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Intervention de Pierre Lequiller

Réunion du 30 mars 2011 à 15h00
Débat sur "europe et méditerranée"

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPierre Lequiller, président de la commission des affaires européennes :

Leurs revendications sont simples : libertés politique et économique, juste répartition des richesses, respect des droits du citoyen. Aucun manifestant n'a usé de la vieille rhétorique de la faute du colonialisme ou de l'Occident, aucun n'a cité Israël, l'islamisme ou le djihad. Tous ont clamé leur soif de liberté et de démocratie.

Ces peuples décomplexés ont aussi opposé un démenti cinglant aux extrémismes islamistes. Ils se réclament de la démocratie et non de l'islamisme. La révolte de 2011 ignore le message terroriste de 2001 et s'y oppose même. Elle devrait dissiper l'amalgame pernicieux créé dans l'imaginaire occidental entre islam et islamisme.

Il faut reconnaître que, dans un premier temps, les Européens ont regardé cet éveil démocratique avec inquiétude. Ils ont pensé d'abord « stabilité » avant de penser « liberté et démocratie ».

Les peurs des opinions publiques européennes et les frustrations des peuples arabes ont conjointement freiné le partenariat euro-méditerranéen. Celui-ci devait combler le fossé démographique, économique et culturel entre les 500 millions d'Européens et leurs 300 millions de voisins majoritairement arabes. Il devait les réunir dans un ensemble régional d'importance mondiale. L'ambition était d'intégrer nos voisins du sud au grand marché européen et d'engager la coopération politique avec eux.

Pourtant, quinze ans après le lancement de ce partenariat, les écarts de richesse entre les deux rives n'ont pas diminué. La création d'une zone de libre-échange en 2010 ne s'est pas réalisée. Les investissements directs étrangers restent très insuffisants.

Quels sont les blocages ? L'approche globale définie à Barcelone en 1995 s'est heurtée à la vision bilatérale des pays arabes, divisés sur leurs propres objectifs. En 2004, la politique européenne de voisinage s'est heurtée à une concurrence dans l'aide aux voisins de l'Est et du Sud.

En 2008 enfin, l'Union pour la Méditerranée, initiative excellente et prémonitoire du Président de la République, a relancé le processus sur deux bases : coresponsabilité nord-sud et développement de projets concrets et fédérateurs. Malheureusement, le conflit de Gaza a paralysé cette idée féconde.

Les régimes autoritaires nous ont longtemps fait croire, à tort, qu'ils étaient le meilleur rempart contre l'extrémisme et le terrorisme. Le partenariat euro-méditerranéen a fondé la stabilité régionale en mettant l'accent sur la logique sécuritaire. C'était légitime, mais l'objectif de la démocratisation basée sur le codéveloppement n'était pas suffisamment privilégié.

Nous, Européens, avons un devoir historique. Nous devons aider les peuples arabes à consolider leur transition démocratique et à conjurer deux risques : une réaction des régimes autoritaires brisant l'élan démocratique ; un effondrement économique discréditant la démocratie.

La barbarie du colonel Kadhafi, bombardant son propre peuple, a déclenché la réaction de la communauté internationale. Nous ne pouvions pas, nous ne devions pas rester spectateurs. À nouveau, je salue l'initiative du Président de la République et votre rôle décisif, monsieur le ministre d'État, pour obtenir l'adoption de la résolution 1973 et entraîner tant de partenaires avec nous. Nous n'avions pas le droit de laisser les massacres se perpétrer en Libye parce que nous ne devions pas, non plus, laisser déstabiliser les démocraties naissantes qui entourent ce pays.

Nous avons le devoir de rester vigilants. Si nous n'aidons pas ces démocraties en devenir, le risque existe encore d'un retour à l'autoritarisme et à l'islamisme. Voilà pourquoi il faut refonder l'Union pour la Méditerranée, la rendre beaucoup plus active. Il lui faut des bases plus réalistes et plus ambitieuses. Il nous faut aussi une vraie politique étrangère commune pour faire face à l'avenir.

Qu'en est-il, monsieur le ministre d'État, de la perspective d'une reconnaissance par l'Union européenne de la Palestine, en l'absence d'un accord de paix avec Israël ? Ne serait-il pas opportun que la Haute représentante joue sur ce sujet un rôle moteur ?

Pour réussir la refondation de l'Union pour la Méditerranée, il faudra garantir la répartition des deux tiers au Sud et un tiers à l'Est dans les perspectives financières de l'Union. Il faudra aussi réduire les écarts d'aide par habitant qui peuvent aller de un à dix.

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