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Intervention de Philippe Gosselin

Réunion du 2 octobre 2007 à 15h00
Lutte contre la contrefaçon — Discussion d'un projet de loi adopté par le sénat

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaPhilippe Gosselin, rapporteur de la commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l'administration générale de la République :

La vérité se situe sans doute entre les deux. Quoi qu'il en soit, tous les rapports vont dans le même sens : l'augmentation de la contrefaçon depuis quelques années est indéniable. Ainsi, selon l'administration des douanes, les saisies en valeur ont augmenté de 70 % entre le premier semestre 2006 et le premier semestre 2007.

Il y a donc de quoi être inquiet, et ce pour plusieurs raisons. La contrefaçon est une négation des droits de la propriété intellectuelle, un préjudice économique et social, un risque pour la santé et la sécurité ; je pourrais même ajouter un encouragement à une activité criminelle de plus en plus mondialisée.

La contrefaçon est une négation des droits de la propriété intellectuelle, lesquels – cela a été dit et vous le savez – tendent à protéger et à valoriser des créations de toutes sortes. La contrefaçon porte atteinte à l'innovation et à la création. Or c'est grâce à cette innovation et à cette création que nous pourrons rebondir et aller chercher ces points de croissance qui peuvent nous manquer.

Elle cause, par ailleurs, un préjudice économique et social important. En France, la direction générale des entreprises chiffre son coût à 6 milliards d'euros par an et 30 000 à 38 000 emplois détruits chaque année. Donc le bilan est socialement important.

Ce peut être un risque pour la santé et la sécurité. Nous avons traditionnellement en tête, et c'est un point effectivement essentiel, la contrefaçon liée aux produits de luxe : foulards, sacs… mais elle touche aussi aujourd'hui des composants de sécurité des voitures et avions. Des médicaments sont également falsifiés. L'OMS estime que, même dans les pays occidentaux, environ 6 % des médicaments qui circulent seraient falsifiés. Les produits alimentaires ne sont plus épargnés. Passe encore, je le disais l'autre jour en plaisantant, pour le faux champagne qui ne serait que du mousseux, mais il y a évidemment plus grave, comme pour le lait pour enfants qui serait dépourvu de ses composants essentiels, telles les protéines.

Enfin, la contrefaçon s'apparente de plus en plus à une activité criminelle liée aux réseaux internationaux : Interpol et le FBI s'y sont intéressés.

Dans ce contexte, la France dispose, c'est vrai, d'atouts. Notre législation et notre réglementation sont anciennes puisque nous avons été des précurseurs dans ce domaine. La législation sur les droits de la propriété intellectuelle date de la Révolution et celle sur les brevets remonte au XIXe siècle. Aujourd'hui, si la mobilisation des services de l'État – les douanes, la DGCCRF, la police judiciaire, et la gendarmerie – est importante et si ces services sont fortement mobilisés et sans faille, il convient toutefois d'aller plus loin en transposant la directive 48 du 29 avril 2004, ne serait-ce que parce que la contrefaçon se développe et que l'ingéniosité des contrefacteurs est aujourd'hui sans bornes.

J'aborderai assez rapidement le contenu de ce projet. Je ne reviendrai pas sur tous les points, puisque M. le secrétaire d'État s'y est employé. Si le Sénat a apporté des améliorations importantes, nous pouvons encore amender ce texte et tracer quelques perspectives pour l'avenir.

Ce projet de loi renforce et simplifie les procédures. Il accélère la saisine du juge. En effet, le titulaire de droits de propriété intellectuelle peut obtenir, au besoin sous astreinte, l'application de mesures destinées à prévenir une atteinte imminente ou à empêcher les poursuites d'actes argués de contrefaçon. C'est aussi la consécration d'un droit fondamental d'information des requérants. Ce texte améliore la réparation des préjudices : dans le calcul des dommages et intérêts, il sera davantage tenu compte des conséquences économiques négatives et une indemnité forfaitaire sera fixée.

L'examen du texte au Sénat a permis plusieurs avancées telles que la clarification des qualifications juridiques, l'augmentation de la protection des consommateurs, la rationalisation des procédures et la spécialisation des compétences juridictionnelles. J'ajouterai l'extension des compétences des douanes et des services judiciaires et, enfin, l'organisation des filières touchées par la contrefaçon.

