » à travers la loi ORTF. Le quatrième point concerne le volet social du texte, qui doit tendre à une meilleure convergence – le mot est important – des différents statuts des personnels du rail. Le point six réaffirme l'exigence de sécurité, en vue de rompre définitivement avec l'idée que l'ouverture à la concurrence entraîne un abaissement du niveau de sécurité, point d'autant plus important que le groupe GDR a déposé deux amendements fondés sur le principe inverse. Selon ses auteurs, la concurrence générerait de l'insécurité, ce que je récuse formellement. En vérité, il s'agit d'un problème d'entretien des infrastructures qui s'est manifesté dans certains pays, notamment La Suède et le Royaume-Uni. Depuis lors, les infrastructures correspondantes ont été remises à niveau et les difficultés ont été résolues, parallèlement à la généralisation de la concurrence. Il convient donc de réaffirmer l'exigence de sécurité sans fustiger l'ouverture au marché du transport ferroviaire.

D'autres points visent, à poursuivre la réflexion interne à la France sur la répartition des moyens et des compétences entre la SNCF et Réseau ferré de France (RFF), y compris à la lumière des expériences étrangères et à renforcer l'ARAF dont l'activité vient de débuter. Avec Maxime Bono, nous avons du reste récemment présenté le rapport sur l'application de la loi qui a créé cet organisme. Même si j'y étais favorable en 2009 en tant que rapporteur du projet de loi, le démarrage de son activité est si récent qu'il me semble peut-être prématuré de songer déjà à renforcer ses moyens. Sans doute serait-il préférable de prendre un peu de recul, comme nous l'avons fait pour l'Autorité de contrôle des nuisances aéroportuaires (ACNUSA), dont nous avons élargi le champ de compétences dans le cadre de la loi Grenelle II – contre l'avis de ses responsables.

Les principaux amendements que je vous soumettrai concernent la suppression du point 3, qui rouvre de manière ambiguë et prématurée le débat sur l'ouverture à la concurrence des TER et dont la rédaction imprécise peut être source de confusion. Au plan formel, de même qu'une loi nationale n'a pas vocation à préciser ce que les citoyens n'ont pas à faire, une directive européenne doit se borner à fixer des objectifs et des obligations, sans entrer dans des débats de politique interne.

S'agissant du volet social, je proposerai – tout en comprenant les intentions des auteurs de la résolution – de limiter notre ambition à une « convergence » des conditions d'emploi des personnels du rail, de préférence à leur « harmonisation préalable », laquelle pourrait s'opérer aussi bien vers le bas que vers le haut.

Concernant le regroupement des demandes liées à la sécurité, je présenterai un aménagement tant de forme – les paragraphes concernant le degré de sécurité et la certification du matériel pouvant être fusionnés – que de fond, la notion d'« exigence » de sécurité me paraissant plus forte que celle de « demande » de sécurité et touchant à une question très importante pour les citoyens, aussi bien pour les voyageurs que pour les marchandises – le débat reviendra à n'en pas douter sur la sûreté du transport de matières dangereuses, en particulier dans les zones urbaines ou dans le couloir rhodanien de la chimie.

Enfin, un amendement tendra à ajouter un paragraphe, en forme de rappel de principe, pour préciser que, conformément au Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, il faut éviter de recourir de manière trop systématique aux actes délégués et aux comités d'experts, auprès desquels les autorités politiques des États membres se dessaisissent trop souvent de leurs prérogatives.

Le groupe GDR a déposé une demi-douzaine d'amendements. J'espère que nous parviendrons à un accord, si possible unanime, afin d'adresser un message significatif au Gouvernement pour la négociation de la future directive.

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