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Intervention de Jean Mallot

Réunion du 3 mars 2011 à 15h00
Débat sur le fonctionnement de l'hôpital

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaJean Mallot, coprésident et, rapporteur de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale sur le fonctionnement de l'hôpital :

Monsieur le président, madame la secrétaire d'État chargée de la santé, mes chers collègues, nous examinons le rapport sur l'hôpital public élaboré dans le cadre de la mission d'évaluation et de contrôle des lois de financement de la sécurité sociale que je copréside avec Pierre Morange dont je suis le rapporteur.

Ce rapport, intitulé Mieux gérer pour mieux soigner, formule quarante-six préconisations sur lesquelles nous aurons l'occasion de revenir dans le débat. Il a été remis et publié en juin 2010 après avoir été approuvé à l'unanimité par la MECSS puis par la commission des affaires sociales. Le Gouvernement, largement hors délai, nous a donné par un courrier du 27 janvier, reçu le 31, son point de vue sur nos préconisations.

Nous avons travaillé selon une méthode un peu différente de ce qui se fait d'ordinaire, en partant d'un cas particulier, celui du centre hospitalier intercommunal de Poissy-Saint-Germain. C'est le plus gros établissement hospitalier de la région Île-de-France après l'AP-HP, avec 1 300 lits. Il est né d'une fusion décidée en 1997 mais réalisée sans véritable projet médical. Son déficit était en 2008 de 35 millions d'euros, soit 17,5 % des recettes, le record de France. Cet établissement collectionne la quasi-totalité des dysfonctionnements que l'on peut constater dans le paysage hospitalier français. Il a dû d'ailleurs à une époque emprunter pour payer les salaires de ses agents, ce qui est tout de même une situation extrême.

Bref, nous avons trouvé des éléments instructifs, et nous avons voulu voir s'ils se retrouvaient dans les autres établissements du pays, de manière à préconiser des solutions adaptées.

Concernant cet établissement, la justice a été saisie par le directeur de la DASS au cours de l'été 2009 pour des irrégularités constatées sur des marchés publics. Si vous aviez des informations à cet égard, j'aimerais, madame la secrétaire d'État, que vous me disiez où en est la procédure. Nous, les auteurs du rapport, sommes un peu surpris de ne pas avoir d'informations sur ce point, notamment sur les suites données à l'enquête préliminaire.

Je souhaiterais ensuite savoir quelles sanctions administratives ont été prises à l'encontre des anciens dirigeants. Soit la gestion était bonne, soit, comme le dit le rapport de l'IGAS de l'époque, elle était critiquable et des mesures ont dû être prises, ;je ne sais pas lesquelles.

Enfin, je voudrais bien comprendre pourquoi le nouveau directeur, qui, certes, n'a pas résolu tous les problèmes, importants, mais a tout de même substantiellement réduit le déficit de l'établissement, est sanctionné comme je l'ai lu dans la presse.

Sur le problème plus général des hôpitaux, nous avons relativisé leurs déficits. Constat et nuances, il y a des hôpitaux excédentaires, d'autres qui sont déficitaires, mais, globalement, le déficit net est de 1 % environ de l'ONDAM hospitalier. Ce n'est pas négligeable mais ce n'est pas non plus la mer à boire. Les déficits sont assez concentrés puisque 70 % d'entre eux concernent les centres hospitaliers régionaux.

L'objectif fixé par le Président de la République est le retour à l'équilibre en 2012. Il ne faut pas pour autant oublier l'objectif fondamental qui est d'exercer le service public hospitalier, même si ce n'est peut-être pas à n'importe pas quel prix. C'est la raison d'être de notre formule : mieux gérer pour mieux soigner.

J'insisterai sur quelques points saillants qui sont ressortis au cours de nos travaux et qui ont débouché sur les préconisations formulées.

Il y a d'abord la difficulté dans ce monde hospitalier à transmettre les bonnes pratiques d'un établissement à l'autre. Je crois que cela saute aux yeux de tous les observateurs, que ce soit en matière d'organisation ou de gestion des urgences. Il y a aussi une disparité dans l'allocation des moyens pour une même activité entre deux établissements. La Cour des comptes l'a souligné, il y a des explications à trouver.

Deuxième point saillant, l'importance des personnels, en raison de leur nombre et de leur poids budgétaire – 70 % des charges –, mais aussi dans la mesure où ils sont la richesse de l'hôpital. De leur motivation dépend le fait que l'établissement fonctionne bien ou pas. Ce n'est pas uniquement une variable d'ajustement et je regrette que certains organismes ne considèrent le personnel que comme un sujet de réduction budgétaire, du cost killing, parfois évoqué, et non comme l'outil que l'on devrait au contraire mettre en évidence pour remonter la pente.

Le dialogue social est souvent défectueux et, en tout cas, rarement organisé au niveau de l'hôpital. Nous pensons que des progrès doivent être accomplis sur ce point. Nous souhaitons également que des mesures soient prises pour réduire la souffrance au travail et la pénibilité. Les personnels, à qui des efforts très importants sont demandés, souvent ne voient pas de contrepartie à ces efforts, ce qui est particulièrement regrettable.

