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Intervention de François de Rugy

Réunion du 2 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la contrefaçon — Discussion générale

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaFrançois de Rugy :

On pourrait s'étonner, monsieur le secrétaire d'État, que le premier texte soumis à l'Assemblée en ce début de session soit consacré à la lutte contre la contrefaçon : les Français qui nous écoutent s'attendaient peut-être à ce que des mesures plus urgentes soient prises. Mais la contrefaçon est un fléau grave et important qui mérite d'être combattu, et il nous fallait transposer cette directive, qui aurait dû l'être depuis avril 2006. Pour justifier ce retard, vous invoquez une mauvaise excuse en prétendant que cette transposition n'a pu avoir lieu plus tôt en raison des élections présidentielle et législatives. Il me semble en effet que ces élections ne se sont pas déroulées avant avril 2006… C'est un exemple de plus – et j'espère que ce ne sera plus le cas dans les années qui viennent – de la lenteur avec laquelle la France transpose les directives européennes. Il est d'ailleurs quelque peu contradictoire de se lamenter de la trop lente harmonisation des législations européennes et de traîner les pieds pour transposer une directive.

La lutte contre la contrefaçon est une bonne chose. En effet, cette atteinte à la propriété intellectuelle, donc à la recherche et à la création, porte préjudice à une économie honnête et régulée, que ce soit dans les secteurs de l'industrie, de la culture ou de la santé, par exemple. Mais n'y a-t-il pas, là encore, une certaine contradiction, monsieur le secrétaire d'État, à vouloir lutter contre la contrefaçon et à glorifier par ailleurs la dérégulation toujours plus forte de l'économie, comme s'y est employée Mme Lagarde elle-même tout à l'heure, puisqu'elle a indiqué, lors des questions d'actualité, qu'elle voyait dans cette dérégulation un moyen d'augmenter le pouvoir d'achat des Français ?

Faire croire aux consommateurs que l'on peut durablement augmenter leur pouvoir d'achat en faisant baisser la rémunération des salariés pour l'aligner vers le bas, voire en supprimant leurs emplois par des délocalisations, n'est-ce pas légitimer en quelque sorte la contrefaçon ? Ne devrait-on pas développer plutôt des régulations qui feraient converger les intérêts des entrepreneurs, des consommateurs et des salariés, en les protégeant mutuellement contre la concurrence déloyale ?

Oui, la concurrence est une bonne chose, tant qu'elle est encadrée, régulée, loyale. Mais n'a-t-on pas basculé dans un système économique ultralibéral où la concurrence n'est plus équitable ? N'y a-t-il pas une contradiction politique forte à vouloir lutter contre la contrefaçon sans chercher parallèlement à réguler le commerce mondial ? N'y a-t-il pas une certaine irresponsabilité à protester contre la contrefaçon, tout en ouvrant sans limites les marchés européens à des produits venant de Chine, pays dont on sait qu'il n'entend respecter aucune des règles démocratiques et sociales qui sont la base de notre pacte républicain et qui devraient être celle du projet européen ?

Des pans entiers de notre industrie ont ainsi été détruits, que ce soit dans le textile, dans l'électronique grand public ou dans les jouets. Quels sont les prochains secteurs qui seront victimes de cette concurrence déloyale ? La Chine ne compte pas s'arrêter là – et, de son point de vue, on peut le comprendre. L'offensive commence dans le secteur de l'automobile. On voit ainsi arriver dans les salons de véritables plagiats des produits européens, sous la forme de véhicules empruntant à la fois à Mercedes, à BMW, à Peugeot ou à Renault. Pensez-vous que votre projet de loi suffira à lutter contre ce type de contrefaçon ? Celle-ci n'est-elle pas finalement la conséquence, certes choquante mais logique, de la dérégulation totale du commerce mondial ?

Enfin, nous avons tous entendu, lors de la campagne présidentielle, le candidat Sarkozy annoncer qu'il fallait réduire le nombre de fonctionnaires, en prenant précisément l'exemple des douaniers. N'y a-t-il pas une contradiction flagrante entre la volonté de lutter contre la contrefaçon et celle de se priver des moyens de contrôle ? À qui ferez-vous appel pour lutter contre la contrefaçon, monsieur le secrétaire d'État, sinon aux douaniers, pour lesquels M. le rapporteur a d'ailleurs réclamé plus de moyens ?

Comment allez-vous résoudre ces contradictions ? J'attends des réponses mais je ne me fais guère d'illusions, compte tenu des incohérences de votre politique. Dès lors, vous comprendrez que mes collègues Verts et moi-même, nous nous abstenions. (« Oh ! » sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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