Outre les améliorations rédactionnelles, de cohérence et d'organisation de ce texte, la commission des lois a formulé plusieurs propositions.

Je retiendrai quatre éléments. Il convient d'abord de rendre plus efficace l'action des services de l'État. La commission des lois a en effet adopté des amendements tendant à permettre aux services de l'État chargés de la lutte contre la contrefaçon d'échanger des informations. Elle a aussi souhaité améliorer les pouvoirs de la police judiciaire en élargissant ses pouvoirs d'investigation, ce qui favorisera une meilleure surveillance. Elle a étendu, et nous en discuterons tout à l'heure, aux sommes illicites tirées de la contrefaçon l'obligation de déclaration de soupçon à Tracfin, laquelle s'impose déjà aux intermédiaires financiers. Elle a, enfin, amélioré le régime de la retenue douanière en matière de dessins et modèles.

Les commissaires ont aussi souhaité rendre les sanctions pénales plus efficaces, en sanctionnant la réimportation en Europe de médicaments produits sous licence obligatoire à destination des pays en voie de développement qui connaissent des pandémies majeures ; en clarifiant le régime pénal applicable aux personnes physiques et morales, en généralisant leur responsabilité et en précisant, enfin, le prononcé des sanctions pénales qui n'empêche pas la victime de réclamer des dommages et intérêts.

Par ailleurs, l'action civile sera mieux encadrée. Là aussi, plusieurs amendements seront proposés.

Enfin, l'organisation juridictionnelle sera plus cohérente, grâce à l'adoption d'amendements tendant à conforter la spécialisation juridictionnelle en matière de propriété intellectuelle.

Si ce texte est, comme je l'espère, voté, il faudra toutefois à l'avenir aller plus loin. La commission des lois propose, à cet égard, quelques pistes de réflexion.

Une réorganisation de la chaîne opérationnelle de l'État dans la lutte contre la contrefaçon semble nécessaire. Le renforcement de la spécialisation juridictionnelle va sans doute de soi, mais il passe par une meilleure spécialisation des magistrats. Il conviendra de compléter sur le plan pénal l'harmonisation européenne des procédures civiles de lutte contre la contrefaçon. C'est le pendant pénal aux mesures qui seront soumises tout à l'heure à votre vote. Enfin, et je développerai ce point, nous devrons prendre en compte le développement d'Internet, ce que ne fait pas – d'ailleurs délibérément – ce texte. En effet, le projet de loi de lutte contre la contrefaçon ne traite pas, alors que c'est fondamental, du piratage et de la contrefaçon sur Internet. Or, vous le savez, mes chers collègues, le développement significatif du commerce en ligne et des téléchargements d'oeuvres culturelles conduit inévitablement à l'apparition de nouvelles pratiques contrefaisantes. Nous devrons donc, dans un avenir proche, y apporter des réponses juridiques appropriées. Le Gouvernement n'a pas souhaité traiter ce problème dans ce projet de loi parce qu'un certain nombre de missions sont actuellement conduites. Ainsi, la commission présidée par M. Denis Olivennes y travaille et rassemble tous les acteurs de la diffusion culturelle sur Internet. Il est évidemment hors de question de court-circuiter qui que ce soit. En lançant, sous l'égide de la direction générale des entreprises, en liaison avec d'autres services du ministère de la justice, des études qui permettront de mieux apprécier la contrefaçon sur Internet et d'identifier les solutions qui pourraient lui être apportées, le Gouvernement s'engage à modifier par la suite ces éléments.

Telles sont, monsieur le président, monsieur le secrétaire d'État, mes chers collègues, les observations que je tenais à formuler sur ce texte qui me semble consensuel.

L'adoption de ce projet de loi permettra d'envoyer un signal clair aux titulaires des droits de la propriété intellectuelle comme aux contrefacteurs. Nous ferons ainsi oeuvre utile en protégeant la création, l'innovation et notre économie, en défendant nos emplois et nos concitoyens, ainsi qu'en luttant contre la criminalité organisée. (Applaudissements sur les bancs du groupe de l'Union pour un mouvement populaire.)

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