Découvrez vos députés de la 14ème législature !

Intervention de François Fatoux

Réunion du 21 décembre 2010 à 17h00
Délégation aux droits des femmes et l’égalité des chances entre les hommes et les femmes

François Fatoux :

L'essentiel est de rendre un tel dispositif financièrement incitatif car, au moment de prendre un congé parental, les couples procèdent à des arbitrages en tenant compte de leurs revenus comparés. Les mêmes arbitrages valent d'ailleurs pour l'affectation désormais possible à l'un ou à l'autre des parents de la bonification pour enfant ; elle a pour effet pervers que la femme reste dépendante d'un choix économique : les hommes se feront attribuer la bonification afin d'obtenir une amélioration du niveau de vie du couple lors de la retraite. Nous avions tenu à sensibiliser les entreprises aux enjeux économiques des droits à la retraite, en soulignant que l'inégalité salariale pénalise deux fois les femmes, puisqu'elle porte à la fois sur leur salaire et sur leur salaire différé. Mais bien peu nombreux sont les directeurs des ressources humaines et les syndicalistes qui connaissent précisément le fonctionnement des régimes de retraite de base et complémentaire. Ainsi, la loi fait désormais obligation de négocier, pour les personnes travaillant à temps partiel, la possibilité de cotiser sur la base du taux plein. Or ce dispositif existait déjà, mais personne ne le savait ! L'information est primordiale.

Outre leur dimension financière, ces questions ont aussi un aspect culturel, avec la persistance de stéréotypes liés à la représentation des sexes. Tous les pays qui ont cherché à promouvoir la parentalité par les hommes ont mené des campagnes de sensibilisation. En Norvège, un père qui ne prend pas son congé de paternité est considéré comme n'étant ni un bon père ni un bon salarié. En France, ce modèle social n'a pas cours : a-t-on connaissance d'un seul homme politique tenu de se justifier parce qu'il n'a pas pris son congé de paternité ? On le reprochera à une femme politique ; à un homme, jamais. C'est tout le débat sur l'opposition entre la norme juridique et la norme sociale. Comment faire pour que la norme sociale soit que celle où chacun assume sa part de responsabilité ? Comment la créer en France ? Il est nécessaire d'en débattre, de porter sur la place publique le thème de la conciliation entre la vie familiale et vie professionnelle. Pour l'instant, cette question est uniquement portée par des femmes pour des femmes et quand un acteur public l'aborde, c'est sous l'angle réducteur de savoir comment aider les femmes à concilier ces deux volets de leur existence pour qu'elles puissent faire carrière.

À ce propos, nous sommes en train d'analyser comment les accords d'entreprise abordent la conciliation entre la vie familiale et vie professionnelle et en quels termes, ils concernent les hommes. En effet, l'une des limites des politiques d'égalité est que l'on n'a jamais cherché à y intéresser les hommes en leur démontrant explicitement qu'elles leur seront bénéfiques. C'est ce qui nous a conduits à publier une brochure au titre quelque peu provocateur : Les hommes sont l'avenir de l'égalité professionnelle.

De même, nous avons l'intention d'organiser, en mars, une conférence pour intéresser et impliquer les hommes à la politique d'égalité, comme cela a été fait en Norvège, en Finlande et au Canada. Au Canada, par exemple, outre les approches « genre » et « femmes » de la question, une approche sociétale vise à faire des hommes des sujets et des acteurs de l'égalité. Cette politique rejoint les analyses du Conseil de l'Europe, de l'ONU, de l'OMS et de l'OIT : toutes ces organisations disent la nécessité, si l'on veut aller plus loin dans les politiques d'égalité, d'actions ciblées en direction des hommes. Il faut d'autant plus leur démontrer qu'ils gagneront à l'égalité, que se multiplient les politiques en faveur de tous les groupes victimes de discriminations et que nous risquons en effet de voir les hommes célibataires blancs, âgés de 30 à 40 ans, en venir à se considérer comme une nouvelle minorité dans l'entreprise… Il faut donc leur faire comprendre que non seulement ils ne perdront aucun avantage avec l'établissement de l'égalité professionnelle, mais qu'ils y gagneront dans l'organisation de leur vie privée, dans les conditions de travail, la durée du travail, les questions de violence. Nos organisations sociales sont conçues en une fonction d'approches masculines auxquelles n'adhèrent pas nécessairement tous les hommes. Dès lors, nous ne parviendrons pas à nos fins sans une réflexion spécifique des hommes à ce sujet.

Aucun commentaire n'a encore été formulé sur cette intervention.

Inscription
ou
Connexion