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Intervention de Michel Mercier

Réunion du 15 février 2011 à 18h00
Commission des lois constitutionnelles, de la législation et de l’administration générale de la république

Michel Mercier, garde des sceaux, ministre de la justice et des libertés :

Ce chiffre n'intègre pas les calculs de la Cour d'appel de Paris, qui ont été communiqués plus tard. En tout état de cause, c'est beaucoup trop et il faut absolument faire exécuter les peines.

Les magistrats ne sont pas du tout laxistes. Ils appliquent la loi telle que vous l'avez votée. Cependant, le fait qu'une personne notoirement condamnée pour une infraction soit toujours présente dans le voisinage est très mal perçu par la population. Cette situation crée un vrai fossé entre les citoyens et la justice, et il faut y remédier.

Il existe plusieurs façons d'exécuter une peine et nous n'allons certes pas créer 170 000 places de prison. Il faut relancer les travaux d'intérêt général pour les courtes peines – et je rencontrerai à ce propos les associations d'élus. Il faut également s'intéresser aux bracelets et à la surveillance électronique extérieure. En effet, on compte aujourd'hui 5 000 bracelets statiques et 43 bracelets mobiles seulement – voici quelques jours, j'ai constaté qu'il n'y avait à Corbas, qui est pourtant un centre important, que deux bracelets de ce type. J'ai donné instruction d'atteindre le chiffre de 12 000 bracelets d'ici à la fin de l'année, ce qui est à la fois beaucoup et fort peu. Les bracelets n'ont jusqu'à présent donné lieu à aucun incident, mais nous devons nous préparer à ce qu'il s'en produise, ce qui est inévitable lorsque 30 000 bracelets auront été installés. Un incident ne justifiera pas cependant que nous renoncions à ce dispositif – nous n'en aurons d'ailleurs pas les moyens.

J'ai entrepris de visiter pratiquement toutes les prisons existantes et je suis surpris de constater que des établissements qui avaient été déclarés insalubres et que nous nous apprêtions à raser sont devenus d'un coup beaux et agréables. Il est amusant d'observer que les détenus que je rencontre ne veulent à aucun prix les quitter. C'est par exemple le cas de la prison d'Aurillac, qui ne dispose pourtant pas même d'un parloir. Cet établissement accueille de nombreux détenus venus d'Ardèche – département au sud duquel la culture d'herbes aromatiques fournit en abondance les prisons – et qui n'ont pas trouvé de place à Privas. La prison d'Aurillac a même été jugée favorablement par les commissions qui s'y sont rendues. La prison de Lure, quant à elle, est devenue si belle qu'elle a obtenu le label européen. À Agen, les détenus ne voulaient pas partir non plus – et, de fait, les évasions sont rares … Nous allons définir d'ici juin le nombre de places de prison dont nous voulons disposer, en conservant certains établissements qu'il était prévu de détruire.

Le fait de conserver toutes les prisons que nous pourrons a bien évidemment des conséquences en termes de moyens. En effet, celles qui devaient fermer représentaient 1 400 postes que nous sommes tenus de conserver, en créant donc de nouveaux postes pour les prisons en cours de construction. Nous ne dépasserons cependant pas un total de 70 000 à 75 000 places – ce qui est déjà beaucoup – et il faudra donc trouver d'autres moyens d'exécuter les peines.

Je vais prendre des mesures d'urgence en dotant 14 juridictions, avec des contrats d'objectifs, de moyens supplémentaires pour résorber le nombre des condamnations non exécutées. Il est cependant vraisemblable que ce qui sera résorbé d'un côté se traduira ailleurs par d'autres peines non exécutées.

Je me réjouis que l'Assemblée nationale travaille sur cette question. En effet, tout en découvrant avec enthousiasme ce ministère passionnant, j'en découvre aussi la sous-administration chronique et le manque de moyens. Ce dernier est du reste historique et, malgré les efforts du gouvernement actuel en termes de construction de prisons, de dotations budgétaires et de créations de postes, nous restons loin du compte. J'ai entendu avec intérêt votre proposition de trouver des crédits et j'espère que cette procédure est parfaitement légale dans le cadre de la LOLF.

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