Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de Serge Blisko

Réunion du 15 mars 2011 à 21h30
Droits et protection des personnes faisant l'objet de soins psychiatriques — Motion de rejet préalable

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaSerge Blisko :

…il faut parfois parcourir plus de cent kilomètres pour se rendre à une consultation publique. Dans ces conditions, il sera difficile d'imposer des soins en ambulatoire à des malades qui, pour beaucoup d'entre eux, sont en état de grande précarité. Comment s'étonner alors d'un chiffre terrible : 30 à 50 % des personnes sans domicile fixe sont atteintes de graves maladies psychiques. Nous parlons de personnes livrées à elles-mêmes sans soins ni suivi, désocialisées, souvent concernés par l'alcoolisme ou les toxicomanies. Comme l'a démontré le professeur Jean-Pierre Olié, pour ces malades, l'absence de soins et de liens sociaux multiplie par huit les risques de délinquance et de criminalité.

Enfin, ce tableau sinistre ne serait pas complet si on ne rappelait pas les grandes difficultés rencontrées par les structures extra-hospitalières, qui devraient être aujourd'hui les fers de lance de la psychiatrie de secteur. Ces structures sont toujours débordées, toujours à cours de moyens et toujours dans l'obligation de retarder les consultations. N'oublions pas non plus ces milliers de malades dans la rue, et les 30 % de personnes détenues présentant des troubles psychiatriques sévères, comme l'a montré le rapport du professeur Rouillon.

Par ses discours, le Président de la République a contribué à la stigmatisation des personnes atteintes de pathologies mentales. Je le regrette et, dans l'hémicycle, nous sommes nombreux dans ce cas.

Trop souvent, hélas, les médias traitent ces questions à la rubrique des faits divers. On y trouve très rarement des informations scientifiques et médicales sur les progrès thérapeutiques. Je vous invite à relire le discours du Président de la République à Antony : vous constaterez que c'est absolument effarant !

Plus préoccupante encore est la faiblesse des investissements pour la recherche sur les troubles mentaux, alors que l'on sait qu'il s'agit du meilleur moyen pour faire reculer les maladies. À ce sujet, vous avez eu raison d'évoquer l'alerte précoce. L'investissement privé et public dans la recherche est très faible. Le professeur Marion Leboyer, grande spécialiste de ce secteur, estime que, en France, nous n'y consacrons que 25 millions d'euros par an, soit 2 % du budget de la recherche médicale. Les sommes investies sont particulièrement dérisoires au regard de ce qui se fait dans d'autres pays : 172 millions d'euros sont consacrés à la recherche sur les maladies mentales en Grande-Bretagne, soit sept fois plus qu'en France ; ce chiffre s'élève à 3,5 milliards d'euros aux États-Unis.

Voilà le tableau sinistré de la situation auquel vous voulez ajouter une grande complexité et beaucoup de travail supplémentaire pour les équipes soignantes.

En conclusion, chacun d'entre nous comprend que le projet de loi qui nous est présentée visant à réformer la loi du 27 juin 1990 sur les soins sans consentement est inapplicable s'il ne s'inscrit pas dans un cadre législatif précisant clairement l'organisation des dispositifs de soins et de prévention en santé mentale – je n'évoque même pas le nombre de juges et de greffiers qu'il faudrait recruter, comme le montre l'étude d'impact. De nombreux rapports, comme ceux du président du Sénat, M. Gérard Larcher, de M. Édouard Couty et du sénateur Milon ont souligné la nécessité d'une loi globale et spécifique.

L'absence d'une loi de rénovation de la psychiatrie et de la santé mentale nous conduit à refuser ce texte très partiel.

Il nous faut malheureusement constater qu'avec la procédure d'urgence parlementaire et ces trois journées de débat au plus, nous sommes loin, et très en retrait, de la démarche du législateur de 1838, qui avait mis plusieurs mois à discuter d'une question essentielle : comment concilier de la meilleure façon possible le respect de la liberté des patients et de l'obligation de soins ?

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion