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Intervention de Christian Vanneste

Réunion du 2 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la contrefaçon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaChristian Vanneste :

Monsieur le président, monsieur le ministre, mes chers collègues, nous examinons aujourd'hui un texte important pour notre économie. Le projet de loi de lutte contre la contrefaçon, issu d'une directive européenne du 29 avril 2004 relative au respect des droits de propriété intellectuelle porte en effet sur un sujet qui est au coeur de notre avenir économique. Celui-ci sera de plus en plus voué à la création de richesses immatérielles produites par l'innovation et la créativité. Ce sont elles qui peuvent sauvegarder notre spécificité et notre longueur d'avance dans les domaines trop peu nombreux où la France est une référence, tels que le luxe, ainsi que vous l'avez rappelé, monsieur le secrétaire d'État, en soulignant l'importance du comité Colbert.

C'est pourquoi, au-delà des prix et de la qualité des produits, il est nécessaire de nous battre aussi pour protéger les brevets, les marques, les dessins et modèles contre la concurrence déloyale de pays dont les entreprises ont recours à la malfaçon et dont la langue n'a parfois qu'un seul mot pour dire à la fois « fabriquer » et « copier », ce qui crée un certain obstacle culturel à la notion même de contrefaçon. Au-delà de l'économie, il y a aussi un combat culturel à mener, comme nous l'avions fait à propos des droits d'auteur, pour défendre une conception personnaliste dans laquelle la création personnelle est une valeur essentielle, au coeur de notre économie et même de notre société.

Élu d'une région où le textile est très important, une région malheureusement frappée par la disparition de nombreux emplois dans ce secteur, je suis particulièrement sensible au fait que 30 000 emplois – 38 000, selon notre collègue Bernard Brochand – disparaissent chaque année à cause de la contrefaçon. Certes, les produits textiles – vêtements, accessoires du vêtement, linge de maison – ne représentent pas la part la plus importante des contrefaçons saisies en 2006, mais 15 % des saisies concernent encore ce secteur. Ce chiffre est d'ailleurs en progression par rapport à 2005, année où la part des produits textiles dans les saisies était alors de 12 %.

L'évolution économique facilite le développement de la contrefaçon avec la délocalisation des marques, la mondialisation de la distribution, l'inventivité des contrefacteurs, les moyens techniques de copie à leur disposition, enfin avec le développement du commerce sur Internet.

Face à ce phénomène, les douanes redoublent d'efforts. En 2003, elles ont saisi 2 millions d'articles textiles, dont 48 % de prêt-à-porter, 13 % de vêtements de sport et 38 % d'accessoires. En 2005, ce sont plus de 5,5 millions d'articles qui ont été saisis, et 6 millions en 2006.

Notre pays, bien que réputé pour son arsenal anti-contrefaçon, qui figure parmi les plus répressifs et complets d'Europe, notamment grâce à la loi Longuet que nous avions votée en 1994, doit pourtant encore améliorer sa législation. Le texte que nous allons voter va dans la bonne direction. Je tiens à souligner que l'effet de dissuasion sera largement augmenté par la prise en considération dans le calcul des dommages et intérêts des bénéfices réalisés par le contrefacteur, afin d'éviter qu'au bout du compte, le crime puisse payer tout de même. Je suis également sensible aux améliorations apportées dans le domaine de la contrefaçon des médicaments – une contrefaçon dont le caractère criminel est particulièrement évident. Il faut souligner à ce propos l'équilibre entre la sanction et la prise en considération des besoins des pays particulièrement démunis.

En revanche, j'estime encore insuffisante la procédure relative à la saisie-contrefaçon. C'est pourquoi je propose plusieurs amendements sur ce point : il doit être possible, sur décision du juge, d'apporter les preuves de la traçabilité de la chaîne de contrefaçon, notamment en permettant les vérifications nécessaires de la comptabilité. Aujourd'hui, dans les faits, on constate que si l'ordonnance est exécutoire de droit, le juge ne dispose quasiment d'aucun pouvoir de coercition lorsque l'huissier se heurte, comme c'est souvent le cas, à une obstruction ou à une absence de réponse lors de la saisie. Je souhaite par conséquent que l'on mette en place de véritables moyens coercitifs en qualifiant de circonstance aggravante le comportement du contrefacteur. Le juge pourra alors retenir les circonstances aggravantes et condamner l'entreprise ou le responsable présumé contrefacteur. L'huissier aura plus de pouvoir dans l'exécution de la mission ordonnée par la juridiction, et la procédure de saisie-contrefaçon retrouvera alors tout son sens, à savoir protéger les entreprises, les créateurs, les oeuvres et les utilisateurs.

Par ailleurs, si la spécialisation judiciaire est souhaitable dans un domaine qui demande compétence et connaissance, s'il est souhaitable que se constitue un réseau national de tribunaux capables de juger efficacement ce genre d'affaires, on ne voit pas pourquoi les tribunaux de commerce en seraient exclus. Plusieurs d'entre eux – je pense en particulier au tribunal de commerce de Paris – sont tout à fait compétents en ce qui concerne les dessins et modèles nationaux ; par ailleurs, leur connaissance de la dimension économique du problème et l'association fréquente de la contrefaçon avec la concurrence déloyale plaident à l'évidence en ce sens. C'est pourquoi, si une nécessaire réforme de la carte judiciaire doit certes aller vers la spécialisation des tribunaux, donc l'amélioration de la justice rendue, j'estime en revanche que les tribunaux de commerce ne doivent pas être exclus d'un domaine où ils sont justement plus spécialisés que d'autres.

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