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Intervention de Alain Vidalies

Réunion du 15 février 2011 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Photo issue du site de l'Assemblée nationale ou de WikipediaAlain Vidalies :

Le rapport de M. Étienne Blanc et les circonstances dans lesquelles nous l'examinons nous conduisent à aborder ces questions avec une grande humilité, mais également l'exigence de ne pas conclure à la fatalité. Entre l'attitude démagogique, qui affirmerait qu'il est possible de trouver un système permettant d'éviter toute récidive, et la nécessité d'en éviter le maximum, il existe une marge, qui est celle de la responsabilité du politique.

Personne ne peut affirmer que la réponse dépende uniquement des moyens dont dispose la justice, ce qui ne signifie pas qu'ils soient indifférents. M. Philippe Houillon s'est placé sur le plan méthodologique : nous ne sommes pas opposés à un bilan juridiction par juridiction, qui permettrait de mobiliser toute la société. Il n'en reste pas moins que les chiffres relatifs à la justice ont un caractère effarant : quatre ans pour obtenir un jugement devant les prud'hommes, qui peut s'en satisfaire ? Certaines juridictions sont totalement sinistrées, d'où un déficit de confiance dans la justice.

Il faut également savoir que les dernières promotions de l'École de la magistrature sont en forte diminution : ne faudrait-il pas prévoir des recrutements exceptionnels de magistrats, comme on en a connu dans le passé, afin de prévenir les problèmes ? Comme l'a rappelé le président Warsmann, plusieurs rapports du Sénat ou de l'Assemblée nationale ont également mis l'accent sur le nombre moyen de dossiers traités par conseiller : de 80 à 130.

Il convient de tirer des enseignements de la dramatique affaire de Nantes en termes d'organisation. Peut-on reprocher aux conseillers de ne pas s'être aperçu de la présence de l'extrait B 1 puisqu'un tel extrait ne se trouve pas habituellement dans le dossier transmis au SPIP ? Il faut effectivement, monsieur le ministre, rendre obligatoire sa transmission dans le dossier car il contient des informations indispensables à une bonne appréhension de la personnalité du prisonnier. Le dossier était arrivé au SPIP dans le cadre d'un sursis avec mise à l'épreuve pour outrage à magistrat, et non pour violence sexuelle. Si l'extrait du casier B 1 devait éveiller l'attention du conseiller, il n'en reste pas moins que le dossier contenait deux appréciations successives fort différentes : selon la première, Tony Meilhon était dangereux et nécessitait un suivi, alors que la seconde, rédigée par celui qui a rempli le dossier de sortie, affirmait que le prisonnier ne présentait aucun caractère particulier de dangerosité, ce qui ne pouvait que rassurer ceux qui étaient chargés de mettre en oeuvre les mesures de suivi.

La lecture détaillée du rapport invite donc à prendre des initiatives, parfois complexes, notamment en matière de secret médical : les constatations effectuées par les médecins ne figurent pas de manière précise dans le dossier parce que ceux qui sont destinés à le lire ne sont pas médecins. Or, cette difficulté a déjà été relevée : les rapporteurs, page 18, précisent en effet que « la mission a constaté l'absence de partage d'informations opérationnelles entre les acteurs pénitentiaires et les acteurs de santé intervenant au centre pénitentiaire de Nantes ». C'est ainsi que Mme X observe que « le service médical ne donne aucun renseignement sur les détenus qui sont suivis. Il n'y a aucun échange possible dans ce domaine. Je n'en connais que ce que Meilhon m'a dit ».

Ce défaut d'échange n'est pas spécifique au cas Meilhon : il est la norme. Il s'agit là d'une situation à risque, à laquelle il est d'autant plus urgent de répondre que les rapporteurs renvoient à un précédent rapport, remontant à 2006, dans lequel l'inspection générale des services judiciaires avait noté que « les deux administrations concernées (Justice et Santé) devraient approfondir les réflexions déjà engagées pour définir un protocole de secret partagé au terme duquel le praticien devrait à tout le moins communiquer au travailleur social l'information selon laquelle un condamné suit ou non les soins qui lui sont imposés, à l'exclusion de tout autre renseignement de nature médicale. » Il s'agit là d'éléments objectifs que le politique doit traiter rapidement. La situation est grave. M. Garraud affirme que la nouvelle organisation, expérimentée au SPIP de Bordeaux, est une réussite. C'est possible. Il est toutefois peu rassurant que les services travaillent en autogestion avec pour seule règle la personnalité du chef de service, en dehors de toute harmonisation avec la direction centrale.

Cette affaire dramatique doit nous inciter à trouver des réponses en termes non seulement de moyens, mais également de circuit de l'information pénale.

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