Troisième point saillant : il est nécessaire, lorsque nous faisons évoluer le dispositif hospitalier sur le territoire, d'avoir des projets médicaux. Nous nous y prenons souvent, malheureusement, par le haut, alors qu'il faudrait organiser le service public hospitalier en réponse aux besoins de la population sur le territoire, éventuellement en réseaux, en pensant à l'accès aux soins ou à la correction des inégalités – territoriales, sociales, salariales –, en pensant l'hôpital non pas en soi mais intégré dans l'offre de soins sur le territoire. En bref, il faut restaurer un véritable service public hospitalier.

Le quatrième point saillant concerne le rôle des ARS. Celles-ci sont désormais installées et devraient être bientôt totalement opérationnelles. Leur rôle d'appui des établissements, notamment dans la recherche de l'efficience médico-économique, est très important. Elles doivent, notamment avec la HAS, élaborer, par exemple, des référentiels qualité. Elles doivent surtout clarifier le rôle et le travail de cette nébuleuse d'agences : l'ANAP, l'ATIH, que sais-je encore ? Lorsque nous interrogeons les dirigeants des établissements dans nos belles provinces, ils se demandent à quoi servent toutes ces agences : ils ne savent pas toujours ce qu'elles font et n'ont parfois pas même connaissance de leur existence. Ils ne connaissent en tout cas pas le résultat de leurs travaux.

Le cinquième sujet concerne la tarification, la fameuse TAA. Celle-ci est structurellement inflationniste puisqu'elle pousse à l'activité. Elle est d'ailleurs une fausse tarification dans la mesure où elle consiste à déterminer des clés de répartition d'enveloppe et non à donner un tarif au sens du marché.

Nous avons remarqué que, trop souvent, elle ne correspondait pas à une véritable comptabilité analytique. Des tarifs sont imposés aux établissements sans que les dirigeants puissent comparer les tarifs de telle ou telle activité au coût constaté dans leur hôpital. Ils n'ont pas les outils pour mesurer l'effet dans leur établissement de cette contrainte qu'ils doivent respecter.

Cela pose la question de la convergence intersectorielle, sur laquelle nous avons exprimé de très fortes réserves car les logiques des secteurs public et privé ne sont pas les mêmes. Nous aurons peut-être ce débat tout à l'heure.

S'agissant de la tarification, je ferai trois observations. Tout d'abord, il faut absolument clarifier le rôle de la tarification à l'activité. Est-ce un outil d'orientation vers telle ou telle pathologie ou pratique professionnelle, ou bien sert-elle à établir la vérité des prix, auquel cas des progrès restent à faire ? C'est un peu la situation de l'âne de Buridan : on ne sait pas si cette tarification à l'activité est un outil d'orientation ou de vérité des prix, et les dirigeants, dans l'incertitude, sont incités à une optimisation regrettable : optimisation du codage, recherche des activités mieux rémunérées…

Cela pose la question de la pertinence des séjours et des actes, qui nécessite un examen plus approfondi. Les études sur le sujet nous paraissent en effet insuffisantes.

Enfin, le système de tarification ne prend pas suffisamment en compte, ne valorise pas assez la qualité. Il faut absolument à la fois définir des critères plus précis pour évaluer cette qualité et la rémunérer de manière à inciter les établissements à l'améliorer.

Sixième point : il convient de retisser les liens qui se sont distendus entre la communauté médicale et l'administration hospitalière. La loi HPST a malheureusement accentué l'écart. Peut-être que l'organisation en pôles, qui doit être poursuivie, sera un moyen de progresser. En tout état de cause, il faut déployer des efforts en la matière, et je souhaiterais, madame la secrétaire d'État, vous entendre sur ce sujet.

Septième point saillant : la question de l'information des malades, avant l'hôpital, à l'intérieur de l'hôpital et après l'hôpital. Sur les trois plans, demandez à n'importe quel citoyen de notre pays : il n'est ni facile de se rendre au bon endroit avant une hospitalisation ni de se repérer dans l'hôpital, et, quant aux suites, des mesures sont là aussi nécessaires.

Huitième et dernier point : pour appréhender le sujet de façon plus prospective, à supposer que l'on ait résolu tous les problèmes que j'ai évoqués et sur lesquels nous avons présenté des préconisations, il convient de situer notre démarche dans la perspective de l'hôpital de demain. Il est bon de chercher à améliorer l'hôpital tel qu'il fonctionne aujourd'hui mais il faut aussi essayer d'imaginer ce que l'hôpital sera demain, avec le développement de la chirurgie ambulatoire, de l'hospitalisation à domicile, des thérapies géniques, de la télémédecine, laquelle ouvre des perspectives technologiques extrêmement structurantes pour les modalités du travail.

De même, il faut imaginer la manière d'organiser l'hôpital en réseaux sur le territoire et celle de donner aux personnels, notamment paramédicaux, des attributions valorisantes – ce que l'on appelle parfois les pratiques avancées –, en matière d'éducation thérapeutique ou de traitement des maladies chroniques, pour ne prendre que quelques exemples.

Il y a là des pistes d'évolution qui nous permettent de prévoir ce que pourrait être l'hôpital de demain, et c'est dans ce contexte nouveau qu'il nous faut faire vivre les quarante-six préconisations que j'ai évoquées.

En conclusion, ces préconisations méritent de retenir l'attention du Gouvernement. Nous souhaitons, madame le secrétaire d'État, vous entendre sur l'application que le Gouvernement entend en faire, dans la perspective que j'ai décrite. En attendant, mes collègues ne manqueront pas de compléter mon modeste propos. (Applaudissements sur les bancs des groupes SRC et GDR.)

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